Le coût du travail très qualifié, c'est la clé de la compétitivité

La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui: le coût du travail très qualifié, c'est la clé de la compétitivité

Que sait-on du coût du travail qualifié en France, en comparaison internationale ? Pas grand-chose, en fait. Autant il existe une abondante littérature sur le surcoût du travail non qualifié, autant la question du travail qualifié demeure délaissée. Avec un a priori bien établi : ce n'est pas là que se situe le problème.

D'abord parce qu'il s'agit d'un facteur mobile, sur lequel s'exerce une concurrence internationale. Autrement dit, le marché est censé faire son job et établir une péréquation internationale. Ensuite, parce que le taux de chômage des qualifiés étant faible, tout laisse croire que le prix est à l'équilibre. Enfin, parce que même si certains s'inquiètent de la fuite des cerveaux qui irait de pair avec une faible attractivité de la France, le phénomène reste de second ordre.

Les risques d'un coût élevé du travail qualifié : déclassement, faible attractivité, manque de compétitivité

Sauf que la faiblesse du taux de chômage des qualifiés peut très bien cohabiter avec une rareté des emplois qualifiés, soit du fait d'un défaut d'attractivité des rémunérations, soit du fait d'un surcoût du travail. Et une telle situation induit un déclassement dans l'emploi, donc un gaspillage de capital humain. Les diplômés sont embauchés sous leur potentiel. Le chômage se cristallise alors sur les moins diplômés, sans que cela soit nécessairement le signe d'un coût du travail excessif des non qualifiés. Et lorsque l'on regarde le taux d'emploi qualifié dans les professions scientifiques, techniques, dans les fonctions d'encadrement supérieur et dans les métiers de management, cette hypothèse n'est pas à exclure.

D'autant que le niveau des prélèvements pesant sur le travail (cotisations employés, employeurs, impôt sur le revenu) est parmi les plus élevé de l'OCDE pour le haut de la distribution des revenus. Et ce haut niveau de prélèvement est susceptible de produire deux effets : écraser le niveau du salaire net après impôts, rendant la France peu attractive pour les entreprises soumises à la concurrence internationale ; et produire un surcoût du travail qualifié pour l'entreprise en cas de rigidité des salaires, rendant les secteurs exposés peu compétitifs.

Le travail qualifié coûte plus cher aux entreprises et rapporte moins aux salariés

Face à cette double menace, que nous disent les chiffres ? Si on compare le niveau de coût horaire moyen du travail, en France, dans les secteurs à forte intensité en travail qualifié, à celui de ses principaux partenaires dans la finance, les services spécialisés aux entreprises, les secteurs de la communication ou la distribution d'énergie, on constate que la France surplombe systématiquement ses deux principaux concurrents : l'Allemagne et le Royaume-Uni.

Une analyse plus fine livrée par le CAE en septembre 2015, portant sur les cadres de direction en Europe, débouche sur un constat plus nuancé mais assez proche. Dans le secteur manufacturier - le plus exposé à la concurrence internationale -, la France appartient au groupe des pays à haut coût du travail, avec l'Allemagne et les Pays-Bas, sans avoir pour autant un niveau de gamme permettant de pratiquer un niveau de prix aussi élevé. Ce que montre surtout cette étude, c'est que cette situation cohabite avec un niveau de salaire net après impôt qui se classe en bas de l'échelle européenne, au voisinage de l'Irlande.

Cette position inconfortable, de relativement haut niveau du coût du travail dans les secteurs exposés à la concurrence, combinée à un salaire net assez peu attractif en apparence, mériterait certainement plus d'intérêt de la part des économistes, trop enfermés dans la certitude que tout va bien en haut de l'échelle des rémunérations.

  >> Plus de vidéos sur le site Xerfi Canal, le médiateur du monde économique

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Commentaires 6
à écrit le 12/04/2018 à 8:34
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Conclusion: réduire la charge sur les entreprises et les reporter sur la consommation des ménages, TVA sociale et impot sur la consommation d'énergie. Voir la note n°6 du CAE.

le 12/04/2018 à 14:15
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Reporter «  des charges » de 13% Sur les ménages ? Ce n’est pas réaliste : car déjà les énergies alternatives apportent beaucoup d’argent à ceux qui les exploitent et bloque «  ce marché » pour leurs intérêts( et en plus en tant qu ´entreprises ils ...

le 13/04/2018 à 13:40
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De toute façon, ce sont les ménages qui payent les charges en dernier ressort. Les étrangers n'accepteront pas des les payer en achetant des produits français et les Français choisiront des produits étrangers s'ils ont le choix. Que faire, sinon appl...

à écrit le 11/04/2018 à 19:17
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Le marché du travail : un leurre et des sables mouvants Ça dépend à quelle parallèle vous appartenez... Pourquoi le système est aussi «  nul » ? Pourquoi en France , les mentalités ne changent pas ? Il y a tellement de «  cadrage «  A faire que le p...

à écrit le 11/04/2018 à 10:34
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Vous touchez encore une fois du doigt un point important, bon article merci. Maintenant il est évident que le dumping social organisé par l'UE via son travail détaché ajouté au chômage de masse ne peut que faire plonger de façon générale les sala...

à écrit le 10/04/2018 à 18:01
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D'accord :) On va donc aussi baisser les rémunérations + bonus + primes des dirigeants ultra qualifiés alors. Ils augmentent parfois de 50% en un an. C'est pas une charge ça ? Mince... Faut se sacrifier pour leur payer leurs villas, vous avez rai...

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