Le fiasco des experts qui conseillent les candidats à la primaire

La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, le fiasco des experts qui conseillent les candidats à la primaire.

Heure des bilans, foire aux propositions : les présidentielles remettent la politique et son personnel au cœur du jeu. Difficile cependant d'adhérer à cette grande mascarade de l'homme providentiel. Ou du programme salvateur. Les experts sont là, commentateurs d'un jeu auxquels ils n'auraient pas pris part. Ils sont pourtant au cœur du jeu. Au cœur de la machine décisionnelle. Bercy est cette grande machine alvéolaire, où l'expertise économique est reine. Où les travaux des académiques sont passés au crible. Le CAE et France stratégie sont là aussi pour fabriquer, ou du moins relayer le consensus des experts. Et qu'on prenne les années Hollande, ou les années Sarkozy, derrière l'écran de fumée de la communication politique, la plupart des choix, ont une assise experte.

Les rapports Pébereau ou Attali, sous les années Sarkozy, puis le Rapport Gallois sous Hollande, ont fourni les grands axes d'action. Tout n'a pas été réalisé, certes. La négociation a parfois perverti la pureté des recommandations... mais il serait faux de dire que le politique serait resté sourd aux enseignements de la science économique ou aux recommandations des institutions internationales.

Baisse des charges, déréglementation du marché du travail et du marché des biens, simplification, règles d'indexation du SMIC, Fiscalité des entreprises, retraite... on pourrait encore allonger la liste des domaines où les choses ont changé, peut-être insuffisamment,  mais pour le moins dans le sens voulu par le consensus expert.

Faut-il évoquer la faillite du politique, ou bien la faillite des experts?

Mettons-nous un instant dans la peau du politique qui préside aux destinées de la France. Que voit-il venir à lui.

D'un côté les pures et durs de la réforme musclée de l'offre, de la saignée curative. La crise se résout par plus de concurrence, moins de SMIC, moins de charges, moins d'impôts, donc moins de dépenses publiques.

De l'autre, ceux qui soulignent les risques de casse macro-économiques qu'occasionnent ces thérapies et qui dissèquent sur un mode critique les failles de l'ordre capitaliste mondial contemporain.

L'expertise ne semble dès lors pas capable de produire autre chose qu'une somme de recommandations issues de la micro-économie de laboratoire, dans un déni total des effets macro-économiques déflationnistes désastreux, que l'empilement de ces réformes peut produire. Et de l'autre côté, le plus souvent, un déni de l'entreprise, des enjeux de compétitivité, et des injonctions à réformer l'ordre monétaire et financier mondial, et européen, sur un mode incantatoire, et sans mode d'emploi concret.

De cela que va extraire le politique : un "gloubi-boulga" qui ménage la chèvre et le chou. Ce à quoi la France est maintenant abonnée depuis plusieurs décennies.

Quand nos voisins européens deviennent les modèles des experts

Lorsque les danois décidèrent de financer leur protection sociale par l'impôt était-ce écrit dans un traité économique non ? Lorsqu'ils bâtirent le triangle de la flexicurité non plus. Lorsque les allemands optèrent pour la parité 1 pour 1 lors de la réunification, défiaient ils les recommandations des experts... bien sûr. Ou lorsque l'Allemagne aujourd'hui opte pour l'excédent budgétaire, est-ce au nom  d'une loi économique ? Non plus. Ces exemples sont nombreux. Ils sont le fait de pays qui conscient de la singularité de leur modèle, le réforment, le transforment également de façon singulière.

Ecoutez alors nos experts économiques les plus renommés, les plus reconnus au plan académique. Et demandez-vous simplement si vous avez affaire à un intellectuel complet, chargé d'une culture historique, d'une vision stratégique, d'une vision systémique des choses. Si lorsqu'il parle d'entreprise, il parle d'un point abstrait dans un espace mathématique, ou bien d'une organisation véritable. Si lorsqu'il parle de chômage, il parle d'un déséquilibre de marché, ou s'il en saisit toutes les dimensions humaines, sociales etc... et vous verrez que peu d'économistes peuvent être classés au rang d'intellectuel.

Et pour part, il me semble. Mais cela n'engage que moi. Que la faillite du politique est d'abord le reflet de la défaillance des intellectuels, surtout lorsque parmi ceux-ci, les économistes prennent l'ascendant sur le choix public.

>> Plus de vidéos sur le site Xerfi Canal, le médiateur du monde économique

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Commentaires 7
à écrit le 07/11/2016 à 11:06
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Le sujet me semble mois technique que philosophique car ce que traduisent les actuels débats c'est que nos politiques peinent à présenter une vision et une ambition pour le pays et pour l'Europe. Que les experts se trompent c'est évident et sauf à po...

à écrit le 02/11/2016 à 13:46
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Je regardais un reportage sur les experts économiques, les journalistes politiques que l'on voit depuis plus de trente ans. Ce sont les mêmes. Ils ont un point commun. Ils ont tous pas vu venir les crises économiques ou politiques. Le vote oui pour l...

à écrit le 02/11/2016 à 13:13
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La note n°6 du conseil d'analyse économique contient tout ce qu'il faut faire pour réduire le chomage et retrouver un peu de croissance. Lisez la et discutons en. Le problème se résume à convaincre les syndicats qui ne peuvent pas refuser l'améliorat...

le 03/11/2016 à 8:03
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Je précise que cette note n°6 propose de basculer la fiscalité du travail sur la fiscalité énergétique, autrement dit, de réduire les prélèvements sur la production en les reportant sur la consommation, et plus spécialement sur la consommation d'éner...

à écrit le 02/11/2016 à 13:04
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A quoi bon faire un programme puisqu'il va être retoqué par Bruxelles!! Il suffit d'attendre les ordres, mais ces ordres ne viennent qu’après l'élection!! Dommage!! Alors faisons bonne figure en attendant de jouer les pantins pendant le mandat!!

à écrit le 02/11/2016 à 12:05
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Voila les économistes à la petite semaine rhabillés pour l'hiver. C'est bien dit. Je ne suis pas économiste , mais en temps qu'ingénieur de contrôle et régulation de processus, ce qui me choque toujours dans le langage des économistes, c'est le manqu...

à écrit le 02/11/2016 à 11:57
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Merci pour cette excellente analyse. Car c'est ma première nuance, nous avons plusieurs experts ceux qui ne se trompent que rarement comme vous, comme Lordon, comme de nombreux économistes atterrés par la suprématie de l'expertise néolibérale sur...

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