Le locavorisme, une fausse bonne idée pour le climat

LA CHRONIQUE DU "CONTRARIAN" optimiste. Quoi de plus intuitif que de consommer localement des produits alimentaires pour éviter les coûts du transport sur de longues distances et réduire ainsi l'émission de gaz à effet de serre. Mais c'est oublier que la part du transport est faible dans la production agricole.
Robert Jules
(Crédits : Reuters)

L'un des arguments avancés par les contempteurs de la mondialisation est qu'elle favorise inutilement la multiplication des déplacements de marchandises sur de longues distances. Sans compter qu'elle pénalise les producteurs locaux, qui ne sont pas compétitifs en raison des faibles coûts de production de certains pays. En supprimant en partie ce transport, et donc en réduisant la consommation de carburant, on lutterait avec efficacité contre le réchauffement climatique, qui est devenue une urgence. Bref, consommer local aurait la vertu de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES), de ne pas participer à l'exploitation de la main d'œuvre étrangère et de protéger l'emploi local. Cela semble frappé au coin du bon sens.

Sortir de la pauvreté

Pourtant, des études montrent que cela n'est pas si évident. D'abord l'intensification du commerce mondial a permis à des millions de personnes de sortir de la pauvreté. Si les salaires sont bas relativement à ceux des économies développées, ils n'en améliorent pas moins la situation difficile dans laquelle se trouvaient auparavant ces millions de personnes, issus majoritairement du monde agricole. En outre, les produits importés à des prix compétitifs permettent aux consommateurs de gagner en pouvoir d'achat. Quant aux émissions de GES, dont l'une des mesures est l'empreinte carbone, les données indiquent une autre vue de la situation. Ainsi, la production alimentaire, y compris l'élevage, sa transformation et son transport sont responsables pour 26% des émissions de GES à travers le monde. Consommer localement n'est donc pas synonyme de réduction de l'empreinte carbone. En effet, dans la chaîne de valeur qui relie le producteur au consommateur la part du transport est marginale.

La production d'un kg de bœuf entraîne 60kg de GES

Selon Our World in data, qui analyse 29 produits, en prenant en compte l'ensemble des émissions de GES - le CO2 mais également le méthane et le monoxyde d'azote -, et en les exprimant sous forme d'équivalents de dioxyde de carbone, la production d'un kg de bœuf entraîne 60kg de GES, un kg d'agneau ou de fromage émet 6 à 7 kg de GES tandis que celle d'un kg de pois émet 1kg de GES. De fait, la production de produits végétaux est moins émettrice de GES que celle de produits animaux, d'où la recommandation du GIEC de réduire la consommation de produits animaux.

Les experts soulignent par ailleurs que les émissions liées à la culture du sol, notamment avec l'incorporation d'engrais, et à la transformation agricole, représentent à elles seules plus de 80% de l'empreinte carbone des produits alimentaires. En revanche, la part du transport est marginal dans leur production, comptant pour 10% des émissions de GES (mis à part le transport aérien mais qui ne représente que 0,16% des distances parcourues). Dans le cas, du bœuf, cette part tombe même à 0,5%.

Même conclusion du point de vue du régime alimentaire

L'étude s'intéresse également à l'empreinte carbone du point de vue du régime alimentaire adopté. Ainsi, la différence entre l'empreinte de la consommation de légumes et viande locaux et celle de produits importés de l'autre bout de la planète est négligeable. Our world in data cite une étude publiée par la revue Environmental Science & Technology qui indique à partir d'une enquête réalisée auprès des ménages américains que les émissions moyennes engendrées par un ménage américain s'élève à 8 tonnes d'équivalent CO2, dont 5% proviennent du transport. Autrement dit, si tous les ménages américains ne consommaient que des produits locaux (ce qui signifie se passer de café par exemple), et même sans inclure les émissions du transport local, loin d'être négligeable, leur empreinte carbone ne diminuerait que de 5%.

Le développement d'un mouvement en faveur de la consommation locale des produits, le locavorisme, qui peut avoir du sens pour le goût n'est en revanche pas une solution miracle pour la lutte contre le réchauffement climatique.

Robert Jules

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Commentaires 14
à écrit le 10/02/2020 à 11:53
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L'autre vertue d'une consommation locale c'est d'éviter de sombrer dans les caprices, comme manger des cerises en Décembre par exemple. Cela traduit une certaine humilité à savoir respecter les cycles de la nature, se contenter du nécessaire et l'app...

à écrit le 10/02/2020 à 9:08
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Deux arguments contradictoires dès le départ à savoir la mondialisation a permis à la main d'oeuvre étrangère de sortir de la pauvreté, ok, mais ne voyagerait pas... Vous avez passé un mauvais week-end ? En tout cas il donne pas envie cet article...

à écrit le 10/02/2020 à 8:19
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Les producteurs de banane des Antilles appécieront le locavorisme...

le 10/02/2020 à 15:54
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Vous parlez des bananes empoisonnées à grands coups de produits toxico-chimiques interdits dans les pays civilisés et qui ont provoqués et continuent à provoquer des ravages sur la santé des indigènes, notamment avec des explosions de cancers de la p...

le 13/02/2020 à 8:17
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Le Chlordécone auquel vous faites allusion est interdit depuis 30 ans en France. Le problème est qu'il y a été interdit près de 15 ans après l'interdiction aux USA. Les bananes antillaises actuelles sont parfaitement sûres... et c'est l'une des rares...

à écrit le 10/02/2020 à 8:18
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En matière environnementale les fausses bonnes idées pullulent. Exemple, le haro sur le diesel qui a provoqué une ruée sur les moteurs à essence (qui dans un SUV ont une consommation délirante) au moment même où un moteur diesel est devenu très faibl...

à écrit le 10/02/2020 à 7:23
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au moins d'enlever un certain nombre de camions sur routes et autoroutes, cela sera déjà positif.

à écrit le 10/02/2020 à 0:59
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Ah oui! Parlons en de la mondialisation agricole. Elle a eu comme conséquence de ruiner nbre de petits producteurs locaux alimentant l'agriculture vivrière notamment en Afrique francophone, concurrencés par les importations de céréales d'Europe plus ...

à écrit le 09/02/2020 à 21:01
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Les gens n'ont pas de données pour faire un vrai bilan, c'est l'apparence qui fait les convictions (les avions 2-3% du CO2, la culture 20 ou 30% mais c'est vital, de cultiver pour manger (ou jeter quand y en a de trop), moins de voler dans les airs, ...

à écrit le 09/02/2020 à 19:02
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Un article salutaire qui vient prouver que les bien-pensants qui consomment "vertueux" et qui nous font la morale ne comprennent rien à rien.

le 09/02/2020 à 22:10
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Nous faire croire qu'en achetant des produits d'ailleurs on les aide à se développer est une fumisterie ! En tout cas pas les paysans, en les payant à coup de lance pierre, et les faisant cultiver des denrées qu'ils n'utilisent pas et ne peuvent pas ...

le 10/02/2020 à 1:17
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Documentez vous d'abord sur les "bienfaits" et les " vertus "de la mondialisation tant vantée par l'OMC sur le monde agricole. Après, vous pourrez peut-être claironner que vous comprendrez enfin tout à tout sur ce pb planétaire catastrophique, bien ...

le 10/02/2020 à 8:28
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Oui c'est vrai ça ! Il faut vraiment être complètement crétin pour acheter se haricots verts aux maraichers du coin alors qu'on peut très bien les faire venir du Kenya ou du Chili. Marre de ces bien-pensants !

le 10/02/2020 à 9:08
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Ceux qui pensent que la mondialisation est finie se mettent le doigt dans l'oeuil!La France est une puissance exportatrice uniquement parce qu'elle a ouvert ses frontières aux biens des pays étrangers!

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