Le numérique au service du développement durable  : où en sont les entreprises françaises  ?

OPINION. Le 15 novembre 2021, la loi visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique (REEN) a été officiellement promulguée. Un texte inédit à l'échelle mondiale qui prévoit notamment la création d'un Observatoire des impacts environnementaux et numérique. Par Carole Davies-Filleur, directrice exécutive responsable du développement durable chez Accenture Technology et Romain Mouton, Président du Cercle de Giverny.
Carole Davies-Filleur, directrice exécutive responsable du développement durable chez Accenture Technology et Romain Mouton, Président du Cercle de Giverny.
Carole Davies-Filleur, directrice exécutive responsable du développement durable chez Accenture Technology et Romain Mouton, Président du Cercle de Giverny. (Crédits : DR)

En attendant la publication de son décret d'application, les entreprises doivent prendre toute la mesure de l'enjeu. En effet, selon le rapport de la mission d'information sur l'empreinte environnementale du numérique, si rien n'est fait, le numérique représentera 7% des émissions de gaz à effet de serre de la France à l'horizon 2040, contre 2% aujourd'hui.

L'impensé du numérique responsable

En matière de neutralité carbone, l'engagement des entreprises françaises interrogées semble acquis : 84% d'entre elles ont des objectifs dans ce domaine à horizon 2030, 28% s'engagent même à les atteindre d'ici 2025 (1). La technologie est considérée comme un levier important de mise en œuvre des initiatives de développement durable pour 96% des entreprises françaises.

Pour autant, la stratégie du numérique responsable n'est pas forcément corrélée avec la stratégie générale de l'entreprise et celle du développement durable. Pour être efficace, elle doit considérer trois impératifs simultanément : la technologie doit se mettre au service du développement durable, le développement durable doit être intégré dans la technologie elle-même et le développement durable doit être orchestré avec l'écosystème. Or, peu d'entreprises en France considèrent ces trois éléments en même temps.

Des freins qui inhibent l'initiative

En France, les entreprises sont seulement 4% à mettre en place une approche véritablement holistique, contre 7% au niveau mondial. Instituer les bons mécanismes de gouvernance peut aider à briser les silos. Mais aujourd'hui, seuls 41% des DSI font partie de l'équipe dirigeante qui fixe les objectifs de développement durable, et seuls 38% sont évalués sur la réalisation de ces objectifs.

Trois obstacles principaux expliquent ce retard des entreprises françaises en matière de numérique responsable :

  • Le manque de talents et de solutions. 39% déclarent manquer de personnes qualifiées pour mener des initiatives numériques en faveur du développement durable et 32% pensent que les bonnes solutions ne sont pas disponibles ou pas encore arrivées à maturité.
  • La complexité et le coût. 38% déclarent qu'il est cher et complexe de rendre les anciens systèmes plus durables.
  • Le retard de la migration vers le cloud. 32% des entreprises n'ont pas encore migré leurs centres de données vers le cloud qui peut être un levier pour l'efficacité énergétique de l'infrastructure IT.

La technologie, allié de la transformation durable

En s'appuyant sur la technologie, les entreprises peuvent effectivement accélérer leur transformation durable en formulant une stratégie qui répond aux trois impératifs évoqués plus haut. Le premier consiste donc à se mettre au service des métiers de l'entreprise pour atteindre des objectifs de développement durable, tant environnementaux, sociaux qu'éthiques. Pour l'impératif urgent de sobriété énergétique, on connaît par exemple l'utilité des systèmes de Smart Buildings. Le deuxième est d'intégrer le développement durable dans la technologie : alors que la technologie est un moteur fondamental de la durabilité, la solution doit être conçue résiliente et sobre pour qu'elle ne devienne pas elle-même un problème. Enfin, dernier impératif : orchestrer un écosystème d'entreprises, de startups et de partenaires pour exploiter pleinement le potentiel de la technologie en faveur du développement durable.

Si l'on mesure le niveau de succès des entreprises à combiner ces trois éléments, on constate qu'environ 70% des entreprises en France ont des scores entre 0.3 et 0.5 (2), contre 60% au niveau global. Seules 10% des entreprises françaises ont des scores dépassant 0.6, les positionnant comme leaders dans ce domaine, contre 13% au niveau mondial. Si le potentiel est bien là, cela suggère que bon nombre d'entreprises ont encore du chemin à parcourir pour utiliser pleinement le numérique au service du développement durable.

Les voies vers un numérique responsable

Pour aller plus vite et plus loin, les pistes pourtant ne manquent pas : par exemple en exploitant davantage les technologies (intelligence artificielle pour l'efficacité énergétique dans les bâtiments et usines, analyse des données pour le pilotage de la décarbonation, plateformes numériques pour échanger des données fournisseurs sur l'impact RSE  jumeau numérique pour éco-concevoir les produits...),  en intégrant la performance environnementale, sociale et éthique au sein de cycle de vie des services numériques, en instituant les bons mécanismes de gouvernance pour briser les silos ou encore en renforçant le décloisonnement entre le monde académique, l'administration publique et le monde de l'entreprise.

Les voies vers un numérique responsable sont tracées, reste à les emprunter plus largement.

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(1) Étude Numérique et Développement Durable en France.  Analyse mondiale menée par Accenture Research auprès de 560 entreprises dont 60 françaises.
(2) Indice avec une échelle comprise entre 0 et 1 (Sustainability Technology Index - Accenture Research)

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