Le rial qatari, seule monnaie du Golfe à résister à la crise mondiale

OPINION. Si l'embargo lancé par l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis contre le Qatar n'entame en rien la bonne santé financière du pays, elle fragilise dangereusement la stabilité de toute la région. Par Sébastien Boussois, docteur en sciences politiques, collaborateur du CECID (Université libre de Bruxelles) et de l'OMAN (UQAM Montréal).
Le Qatar a su pallier la fuite des capitaux saoudiens et émiratis.
Le Qatar a su pallier la fuite des capitaux saoudiens et émiratis. (Crédits : Unsplash)

Alors que le blocus déclenché contre le Qatar par ses voisins saoudien et émirati vient de commémorer ses trois ans le 5 juin dernier, l'économie du petit émirat continue malgré la nouvelle crise du Covid-19 à afficher sa résilience et à résister à la morosité ambiante. C'est la preuve de sa bonne santé.

Pouvant compter depuis des années durablement sur le puissant levier qu'est son fonds souverain de près de 300 milliards de dollars, et une économie de plus en plus diversifiée ne dépendant plus que de la rente du gaz, Doha est parvenue ainsi à compenser depuis trois ans la fuite des capitaux saoudien et émirati mais également à redéployer son économie vers d'autres partenaires économiques solides malgré l'embargo local. Le rial qatari a certes connu une baisse de son cours face au dollar depuis 2017, mais est petit à petit remonté, particulièrement... en 2020. Aujourd'hui, il affiche une bonne santé qui doit en exaspérer plus d'un dans la région.

En réalité, malgré le déclenchement de la crise économique globale récente, le rial est même la seule monnaie régionale du Golfe a être parvenue à résister face au dollar et ce malgré la récession ou le blocus émirato-saoudien. Comme l'explique même un article récent de Bloomberg : « Les obligations du pays ont également surclassé celles des cinq autres membres du Conseil de coopération du Golfe cette année. »

Un système financier solide

C'est en réalité un long processus de résistance depuis le 5 juin 2017 qui se poursuit. Alors que le premier indice de crise effective dans un pays est le manque de liquidités de son système bancaire, le Qatar a bien sûr essuyé un vent de panique les premiers jours suivant l'annonce de l'Arabie saoudite et des Émirats arabes unis (EAU). L'inquiétude devant une telle décision surprise était légitime car inédite. Les ressortissants d'Arabie saoudite et des Émirats arabes unis ont rapidement suivi leurs dirigeants et retiré leurs liquidités des banques qataries. Mais globalement, et ce parce que le Qatar s'était déjà préparé depuis la crise mondiale de 2008 à ce type de conséquences régionales sur sa propre économie, cela n'a pas été contagieux et semé la panique chez les autres clients internationaux. Ainsi, le système financier a pu ne pas être trop directement déstabilisé. La Banque centrale du Qatar possède un avantage notable par rapport à celle d'Arabie saoudite par exemple, c'est qu'elle dispose non seulement de ses propres liquidités mais aussi que le fonds souverain est, lui, géré par la QIA, la Qatar Investment Authority, une institution à part entière qui ne fait que cela. La Banque centrale saoudienne, par exemple, gère le fonds souverain saoudien, et même ainsi la notation de Riyad par le FMI, qui regarde très exactement les réserves des banques centrales, est en deçà de celle de Doha.

Lire aussi : Comment le fond souverain qatari rebondit après la crise du COVID-19

Mais le problème financier régional est plus global et lié à un handicap majeur. Khalid Bin Saud Al-Thani, directeur exécutif du secteur statistiques et de la stabilité du système financier à la QNB, l'explique par l'ancienneté de la réflexion de Doha sur ce sujet : « Avant 2008, nous réfléchissions déjà aux risques de crise financière majeure dans la région et dans le monde, du fait que nous n'avions pas d'union monétaire dans le Golfe. Quand la crise mondiale est apparue cette année-là, nos voisins émiratis ont pris un coup avec la bulle spéculative autour de l'immobilier. On se souvient de la situation de Dubaï, et cela a effrayé tout le monde. Mais, au Qatar, les Qataris ne font pas de spéculation. Je crois que l'idée d'une union monétaire dans le Golfe nous aurait prémunis contre ce qui s'est passé en 2008 et en 2017 avec la crise. Mais aurait-ce été suffisant quand on voit que même en Europe, avec l'union monétaire, la crise a été tout aussi violente ? Cela nous aurait sûrement au moins protégés de tensions inutiles. »

L'union monétaire, ce doux mirage

Il est à regretter en effet que même avant la crise de 2017, quatre pays du Golfe voulaient toujours l'union monétaire : le Koweït, le Bahreïn, l'Arabie saoudite et le Qatar. En revanche, ni Oman ni les EAU ne la souhaitaient. Aujourd'hui, l'union est devenue un doux mirage. Et tout le monde y perd. Le contexte actuel risque bien de fragiliser un peu plus encore la stabilité de l'ensemble de ces pays. Preuve de l'inutilité une fois encore des sanctions économiques imposées unilatéralement en dehors de tout règlement par le droit international, le blocus n'a pas fonctionné et n'a créé que de nouvelles difficultés pour tous les acteurs de la région. En attendant, le Qatar a reconstitué ses réserves d'avant embargo et le rial affiche de plus en plus sa bonne santé. Quant à la Qatar National Bank, elle est toujours la première banque du Golfe.

Lire aussi : COVID-19 : Le Golfe face au virus

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Commentaire 1
à écrit le 12/06/2020 à 9:42
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Le gaz a toujours eu meilleure presse que le pétrole, de ce fait son, business est moins handicapé par des campagnes anti carbone lui donnant un net avantage sur ses voisins pour résister voir quand même avancer. Merci pour cet article.

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