Le spatial au chevet de la biodiversité

OPINION. Toutes les 20 minutes, une espèce animale ou végétale disparaît de la surface de la Terre. L'équivalent  de 26.000 espèces qui s'éteignent chaque année. Une fois le cadre posé, on se rend bien compte de tous les enjeux du Congrès mondial de la nature de  l'UICN qui se tient depuis le 3 septembre à Marseille, avec pour objectif d'établir une stratégie  ambitieuse pour mettre un terme à l'érosion de la biodiversité d'ici 2030.
Thomas Pesquet dans la coupole de ISS (La Cupola)
Thomas Pesquet dans la coupole de ISS (La Cupola) (Crédits : ESA / NASA)

La secrétaire d'Etat chargée de la Biodiversité, Bérangère Abba, l'a rappelé en début d'année :

« Le Congrès mondial pour la nature de l'UICN est une étape fondamentale pour que la COP15 soit à la biodiversité ce que la COP21 a été au climat : un moment fondateur de la mobilisation internationale  pour la biodiversité. »

La biodiversité connait depuis deux siècles un effondrement dont le rythme est cent à mille fois plus  rapide que le rythme biologique normal, une crise d'extinction massive est donc en cours. La première depuis la disparition des dinosaures il y a 66 millions d'années. La première aussi qui n'est pas la conséquence de phénomènes naturels mais qui résulte de l'activité d'une seule espèce : l'Homme.

L'innovation au service de l'environnement

Pendant des milliers d'années, le progrès technique a contribué à améliorer et à faciliter les conditions  de vie humaines tout en ayant des impacts certes visibles, mais restreints, sur la biodiversité. La Révolution industrielle a marqué une première accélération de l'empreinte de l'Homme sur son environnement. L'essor du pétrole au sortir de la seconde guerre mondiale l'a ensuite amplifiée.

Si la technologie et le progrès sont à l'origine de problèmes environnementaux majeurs, nous sommes  convaincus qu'il ne faut pas pour autant renoncer à nos technologies modernes si l'on souhaite éviter  une crise écologique. L'innovation est aussi source de solutions.

Les acteurs de la préservation ont besoin d'informations pour améliorer leurs connaissances de la  biodiversité ainsi que des pressions qui s'exercent sur elle. Les observations sur le terrain ne suffisent  pas et c'est là que la télédétection et les données satellitaires rentrent en jeu. Une vingtaine d'indicateurs a été fixée pour évaluer l'état et l'évolution des milieux naturels ; la moitié d'entre eux repose en effet sur l'observation spatiale.

Les apports des technologies spatiales

L'imagerie satellite nous permet de visualiser tout changement intervenu sur Terre avec un niveau de  détail dans le temps et dans l'espace qui évolue sans cesse. Les données qui en sont issues fournissent  des informations précises et fiables sur une très grande quantité de paramètres : état de l'atmosphère, des océans, des terres, la gestion des risques climatiques, etc. La biodiversité en tant que telle ne peut  être mesurée depuis l'espace, mais ces données sont ensuite analysées et exploitées par des laboratoires de recherche, des agences ou des entreprises pour améliorer l'état des connaissances et  faire émerger des solutions de préservation.

Les satellites, associés à d'autres techniques modernes d'observation, sont par conséquent des outils d'aide à la décision et les applications qui en découlent en matière de protection de la biodiversité sont  multiples.

Pour le suivi des animaux tout d'abord, grâce aux célèbres balises Argos qui équipent 150.000 individus à travers le monde et qui ont permis de réécrire l'histoire des migrations animales. Pour préserver les habitats naturels ensuite, en luttant contre la déforestation, la désertification, l'artificialisation des sols, le recul du trait de côte ou les pollutions plastiques. Également pour une gestion durable des pêches, en luttant contre la pêche illégale et contre les prises accidentelles (tortues, dauphins, etc.).

Ou encore pour lutter contre le réchauffement climatique via des grands programmes satellitaires nationaux et internationaux qui permettent de suivre ses effets.

Un leadership français et européen

Grâce au programme Copernicus dont les satellites sont déployés progressivement depuis 2014,  l'Union Européenne s'est hissée au premier rang mondial en matière d'observation de la Terre. En rendant la grande majorité de ses données, analyses, prévisions et cartes accessibles gratuitement, Copernicus contribue aussi au développement de nouvelles applications innovantes et de services sur mesure à destination d'une multitude d'acteurs.

Un investissement supplémentaire de 5,4 milliards d'euros est déjà acté pour compléter la flotte de satellites existante, prouvant la volonté des pays européens de faire de la préservation de  l'environnement une véritable priorité.

Quant à la France, outre sa participation aux programmes européens, notre pays développe également  ses propres satellites, en partenariat avec d'autres pays comme Israël (Venµs, lancé en 2017 pour suivre l'évolution de la végétation), le Royaume-Uni (Microcarb étudiera les émissions de CO2 à l'échelle planétaire dès l'an prochain), ou l'Allemagne (Merlin, mise en orbite prévue en 2024 pour mesurer la concentration de méthane dans l'atmosphère).

L'excellence de notre expertise dans le domaine du spatial n'est plus à prouver, y compris dans une  finalité de protection de la biodiversité. Cette filière pilotée par le CNES, qui compte 12.000 emplois directs en France, et au moins quatre fois plus d'emplois indirects ou induits, a su se développer de façon complète : de la recherche fondamentale à la recherche technologique, en passant par le  transfert. Dans un secteur ultra-concurrentiel à l'échelle internationale, travailler sur ces enjeux, agir  aux côtés de la filière, c'est aussi soutenir toute une économie de l'innovation «made in France». Aux quatre coins du territoire français, certaines entreprises se positionnent pour offrir aux secteurs du  développement durable et de l'aménagement du territoire des services qui reposent notamment sur les données fournies par les grands programmes spatiaux. Le fournisseur exclusif des données  environnementales du système Argos et l'opérateur du service européen de surveillance des océans  sont ainsi deux entreprises de la banlieue toulousaine, des pépites créées et financées par les  organismes publics dépendant des ministères de la Recherche et de la Transition écologique.

Mobilisons nos forces

Parce que la France est l'un des pays qui abrite le plus grand nombre d'espèces mondialement  menacées, en particulier via son réseau de territoires ultramarins, notre responsabilité est grande et nous devons nous donner les moyens de protéger cette biodiversité. Les plans d'action ne pourront faire l'impasse sur la question spatiale tant l'apport de cette filière est aujourd'hui essentiel à la compréhension et à la modélisation.

Renforçons notre soutien au développement des outils satellites qui nous permettent de récupérer  ces précieuses données, accompagnons les laboratoires de recherche et les entreprises françaises qui  utilisent ces données pour construire des solutions opérationnelles, soutenons les innovations qui constitueront les références de demain et enfin portons ces questions à l'agenda de la Présidence  française de l'Union Européenne.

Le temps de l'alerte est révolu, place à l'action et à la résilience.

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(*) Les députés cosignataires : Fannette CHARVIER, députée du Doubs ; Cécile RILHAC, députée du Val d'Oise ; Sandrine MÖRCH, députée de Haute-Garonne ; Alain PEREA, député de l'Aude ; Lionel CAUSSE, député des Landes ; Sylvain TEMPLIER, député de Haute-Marne ; Jean-Charles COLAS-ROY, député de l'Isère ; Sandra MARSAUD, députée de Charente ; Jean-Marc ZULESI, député des Bouches-du-Rhône ; Jean-Luc FUGIT, député du Rhône ; Marie SILIN, députée de Paris ; Pierre HENRIET, député de Vendée ; Pierre-Alain RAPHAN, député de l'Essonne.

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