L'urgence planétaire ne se limite plus à la lutte contre le changement climatique : la perte de biodiversité représente l'une des plus grosses menaces pesant sur l'humanité, alors que la vie sauvage s'érode et que la quasi-totalité des écosystèmes a d'ores et déjà été altérée. Un défi au coeur du congrès mondial de l'Union international pour la conservation de la nature (UICN), qui s'ouvre dès aujourd'hui à Marseille et est présenté comme « le plus grand événement mondial jamais organisé sur la biodiversité ». Jusqu'au 11 septembre, il réunira scientifiques, membres de la société civile, représentants des peuples autochtones, responsables politiques et chefs d'entreprise. Objectif : sauver ce qui peut l'être encore de la biodiversité, en incitant les Etats à renforcer leurs engagements en la matière. Explication des enjeux.
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A quoi sert l'UICN ?
Rassemblant plus de 1.400 membres, dont 90 Etats et des dizaines d''ONG, l'UICN est la plus grande union environnementale à l'échelle de la planète. Depuis sa création en 1948, son rôle est d'encourager la coopération internationale pour protéger la nature, et de fournir des connaissances et des outils scientifiques pour en conserver la diversité. En 1964, elle a notamment présenté une liste rouge des espèces protégées, devenue depuis la source de données la plus importante sur le risque d'extinction des espèces à l'échelle mondiale, et régulièrement actualisée. En tout, elle a déjà permis d'adopter plus d'une centaine de résolutions - sur la lutte contre la déforestation importée, la pollution plastique dans les milieux marins, la protection des grands singes... - , et une vingtaine d'autres doivent encore être négociées à Marseille.
Surtout, en 1980, en partenariat avec le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) et le Fonds mondial pour la nature (WWF), elle a publié la Stratégie mondiale de la conservation. Une étape historique qui a participé à définir le concept de développement durable sur le plan mondial. Enfin, dans les années 2000, elle a lancé les « solutions fondées sur la nature », destinées à sauvegarder la nature mais aussi à répondre aux grands enjeux mondiaux (sécurité alimentaire et de l'approvisionnement en eau, changement climatique et réduction de la pauvreté).
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Pourquoi la situation est-elle particulièrement critique aujourd'hui ?
Les activités humaines n'affectent pas seulement le climat : elles menacent aussi jusqu'à un million d'espèces animales et végétales de disparition, rapportait en 2019 l'IPBES, qui est à la biodiversité ce qu'est le GIEC au climat (un groupe d'experts mandatés par les Nations unies). « La biodiversité décline plus vite que jamais dans l'histoire humaine » avertissait l'organisation cette même année, décrivant un taux actuel d'extinction « au moins des dizaines ou des centaines de fois supérieur à ce qu'il a été en moyenne durant les derniers dix millions d'années ». Souvent qualifié de « sixième extinction de masse », le phénomène met en péril les conditions mêmes de l'existence humaine sur Terre.
En parallèle, d'autres publications scientifiques et la liste rouge des espèces menacées ont contribué au début d'une prise de conscience : en cinquante ans, les populations mondiales de vertébrés ont décliné en moyenne de 68 %, et la France a perdu 30 % de ses populations d'oiseaux des villes et des champs en trois décennies.
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Qu'est-il attendu du Congrès à Marseille ?
Pour lutter contre cette catastrophe annoncée, les 16.000 experts et 1.400 membres de l'UICN discuteront et exposeront, par voie de motions, les solutions envisageables. Espèces menacées, écosystèmes, déforestation, artificialisation des sols... le Congrès abordera de nombreux thèmes, aussi variés qu'interconnectés. Il devra notamment voter une déclaration finale qui devrait porter sur la place de la nature dans les plans de relance économique post-Covid. Mais aussi promouvoir l'inscription de la protection de la biodiversité dans une stratégie nationale et mondiale, en particulier en amont de la COP15 biodiversité qui aura lieu en 2022 à Kunming en Chine.
Avant ce rendez-vous majeur, l'UICN devrait ainsi inciter les Etats à renforcer leurs engagements en faveur des « solutions fondées sur la nature ». D'autant que, selon les experts, celles-ci permettraient de couvrir jusqu'à un tiers des besoins en réduction d'émissions de carbone des dix prochaines années, indispensables pour contenir le réchauffement climatique.
« Notre objectif commun est d'inscrire la nature au sommet des priorités internationales, car nos destins sont intrinsèquement liés, planète, climat, nature et communautés humaines », écrivait Emmanuel Macron dans une présentation de l'événement
Par ailleurs, dès samedi, la liste rouge des espèces menacées de l'UICN y sera mise à jour, et permettra de prendre la mesure de la poursuite de la destruction de notre environnement. La question de la santé dans le rapport de l'Homme à la nature sera également un point essentiel, alors que l'hypothèse d'une transmission du virus Covid-19 de la faune sauvage à l'homme est centrale pour expliquer l'origine de la pandémie.
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