Les femmes ont besoin de nouveaux modèles pour devenir les leaders de demain

Les trentenaires semblent ne pas avoir un désir de leadership. En cause : l'image de la « killeuse » ou de la « superwoman » qui réussit tout. Par Valérie Accary, présidente de BBDO Paris, Groupe Omnicom.
Valérie Accary, présidente de BBDO Paris, Groupe Omnicom.

Bonne nouvelle, il est de plus en plus reconnu que la diversité dans le management fait progresser les entreprises. Personne, mis à part quelques grincheux d'un ancien temps, ne conteste cette nécessité. Et pourtant, les leaders femmes restent trop rares. Chez Omnicom en France, groupe de communication, nous n'échappons pas à la règle : si les femmes constituent 60 % des effectifs, seuls 37 % des managers sont des femmes. Nous voulons changer cela et permettre à plus de jeunes femmes d'être leaders demain!

Une étude menée par Flamingo au sein de nos entreprises nous a permis de comprendre les freins réels ou perçus par les jeunes femmes. Et ce ne sont pas toujours ceux que l'on croit...

On connaissait le phénomène du plafond de verre qui touche les femmes les plus seniors. Ce fameux sentiment de ne pouvoir atteindre le premier cercle du pouvoir est toujours bien réel : les femmes voient les hommes à la tête de l'entreprise, heureux de rester entre eux, comme une bande, et de décider ensemble du futur de l'entreprise. Elles ont l'impression que la porte est fermée car une femme viendrait rompre ce « boys' club ».

Du syndrome du "tout ou rien"...

Mais les freins qui nous ont le plus étonnés concernent la génération des jeunes trentenaires. Si elles sont entrées dans nos entreprises avec la même ambition initiale, les mêmes envies que leurs collègues masculins, elles vivent un moment de doute après six à neuf ans d'expérience. C'est un moment charnière où elles ont des questionnements forts : question sur la maternité, mais aussi recherche de sens dans leur métier. Et surtout, un sentiment grandit : celui qu'un poste de leader équivaut à tout sacrifier à cela. C'est le syndrome du « tout ou rien » : soit on s'engage à 100 %, soit on abandonne l'idée d'une carrière de leader. Dans bien des cas, elles préfèrent alors se cantonner à bien faire leur travail mais à abandonner l'ambition de grimper les échelons de l'entreprise. Beaucoup d'éléments interviennent dans l'émergence de ce sentiment comme, par exemple, la culture du présentéisme qui reste forte, le fait de devoir clairement scinder vie privée et vie professionnelle si on veut réussir ou encore la nécessité de se travestir, de devenir quelqu'un d'autre. Mais ce qui est le plus marquant, c'est le questionnement sur l'intérêt du leadership lui-même. De nombreuses jeunes femmes semblent ne plus avoir, comme leurs aînées, un désir de leadership. Elles expriment de façon forte un rejet de l'image des femmes leaders qu'elles voient soit comme une « killeuse », une femme prête à tout, soit comme une « superwoman », un idéal qui leur paraît inaccessible. Cette dernière image, celle de la femme qui réussit tout - la carrière extraordinaire, un nombre élevé d'enfants merveilleux, un mari formidable - leur paraît particulièrement éloignée d'elles. Il se passe au final une mise à distance : certes une femme leader peut décider, avoir son indépendance mais cela en vautil vraiment la peine ?

De façon intéressante, nous avons pu comparer nos enseignements avec ceux d'une étude similaire également menée par Flamingo auprès de nos collègues anglaises.

... au syndrome de l'imposteur

Nous avons trouvé un écart de perception important, lié à la différence de soutien apporté par la société aux femmes ayant des enfants. En Angleterre, les femmes ne bénéficient pas d'aide comme en France. De ce fait, le retour au travail est en soi un engagement et démontre déjà une volonté forte de mener une carrière. Leur problème n'est donc pas un manque de désir de leadership mais plus souvent un manque de confiance en soi : le bien-nommé syndrome de l'imposteur.

À l'inverse, les femmes françaises envisagent le retour au travail comme naturel, comme un acquis social, même s'il est parfois source de culpabilité. La question est pour elle moins une question de confiance (même si elles en ont aussi besoin !) mais celle de l'intérêt même de devenir un leader.

L'approche Omniwomen

Cette étude nous a inspirés. En nous donnant quelques clefs nouvelles pour comprendre nos jeunes collègues femmes, elle nous a permis d'élaborer une approche pour les aider à devenir les leaders de demain. Nous l'avons appelée Omniwomen. Tout d'abord, nous devons faire évoluer leur vision du leadership en leur donnant accès à de nouveaux modèles de femmes leaders : démystifier, rencontrer des femmes leaders de tous âges, tous horizons ; des femmes qui racontent leurs parcours, leurs doutes, leurs échecs autant que leurs réussites ; des femmes qui sont la preuve que la notion même de réussite a changé :

il ne s'agit plus uniquement de progrès vertical (on ne deviendra pas toutes PDG), mais d'ouverture et de réalisation sur des projets, expertises, entreprises multiples ; et surtout des femmes qui disent et prouvent que c'est en étant soi-même et en osant affirmer qui l'on est et ce qu'on veut qu'on progresse et devient un leader pour soi et pour les autres.

Des outils pour progresser

En plus de l'accès à ces nouveaux modèles, nous nous engageons à leur donner des outils pour progresser : des outils pour mieux gérer leur temps présent et leur temps absent, des outils pour avoir plus de flexibilité aux différents moments de leur carrière, des outils pour mieux échanger.

Enfin, toute évolution positive ne se fera que si les hommes sont parties prenantes dans cette évolution. Toutes les femmes le disent : elles ne veulent pas d'un leadership au féminin, mais d'un leadership tout court, similaire à celui des hommes, et donc partagé avec eux. Et cette ambition n'est possible que si elle est acceptée, adoubée et entraînée par les hommes autant que par les femmes. Le dialogue est donc ouvert et les hommes plus que bienvenus dans ce nouveau projet : faire des femmes les leaders de demain.

Ce partage est d'autant plus important que les bénéficiaires finaux de ce projet ne seront pas les femmes mais les entreprises elles-mêmes. Gageons que les changements, les outils, les valeurs qui seront apportés par le leadership grandissant des femmes auront un impact sur les entreprises elles-mêmes, sur le plaisir d'y travailler et sur leur performance.

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