Loi Climat et résilience... ou comment ralentir les industriels de bonne volonté

OPINION. Depuis vingt ans, notre maison brûle. Pourtant, nous traînons encore des pieds, nous inventons des stratagèmes pour éviter les mesures qui s'imposent. Le projet de loi Climat et Résilience voté à l'Assemblée nationale, et qui arrive prochainement au Sénat, en donne une parfaite illustration. Et ce, dès son article premier. Par Christophe Girardier, président-fondateur de Glimpact (*)
(Crédits : DR)

Tout avait pourtant bien commencé. A l'issue de la commission spéciale, cet article premier avait beaucoup évolué. Pour une fois enfin, on envisageait l'impact environnemental dans sa globalité : pas seulement l'émission de gaz à effet de serre - ô combien importante - mais également l'ensemble des impacts de l'activité humaine sur l'environnement (biodiversité ou encore épuisement des ressources naturelles).

Cette avancée est d'une portée immense : enfin, nous ouvrons grand les yeux sans nous focaliser, au nom d'une prétendue simplicité, uniquement sur l'empreinte carbone. « N'embrouillez pas les gens », a-t-on d'ailleurs encore entendu sur les bancs de l'hémicycle. Comme si la protection de l'environnement était une chose simple ! Non, notre impact sur l'écosystème terrestre est forcément complexe. Refuser cette complexité, c'est nous condamner à échouer.

"Immobilisme"

Une avancée majeure donc, mais qui fut suivie immédiatement d'un immense recul. Car pour mesurer cet impact global, il faut une méthodologie fiable. Or, cette méthodologie, le législateur s'est mis en tête de l'inventer ! Pas dans les prochains mois ! Ni dans les deux ans ! Non, dans un délai de cinq ans ! Une éternité ! Voilà donc l'ADEME missionnée pour une nième expérimentation. Voilà aussi un boulevard ouvert pour des inepties comme les « eco-score » tous aussi réducteurs qu'ignorant les règles scientifiques élémentaires. Bref, encore cinq ans de greenwashing et surtout d'immobilisme.

Cinq ans surtout, pour inventer une méthode... qui existe déjà. En effet, ce que le législateur ignore, ou feint d'ignorer, c'est que cette méthode de calcul de l'empreinte environnementale globale existe depuis 2018 : c'est le PEF (Product Environnemental Footprint). Elle a été conçue sous l'égide de la Commission Européenne, sur la base d'un immense travail de recherche et de concertation initié en 2013 et à l'issue d'une expérimentation, de cinq ans elle aussi, associant scientifiques, ONG, industriels et consommateurs. Ironie amère : la France a même été à son origine. Ajoutons que la Commission, par la voix du Commissaire Didier Reynders, appelle en ce moment-même à la mise en œuvre la plus large de cette méthodologie, et que des groupes industriels d'envergure ou des PME, dans les secteurs de la cosmétique (L'Oréal) du textile (Lacoste, Décathlon) et du jeu (Lego) ont déjà embrayé le pas. Le plus grave c'est que tous ces industriels qui ont entamé des démarches sincères d'amélioration fondées sur le PEF vont être mis en difficulté et même déconcertés par cette nouvelle période d'incertitude.

Une vraie transition écologique

En résumé, la loi initie un incroyable exercice de doublonnage, pour refaire en France ce qui a déjà été fait au niveau européen. La France, qui se glorifie d'être le « pays de la COP21 » et aime penser pour le monde, s'apprête à faire cavalier seul. Quel mépris pour la construction européenne et les pays membres ! Et quelle aberration pour les industriels sans qui rien ne se fera, car ce qu'ils demandent pour agir à grande échelle, ce sont des règles claires, fiables scientifiquement, qui s'appliquent largement et ne changent pas d'un pays à l'autre.

Il se joue en ce moment même au Parlement - le texte arrive bientôt au Sénat - une tragédie. Ou bien le gouvernement fait un pas de géant en imposant dès 2022 la méthode PEF, ouvrant ainsi une nouvelle ère vers une vraie transition écologique. Il affirmerait ainsi le leadership de la France à la veille de sa présidence de l'UE. Ou bien, par cette nouvelle période de flou de cinq ans, il livrera la France au règne du greenwashing, la condamnera à l'immobilisme et se condamnera à l'échec de la dynamique qu'il a lui-même impulsée.

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(*) Par Glimpact commercialise aux entreprises un outil pour évaluer l'impact environnemental de leurs produits, basé sur la méthode PEF développée par la Commission européenne.

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Commentaires 3
à écrit le 01/06/2021 à 16:32
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Le grand principe c'est de répondre a une demande et non pas une création perpétuelle d'offre ainsi... la résilience sera un fait, non une utopie!

à écrit le 01/06/2021 à 8:59
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Vous autres associations avez sans arrêt combattu la souveraineté des nations et maintenant vous leur reprochez leurs désatreuses faiblesses. Maintenant que les nations n'existent plus en UE ce sont les banquiers qui ont pris le relais des décisions ...

à écrit le 01/06/2021 à 8:09
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La transition écologique est une chimère, qui ne se fera jamais. Tout simplement parce que production de CO2 et PIB sont proportionnels, et ceci pour toujours. La seule chose vraiment écologique, c'est la pauvreté. Des candidats ?

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