Macron au détour de la grande fragilisation française

La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, Macron au détour de la grande fragilisation française
(Crédits : DR)

VIDEO

Macron aime les grandes réformes de par la taille, autrement dit les dispositifs programmatiques fleuves à multiples tiroirs. Le chantre de la simplicité n'a pas le sens de l'épure quand il s'agit de communiquer et de légiférer. L'homme du  « et », et de droite et de gauche, maintient son cap ET écoute la vindicte, réduit la dépense publique ET renforce le maillage territorial des services publics, propose de travailler plus et de ne pas toucher aux 35h, aux jours de congés ou à l'âge légal de la retraite, revendique la disruption du modèle hexagonal et demeure dans l'incrémental, plaide pour la simplification et pense complexe.

Face à l'amoncellement des pierres, chacun doit s'interroger : est-il en train de bâtir une cathédrale ? Le palais du facteur cheval ? Un Labyrinthe ou un tas informe ? La seule façon d'y répondre, c'est d'extraire dans son propos la vision qui sous-tend tout cela. On peut certes discuter le point par point, le déplacement des curseurs, mais pour que cela fasse sens, il faut comprendre en quoi ces éléments participent à la consolidation de la grande fragilité française : la question du renforcement de notre socle productif sur lequel s'appuie l'édifice social.

Reconstruire un sentiment d'émancipation

Renforcer notre socle productif, cela veut dire quoi au XXIe siècle ? Ce n'est pas ressortir des cartons la vieille planification sectorielle. Ce n'est pas tout miser sur des champions de moins en moins ancrés sur le territoire. Ce n'est pas surenchérir sur des start-up, qui dans la plupart des métropoles où elles prolifèrent, fondent des communauté-bulles déconnectées du reste du corps social et du territoire. Ce n'est pas faire des cadeaux fiscaux aux plus riches au nom du ruissellement.

Non. C'est penser les grands usages contemporains, en matière de mobilité, d'alimentation, d'environnement, de logement, de santé, d'éducation, de dépendance. C'est bâtir les nouveaux réseaux d'infrastructures, notamment numériques, qui permettent à ces usages de se déployer, d'assembler les différentes fonctionnalités qui les enrichissent. Et c'est surtout déceler au sein de ces écosystèmes, les technologies clés, et surtout exportables, qui permettent à l'économie française d'en retirer un dividende, de capter de la valeur, celle qui sous-tend les questions de distribution.

Sur la base de cette cartographie, il s'agit de mettre en place les incitations, les protections, les programmes européens qui consolident ces positions névralgiques : dans le numérique, le stockage de l'énergie, la robotique, l'IA, etc. L'enthousiasme des trente glorieuses s'est bâti sur le sentiment d'émancipation que procurait la voiture, l'équipement domestique et la démocratisation de leur accès via la politique sociale, apaisant le vieil antagonisme entre le social et le productif. C'est précisément ce qu'il nous faut reconstruire aujourd'hui. Non pas en opposant la raison de l'offre, à la déraison de la demande et du social. Non pas en concédant quelques petits aménagements aux plus démunis lorsque la société est au bord de l'implosion.

Bâtir un pacte productif

Penser la production, ce n'est en rien faire preuve d'autisme par rapport au malaise social. C'est au contraire se pencher sur ce qui est au cœur du mal vivre contemporain. C'est penser le design des usages dont l'accès et le coût sont vécus comme une complication insurmontable pour une partie de la population et un obstacle à l'émancipation. Quand se loger, se mouvoir, s'éduquer, projeter un avenir viable pour ses enfants deviennent problématiques, l'unité du corps social est menacée et la réponse est d'abord productive. Cette formulation du problème n'est pas absente chez Emmanuel Macron, même si les médias s'attardent sur l'éclectisme des propositions et la question de leur conformité au cahier de doléances du grand débat.

Il y consacre trois phrases, passées quasiment inaperçues : « Face au numérique, au changement climatique, (...), on a besoin de bâtir un pacte productif permettant de viser en 2025 le plein emploi. C'est à notre portée, complètement, et pour cela il nous faut un plan clair : produire, se déplacer, se nourrir, se soigner avec des objectifs en matière d'investissements dans notre recherche publique et privée, des priorités technologiques claires au niveau français comme au niveau européen. Il annonce l'automne pour « finaliser ce nouveau pacte et bâtir cette nouvelle stratégie ».

Il n'en n'a pas fait le pivot de son intervention. En fera-t-il le pivot de la relance de son mandat. Toute la question est là.

 >> Plus de vidéos sur le site Xerfi Canal, le médiateur du monde économique

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 3
à écrit le 13/05/2019 à 20:10
Signaler
A part le futur Airbus des batteries, je ne vois pas ce qu'il fait qui rentre dans ce cadre ! Il continue à multiplier des traités de libre-échange qui détruisent la société et à privatiser à tout-va les bijoux de la famille !

à écrit le 13/05/2019 à 18:42
Signaler
Il confond allègrement les "causes" et les "conséquences"! Ce qui lui permet de croire qu'il est toujours dans le vrai et que les autres ont tord! Pour lui, les conséquences de ses actes sont toujours des causes a dénigrer!

à écrit le 13/05/2019 à 9:13
Signaler
LE problème majeur étant cette croyance irréaliste dans l'europe alors qu'il semblerait que même l'allemagne aie parié sur un éclatement de celle-ci, le banquier allemand aimant tout ce qui est facile. Donc même s'il dit qu'il veut plus de vie da...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.