Mettre l'économie collaborative sur les bons rails

Il faut que les pays européens mettent en cohérence leurs politiques à l'égard de l'économie collaborative. Par Elżbieta Bieńkowska, Commissaire responsable du marché intérieur, industrie, entrepreneuriat et PME.

Beaucoup d'Européens souhaitent créer leur entreprise mais ils ne sautent jamais le pas. L'économie collaborative, caractérisée par des seuils d'entrée beaucoup moins élevés, peut les aider à se jeter à l'eau. Pour les chômeurs, elle peut être l'occasion d'exploiter leurs compétences. Elle peut rendre accessibles des produits et des services auxquels certaines personnes n'auraient pas accès autrement. En outre, en promouvant un partage plus important des actifs et une meilleure utilisation des ressources, l'économie collaborative peut également contribuer à un développement plus durable de l'économie.

L'économie collaborative s'implante rapidement dans l'UE. Sa croissance ces trois dernières années a été spectaculaire et ses recettes ont pratiquement doublé entre 2014 et 2015. Il ne s'agit pas seulement de cas bien connus comme Uber et Airbnb: de nombreuses personnes imaginatives découvrent de nouveaux créneaux comme les banques de temps qui rapprochent les citoyens, en leur permettant de s'entraider par l'échange de compétences et de services.

Distinguer activité occasionnelle et activité professionnelle

Cependant, une fois que les particuliers commencent à s'engager dans des activités normalement exercées par des entreprises bien établies, la distinction entre activité occasionnelle et activité professionnelle commence à devenir floue.

Les autorités nationales et locales interviennent en adoptant une mosaïque de mesures réglementaires différentes. Cette approche fragmentée des nouveaux modèles économiques fait naître une certaine incertitude à la fois chez les opérateurs traditionnels, les nouveaux prestataires de services et les consommateurs et peut entraver l'innovation, la création d'emplois et la croissance.

En l'absence de définition claire des exigences en matière de licences, de la responsabilité juridique ou des obligations fiscales, les personnes seront moins nombreuses à oser sauter le pas. De plus, si les consommateurs n'ont pas confiance dans ces nouveaux modèles économiques, ils n'utiliseront pas ces services.

Pour une approche européenne cohérente

Nous ne pouvons nous permettre de nous retrouver dans une situation où notre marché unique est fragmenté en 28 réglementations nationales voire en un nombre plus élevé de réglementations locales différentes, où chaque réglementation locale doit être examinée par les tribunaux, où nous manquons de prévisibilité et de cohérence. Notre approche doit être cohérente si nous voulons que nos jeunes pousses européennes dynamiques présentes dans l'économie collaborative prospèrent, se développent et tirent parti du marché unique. Nous devons trouver le moyen de nous approprier ces nouveaux modèles économiques, sinon ils iront se développer ailleurs.

Payer impôts et taxes

Dans le même temps, l'économie collaborative ne saurait être une économie parallèle, informelle. Les impôts et les taxes doivent être payés, la sécurité garantie et la protection sociale et des consommateurs défendue. Les entreprises en place se plaignent de distorsions de concurrence. Les opérateurs de l'économie collaborative se plaignent quant à eux de se voir refuser l'accès au marché. Il est de toute évidence nécessaire d'introduire un certain degré de réglementation mais, comme dans le cas des entreprises traditionnelles, la réglementation doit être imposée pour des raisons valables, telles que la sécurité ou l'ordre public.

Protéger les entreprises déjà présentes sur le marché de la concurrence n'est pas un motif valable. Nous devons avoir la clairvoyance nécessaire pour envisager l'économie collaborative comme un complément aux modèles économiques traditionnels et non comme une alternative, et nous devons la réglementer en conséquence. Si elle est correctement encadrée, l'économie collaborative peut offrir de nombreuses possibilités d'emploi et soutenir la croissance.

L'exemple estonien

Nombreuses sont les questions auxquelles il faut apporter une réponse. Les personnes qui fournissent occasionnellement un service doivent-elles immanquablement satisfaire aux mêmes exigences que celles qui fournissent des services à temps plein? Et qu'entend-on par «occasionnellement»? Les plateformes sont au cœur de l'économie collaborative, mais quel est le statut d'une plateforme? Quelles sont ses responsabilités? Dans quels cas les personnes qui proposent des services par l'intermédiaire de plateformes deviennent-elles des salariés?

Les autorités qui font preuve d'inventivité trouvent des moyens de répondre à ces questions et permettent à l'économie collaborative de prospérer sans pour autant compromettre les normes. L'Estonie a donné l'exemple en menant des réformes dans le secteur des transports. Nous devons nous assurer que chacun puisse tirer les enseignements de cet exemple et d'autres encore.

S'inspirer des orientations européennes

Au vu des incertitudes que suscite l'économie collaborative chez les opérateurs du marché et les pouvoirs publics et en s'appuyant sur certaines des meilleures pratiques de l'UE, nous publions à présent des orientations sur la manière d'appliquer la législation de l'UE en vigueur à l'économie collaborative. Nous précisons par exemple que la législation européenne prévoit déjà que les exigences applicables aux prestataires de services en matière d'accès au marché doivent être exceptionnelles et proportionnées, notamment pour protéger la sécurité publique, et qu'il n'apparaît pas opportun d'appliquer les mêmes règles à une personne qui fournit un service une ou deux fois par mois et à un professionnel à temps plein. Nous encourageons les États membres à évaluer les dispositions nationales et locales sur la base de ces orientations, afin de permettre un développement équilibré de l'économie collaborative.

À l'instar de toute innovation radicale, les nouveaux modèles économiques peuvent créer des tensions qu'il faut apaiser et des difficultés auxquelles il faut apporter une réponse. Toutefois, l'économie collaborative ne devrait pas être perçue comme une menace pour les entreprises traditionnelles. Si elle est gérée de manière adéquate, elle créera plus d'emplois et aidera un plus grand nombre de personnes à participer à l'économie. Nous voulons, par ces premières orientations européennes destinées à ce secteur dynamique et en mutation rapide, assurer que ces possibilités seront exploitées.

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