Pour une logistique urbaine plus durable

OPINION. Pour rendre la logistique urbaine plus durable, les grossistes appellent les pouvoirs publics au pragmatisme et à la co-construction entre privé et public. Par Philippe Barbier, Président de la Confédération du Commerce de Gros et International (CGI)
(Crédits : DR)

Jamais sans mes commerces de proximité ! Voilà qui pourrait être une formule typiquement française, quand on sait que 85% de nos concitoyens affirment plébisciter les boutiques de leur quartier (Mastercard, 2020). Et la crise sanitaire n'a fait que renforcer cette tendance : 76% des Français se déclarent encore plus attachés aux commerçants de proximité depuis la pandémie.

Mais aussi jamais sans mes restaurants... et jamais sans mes artisans !

Et si ces piliers de la vie locale avaient soudainement le plus grand mal à satisfaire la demande de nos concitoyens en produits alimentaires, médicaments, appareils électroniques, etc. ? Nous sommes face à un risque réel, si les débats contemporains en matière de logistique et transport urbain venaient à impacter négativement l'activité des fournisseurs quotidiens de tous ces commerces.

Les 150.000 entreprises du commerce de gros, spécialistes du BtoB alimentaire, interindustriel et non-alimentaire, sont les 1ers partenaires économiques des commerçants, des artisans, des cafés, des restaurants, des garages, des cantines scolaires, des pharmacies ...  et donc de l'activité des cœurs de ville. 80% de la clientèle professionnelle des grossistes est en effet située en ville, souvent en centre-ville... Avec notre million de salariés, nous les avons soutenus pendant la crise et, tous les jours, nous approvisionnons nos clients grâce à notre expertise logistique... quand bien même il devient plus complexe et difficile d'y accéder dans de bonnes conditions ! Tous les grossistes de France font en effet le même constat : organiser la mobilité des marchandises en ville peut devenir problématique, tant les règles varient d'une commune à l'autre et tant rien, ou si peu, ne semble être fait pour faciliter la logistique urbaine.

Qui peut rouler, où et quand ? Quels véhicules sont ou seront autorisés ? Comment localiser facilement des aires de livraison, sachant que nous avons l'habitude de mutualiser les livraisons pour approvisionner en moyenne une vingtaine de clients par rotation de chacun de nos 60.000 véhicules. Sachant également que, contrairement aux idées reçues, recourir à un seul véhicule de grand gabarit sera plus efficace et moins polluant qu'utiliser plusieurs petites camionnettes...

La nécessaire trajectoire de lutte contre le réchauffement climatique et pour le verdissement des flottes de véhicules, à laquelle les grossistes adhèrent et participent pleinement, a incité les pouvoirs publics à généraliser le système des zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m). Ces zones excluent depuis 2015 certains véhicules des métropoles et communautés d'agglomérations. Celles de plus de 150 000 habitants seront toutes concernées à fin 2024 !

Autant de règles fixées sans vraiment se préoccuper de savoir si l'objectif était réaliste et tenable, et si les constructeurs et donc les opérateurs pourraient suivre dans des délais aussi brefs ! À cela vient s'ajouter une vraie difficulté à faire respecter le bon usage des aires de livraison qui nous permettraient de travailler dans de bonnes conditions, au bénéfice de tous.

Un chemin pragmatique et efficace vers une logistique urbaine durable, qui associe transition écologique et l'attractivité économique des villes, existe pourtant bel et bien. Nous n'avons pas ménagé nos efforts ces dernières années pour réduire notre impact environnemental mais nous avons besoin désormais de clarté, de coopération et d'harmonisation de la part de nos interlocuteurs publics.

Le rapport pour une logistique urbaine durable, porté conjointement par Anne-Marie Idrac, présidente de France Logistique, Anne-Marie Jean et Jean-Jacques Bolzan, président de la Fédération des marchés de gros, ne dit pas autre chose. Remis en octobre 2021 aux ministres délégués Agnès Pannier-Runacher et Jean-Baptiste Djebbari à l'occasion du 2e Comité interministériel de la logistique (CILOG), il invite à davantage de concertation et, surtout, de coopération pour harmoniser les règles fixées au niveau local et porter ainsi un cadre compréhensible de tous. C'est cette même logique qui préside au programme InTerLUD, que nous portons avec l'ADEME, le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) et la société de conseil en performance énergétique ROZO. Ce programme engagé aspire à créer des espaces de dialogue entre les acteurs publics et économiques avec l'objectif, à terme, de déployer des chartes de logistique urbaine durable... Nous militons aussi pour que soit créé un Observatoire national de la logistique, comme le propose le rapport Idrac/Jean/Bolzan, pour donner une hauteur de vue propice à un pilotage stratégique.

Les bonnes volontés pour avancer ensemble existent. Nous attendons désormais de l'État qu'il les encourage et les systématise !

Posons-nous, réfléchissons, débattons mais faisons a minima en sorte d'écouter les propositions et aspirations des professionnels, premiers partenaires des commerces de proximité et de l'attractivité des centres-villes.  Rien ne serait pire qu'une réglementation irréaliste, donc inapplicable, incontrôlable, empilant les dérogations multiples et variées. C'est le grand risque actuel : celui d'atteindre l'inverse du but recherché... une erreur collective dramatique !



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