Pourquoi le Kazakhstan fait le pari de la crypto-monnaie

OPINION. Bénéficiant d'un climat politique et économique stable et surtout de tarifs compétitifs en matière d'énergie, le pays d'Asie centrale multiplie les incitations pour développer un secteur prometteur. Par Jean-Louis Guénégo, ancien professeur à l'université de Paris-Marne la Vallée, concepteur de protocole de communication et stockage totalement décentralisés.
L'Autorité des services financiers d'Astana, la capitale kazakhe, a accordé en octobre à Binance le statut de plateforme réglementée, qui peut désormais opérer en tant que fournisseur d'actifs numériques.
L'Autorité des services financiers d'Astana, la capitale kazakhe, a accordé en octobre à Binance le statut de plateforme réglementée, qui peut désormais opérer en tant que fournisseur d'actifs numériques. (Crédits : Reuters)

Gaz, pétrole, or, titane, cobalt... : assis sur un véritable trésor de ressources naturelles, le Kazakhstan serait-il en passe de devenir le nouvel eldorado... des crypto-monnaies ? Tous les signaux semblent l'indiquer, alors que Binance, la bourse des crypto-monnaies, vient tout juste d'obtenir sa licence pour opérer sur le territoire du géant d'Asie centrale. L'Autorité des services financiers d'Astana, la capitale kazakhe, a ainsi, en octobre, accordé à Binance le statut de plateforme réglementée, qui peut désormais opérer en tant que fournisseur d'actifs numériques. Une étape importante dans le processus de légitimation des crypto-monnaies au sein d'un pays jusqu'ici davantage connu des spécialistes pour être une terre de minage, plus que d'échanges ou de trading de bitcoins.

Un des leaders mondiaux du minage de bitcoins

En quelques années, le Kazakhstan s'est en effet imposé comme un des leaders mondiaux du minage de bitcoins, avec pas moins de 18% du hashrate (le taux de hachage, ou vitesse de minage, qui dépend de la puissance de calcul des ordinateurs concernés) de la planète - ce qui positionne le pays à une belle seconde place derrière les États-Unis - et devant la Chine qui, en septembre 2021, a interdit le minage alors qu'elle représentait jusqu'alors 65% du hashrate mondial. Une part substantielle des mineurs chinois s'est alors tournée vers le « paradis kazakh », dont la réputation de stabilité politique et l'électricité bon marché ont achevé de convaincre les plus sceptiques - l'électricité étant, de loin, la principale « matière première » dont les mineurs ont besoin pour extraire les crypto-monnaies.

Conscientes du potentiel de ce nouveau marché, les autorités kazakhes se démènent depuis pour favoriser le développement d'un secteur prometteur. Début octobre, Binance a ainsi signé un nouveau protocole d'accord avec l'Agence de surveillance financière du Kazakhstan afin de mieux coordonner les efforts de lutte contre la criminalité financière. Plus généralement, les autorités kazakhes ont élaboré des réglementations de plus en plus favorables au secteur, en autorisant par exemple les bourses de crypto-monnaies à ouvrir des comptes bancaires. Plus tôt, en septembre dernier, le président du Kazakhstan, Kassym-Jomart Tokayev, s'est dit prêt à légaliser un mécanisme de conversion des crypto-monnaies en espèces. Et en juillet, le même Tokayev avait déjà promulgué de nouveaux taux d'imposition pour les mineurs de crypto : une manière d'institutionnaliser cette activité sans faire peser sur elle de taxes dissuasives.

« La » plaque tournante des crypto en Asie centrale

Augmentation maitrisée du prix de l'énergie vendue aux mineurs, nouvelles exigences de déclaration, nouvelles lignes directrices fiscales, fermeture des « fermes » illégales... Cette reprise en main d'un secteur dont les pratiques confinent parfois au Far West n'a rien d'alarmante, au contraire : elle témoigne de l'intérêt croissant des autorités kazakhes pour une activité qui, à long terme, a besoin de stabilité et de visibilité plus que d'incertitude et de volatilité. En encadrant le secteur, le Kazakhstan favorise ainsi son expansion durable et s'impose comme « la » plaque tournante des crypto en Asie centrale et parmi les anciens satellites de l'ex-URSS. Si les mineurs et autres traders de bitcoins veulent continuer de trouver au Kazakhstan les meilleures conditions d'activité, il faut, et c'est bien normal, que le Kazakhstan y trouve aussi son compte.

Or on en est loin : alors que certaines estimations tablent sur 1,5 milliard de dollars de retombées annuelles pour l'économie kazakhe, le secteur ne rapporterait aujourd'hui que 1,5... million de dollars. Une marge de progression qui explique le vif intérêt des autorités pour les crypto-monnaies, comme l'a confirmé en juin dernier le président de la Banque nationale du Kazakhstan, selon qui « nous n'allons pas ignorer ce marché. Nous voulons tirer le maximum de profit du potentiel innovant que ces technologies nous offrent ». N'est-ce pas là une devise que l'on pourrait appliquer aux mineurs et professionnels du bitcoins ? Innovant, accessible, stable et en voie de normalisation : le Kazakhstan coche donc toutes les cases pour devenir la terre promise des crypto.

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Commentaire 1
à écrit le 31/10/2022 à 12:35
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"et l'électricité bon marché ont achevé de convaincre les plus sceptiques" au Canada, le courant pas cher du tout (hydroélectricité) a attiré les "calculateurs de minage" mais ont été priés d'aller s'installer ailleurs, le courant devant rester dispo...

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