Présidentielle : les propositions de la filière béton pour une construction décarbonée

OPINION. Ancrée au cœur des territoires dont elle irrigue les secteurs de la construction et des infrastructures, la filière béton se mobilise, dans le cadre des élections présidentielles 2022, afin de porter - et ce, pour la première fois - des propositions sociétales et politiques fortes auprès des candidats et de leurs équipes. Pour aller plus loin, des propositions en termes de dynamisation de l’activité dans les territoires seront développées dans le cadre des élections législatives. Par François Pétry, Président Filière béton et DG Lafarge.
(Crédits : DR)

La filière béton est favorable à la RE2020 et est engagée dans une stratégie ambitieuse de réduction  de ses émissions, en phase avec la Stratégie nationale Bas-Carbone (SNBC). La décarbonation du  secteur est un process continu puisque les émissions de carbone du ciment ont baissé de 39% entre 1990 et 2018 et la trajectoire fixée prévoit une baisse supplémentaire de 24% d'ici 2030.

Des investissements conséquents sont en cours et l'ensemble de la profession travaille sur les  innovations de demain, qui permettront d'aller plus loin et d'atteindre -80% en 2050. Il est important  de souligner que les efforts consentis aujourd'hui ou demain sont conditionnés à un certain nombre de paramètres pour que l'industrie puisse rester compétitive.

La filière souhaite ainsi que soit reconnue sa trajectoire de décarbonation, de sorte que les matériaux  de construction qu'elle propose ne soient pas discriminés.

Les propositions formulées par la filière béton, dans le cadre de l'élection présidentielle, s'articulent autour de cinq axes : le logement, l'urbanisme, l'économie circulaire, les réseaux et la gestion de l'eau.

Le logement : construire plus, mieux et à coût maitrisé :

Construire plus, car les Français consacrent déjà 30% de leur budget pour se loger. Le principal  défi des années à venir est aussi de continuer à construire pour répondre à la demande par  des logements de qualité, à un coût maitrisé demeurant accessible aux primo-accédants. La filière béton demande aux pouvoirs publics de prendre des mesures incitatives fortes autour du logement, qui aillent au-delà des 650 millions d'euros prévus pour financer le recyclage des friches urbaines et industrielles, et puissent ainsi faciliter la construction de logements et l'installation d'activités sur des sites déjà artificialisés.

Construire mieux : sur le sujet de la sécurité des personnes et des biens, engager une  réflexion avec l'ensemble des filières constructives, visant à élaborer de nouveaux outils, capables de simuler de façon optimale la prévention des incendies et par conséquent  améliorer la sécurité des occupants.

Construire à coût maîtrisé : la RE2020 doit être le reflet de la vie en œuvre des bâtiments. Elle doit prendre en compte les critères concernant l'intégration dans l'économie circulaire, ainsi  que les critères sur la durabilité des ouvrages et leur durée de vie.

Un sommet de la construction : réunir un véritable sommet de la construction qui permette d'associer l'ensemble des  parties prenantes à une relance de la construction au-delà des seuls champs de l'habitat  social et de la rénovation. La poursuite de l'investissement dans le logement social, aussi bien  que la reprise de l'investissement sur les autres segments du marché, doivent passer par une  politique fiscale adaptée et de long terme, qui soit incitative pour le neuf. Cela suppose  notamment de considérer, comme cela se fait à l'étranger, que l'investissement locatif privé  porte sur un bien productif davantage qu'il n'a pour objet un enrichissement personnel, donc  hors champ de l'IFI.

L'urbanisme : éco-concevoir le tissu urbain

Imaginer la ville du futur, c'est libérer l'espace tout en limitant l'étalement urbain, faire face aux aléas  climatiques, à une démographie urbaine croissante, au besoin d'un retour à la nature dans les villes. Le matériau béton, dont l'impact carbone est maîtrisé, apporte de nombreuses solutions pour répondre à ces problématiques. La filière propose de privilégier les solutions béton qui permettent de prévenir la formation des îlots de chaleur tout en répondant à l'ensemble des autres exigences d'une conception urbaine résiliente et durable, grâce à :

  • des solutions de stockage de l'eau en surface (bassins, déversoirs...) ou sur les toits permettant de réintroduire dans la ville des étendues d'eau à l'air libre ;
  • des solutions drainantes et de structures poreuses, qui, en désimperméabilisant les surfaces urbaines, préviennent le ruissellement des eaux pluviales ;
  • des solutions végétalisées, qui permettent de renaturer les surfaces (chaussées, trottoirs, façades et toits de la ville).

L'économie circulaire

  • Faire de la commande un levier pour le développement du territoire

Construire mieux passe par la commande publique, qui se doit d'être exemplaire dans le contenu des cahiers des clauses techniques particulières (CCTP), par des démarches innovantes, et en intégrant l'égalité de traitement entre matériaux ou solutions. La filière béton propose :

D'expérimenter l'introduction dans les appels d'offres publics d'une clause d'économie circulaire comportant : un critère de recours à des matériaux locaux, notamment au moyen de  l'élargissement de la notion de clauses d'insertion aux emplois locaux, ainsi qu'un critère de recyclabilité des matériaux.

  • Dynamiser les territoires via de nouvelles formes de contractualisation avec les villes

La filière béton propose de nouvelles formes de contractualisation avec les villes pour développer des  chaînes de valeur locales. La filière rappelle - qu'en raison de son maillage territorial très fin et des  courtes distances de transport entre les activités extractives, la transformation et la mise en oeuvre - qu'elle contribue à créer des chaînes de valeur locales, notamment en termes d'écologie industrielle.

  • L'approvisionnement durable : un ancrage territorial au plus près des marchés

Les carrières et installations de transformation se situent principalement en milieu rural. Les unités de  production et plateformes de distribution sont implantées dans les zones périurbaines, au plus près  des chantiers de construction. Cette proximité limite le transport et donc les émissions de CO2 associées. La filière béton propose : d'introduire dans les critères de la commande publique un indicateur valorisant le caractère  local des produits et des emplois.

  • L'économie de la fonctionnalité : construire des ouvrages adaptés à la vie quotidienne dans la ville qui exerce des fonctions stratégiques

L'économie circulaire passe par l'économie de la fonctionnalité. La filière béton propose une nouvelle  vision de la construction avec des ouvrages modulables dans le temps et dont les matériaux sont  recyclables. Le béton pourra être recyclé par l'entreprise qui l'aura mis en oeuvre lors de sa déconstruction. La propriété du matériau pourrait rester celle de la maitrise d'oeuvre ou de ses ayants droit.

  • Favoriser l'utilisation du BIM en créant, lors de la construction, une carte d'identité pour les bâtiments, les ouvrages de génie civil et les infrastructures
  • Privilégier durablement la proximité entre sites d'extraction et sites de production

Pour ce faire, la profession estime nécessaire : d'assurer la déclinaison de la stratégie nationale pour la gestion durable des granulats dans  les documents de planification en définissant des orientations et objectifs permettant de  garantir un accès durable à la ressource en maintenant un tissu local de carrières ; et d'optimiser les durées d'autorisation de carrières en les adaptant à la durée prévisible  d'exploitation des réserves.

Les réseaux

La rénovation et le développement de nouveaux axes de circulation (routiers, autoroutiers ou  ferroviaires) indispensables pour garantir la sécurité, le développement économique, commercial et  touristique des territoires, suppose de concilier le respect de l'environnement, du paysage et de la  biodiversité et le franchissement d'obstacles naturels ou artificiels. L'apparition de nouvelles mobilités douces et les évolutions technologiques majeures qui s'annoncent conduisent la filière béton à  innover et proposer des solutions constructives toujours plus performantes.

  • Repenser les plans de circulation en milieu urbain

Pour faciliter le développement de modes de transports doux, les agglomérations font évoluer leurs réseaux : voies piétonnes, cyclables, transports en commun en site propre et souhaitent leur consacrer des espaces qui puissent cohabiter avec la circulation automobile.

- Pour plus de sécurité, l'espace urbain doit être rendu plus lisible en le structurant de façon  claire, en différenciant les voies de circulation dédiées, en créant un équilibre entre les  différents modes de déplacement : le béton, par sa couleur et sa texture, permet de  différencier les voies réservées aux différents modes de circulation.

- Au-delà de la réalisation d'ouvrages parfois spectaculaires qui modèlent les paysages et  permettent les liaisons essentielles pour rapprocher les territoires, il convient désormais de  répondre aux attentes des aménageurs qui souhaitent développer de nouvelles mobilités.

  • Intégrer les réseaux en sous-sol

Devant la saturation des espaces de mobilité et la vulnérabilité de la ville face aux changements climatiques, de nouveaux modes de construction s'imposent en sous-sols pour fluidifier la mobilité  des personnes et protéger le patrimoine. Le sous-sol est une ressource complémentaire de l'espace urbain. En effet, il propose de grandes réserves d'espaces pour répondre aux enjeux urbains de  densification, de compacité, d'intensité, de circuits courts et de qualité urbaine. Mieux exploiter le  sous-sol permettrait de répondre en partie à l'enjeu de réduction de l'artificialisation.

  • La création de galeries multiréseaux

Les galeries multiréseaux s'avèrent très pertinentes en particulier à l'occasion de  projets d'aménagements urbains structurants nécessitant un réaménagement des réseaux enterrés et participes à la valorisation de l'espace souterrain dans l'aménagement global de la ville durable. La filière béton propose la création de nouveaux réseaux tels que les réseaux de collecte pneumatique  des déchets, les réseaux logistiques permettant d'assurer le « dernier kilomètre »...

  • Développer les mobilités nouvelles et alternatives

Pour désengorger les axes de circulations terrestres, de nouveaux champs des possibles apparaissent  avec par exemple le téléphérique urbain ou les projets de transports post TGV (train Hyperloop) tandis que le transport fluvial devra être redéployé et ses équipements rénovés. Dans le cadre de la  modernisation des axes de liaisons, il est urgent de rénover les infrastructures. La filière béton demande :

- pour rénover les ponts dans les dix ans, la création, comme le préconise le Sénat, d'un fonds d'aide aux collectivités dote de 130 millions d'euros par an ;

- l'attribution de davantage de ressources financières aux collectivités pour la construction d'infrastructures cyclables, notamment via la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et le fonds vélo ;

- que soit considérée la pertinence d'investissements sur ces infrastructures, lorsque  ceux-ci permettent d'obtenir des coûts d'exploitation plus faibles avec la hausse de la fréquentation.

La gestion de l'eau

L'urbanisation croissante a réduit l'infiltration naturelle et augmenté le ruissellement. Ces  phénomènes s'aggravent par temps de pluie, provoquant des inondations plus fréquentes et des  pollutions des milieux récepteurs par lessivage. Enfin, la protection des sources et des nappes phréatiques, le traitement des eaux usées sont des enjeux majeurs pour les générations futures. La filière propose la mise en œuvre de solutions durables dans le temps, qui contribuent à la résilience de nos espaces :

- pour protéger les zones urbanisées des risques d'inondation : les digues, les  enrochements en béton performants, les bétons drainants et les chaussées réservoirs pour la voirie.

- pour approvisionner et retraiter l'eau destinée aux citoyens : les adductions d'eau, les  usines de traitement, les bassins de stockage, les canalisations et les stations d'épuration.

Les premiers fruits de cette réflexion menée par la filière béton, dont ces propositions sont issues,  ont été transmis récemment aux candidats et à leurs équipes dans le cadre d'un processus collaboratif.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.