Santé de l'agriculteur et attractivité de l'agriculture :  deux impératifs à concilier

OPINION. La souffrance des agriculteurs colle à la peau de l'agriculture. Dès que l'on évoque la question de la santé mentale, il est difficile de sortir de la vision mortifère qui oscille entre le suicide - Au nom de la Terre, film poignant où Guillaume Canet finit par se suicider - et l'isolement social - du bal des célibataires de Pierre Bourdieu à l'Amour est dans le pré de M6. Par Bernard Lacour, Président de la Chambre d'Agriculture de Saône-et-Loire ; Cédric Saur, Président de la MSA Languedoc et Olivier Torres, Professeur à l'Université de Montpellier (LABEX Entreprendre) et fondateur d'Amarok
(Crédits : Reuters)

Certes, les statistiques épidémiologiques montrent parfois une plus forte prévalence de morbidité chez les agriculteurs mais pas toujours, pas tout le temps et tout dépend de ce que l'on compare et avec qui on le compare. Mais l'image est devenue tellement prégnante qu'il semble qu'exercer le métier d'agriculteur est forcément délétère. En véhiculant uniquement les aspects négatifs, on ne donne plus envie aux jeunes générations de reprendre l'exploitation familiale. Pire, en réduisant le pathogène au pathétique, on finit par dégrader l'attractivité du secteur.

Pourquoi les travaux scientifiques en santé ne s'intéressent qu'aux stresseurs sans jamais aborder les « satisfacteurs » ? Pourquoi n'évoque-t-on que les facteurs pathogènes alors qu'il est aisé de montrer qu'être agriculteur, c'est aussi éprouver des facteurs salutogènes, c'est-à-dire bon pour la santé ?

Lorsqu'on interroge les agriculteurs, ils sont plus de 88% à déclarer que leur travail et leur exploitation sont un élément essentiel de leur existence. Ce chiffre interpelle mais il faut savoir qu'il est la caractéristique de tous les entrepreneurs patrimoniaux. Pour ces derniers, le travail est central et le plus souvent existentiel. Les agriculteurs, comme tout dirigeant d'une petite entreprise, sont des passionnés qui travaillent plus d'heures par jour, plus de jours par semaine, plus de semaines par an et plus d'années tout au long de leur carrière. Ils sont les plus gros travailleurs de France. On est loin, très loin de la grande démission et de la défiance au travail.

Nous sommes ici en proie à un double défi contradictoire

D'une part, celui de protéger une population humaine parfois en difficulté, voire en détresse mais d'autre part de renforcer l'attractivité du secteur pour préserver l'agriculture de demain. Comment concilier ces deux objectifs ? Par la promotion de la bonne santé au travail et simultanément par le dépistage des situations de mal-être.

Le dispositif Amarok e-santé agri que nous avons déployé dans nos institutions est une solution française à ce double défi. Il s'adresse à l'ensemble de la population agricole et sa communication est positive. Ce n'est pas la détresse qui est le point de départ mais le travail et ses conséquences sur la santé qu'il s'agit d'évaluer à partir des évènements de vie professionnels et personnels auxquels sont confrontés les agriculteurs. L'approche est existentialiste dans un sens sartrien :

« L'Homme n'est rien d'autre que ce qu'il fait ».

C'est en interrogeant l'Agriculteur sur les évènements stressants et satisfaisants qu'il a vécu que l'on peut diagnostiquer sa situation. Ensuite, si et seulement si ce diagnostic est négatif, on enclenche un dépistage du risque d'épuisement professionnel et lorsque la mesure dépasse un seuil l'alerte, l'agriculteur est alors invité à entrer en contact avec un professionnel de l'écoute. Ce dispositif a fait ses preuves.

Cela nous conduit à une conviction profonde. Au moment où la question de la souveraineté alimentaire devient un enjeu clé pour notre pays, nous affirmons qu'il n'y aura pas d'agriculture attractive sans agriculteurs en bonne santé. Concilier ces deux objectifs est un impératif catégorique.

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