Soins d'urgence ou boîte à pansements pour le Docteur Hollande ?

Le "plan emploi" de François Hollande ne s'attaque pas aux vrais problèmes du marché du travail français. Par Marc Guyot et Radu Vranceanu, Professeurs à l'ESSEC

S'il y a un record qu'on ne peut contester au Président Hollande, c'est probablement celui des intitulés les plus imaginatifs pour des mesures qui l'étaient malheureusement largement moins. Après le Pacte de Responsabilité, après la Loi pour la Sécurisation de l'Emploi, place à «l' Etat d'Urgence Economique et Social ».

Nul ne contestera la gravité de la situation avec le chômage touchant 10.6% de la population active, auxquels s'ajoutent 6.7% de temps partiels subi. La situation des jeunes et des non-qualifiés est encore plus dramatique et on peut supposer que celle des minorités ethniques dont on refuse de collecter des statistiques l'est également. Dans ce contexte, la croissance de l'emploi, de 0.2% sur l'année, du 3ème trimestre 2014 au 3ème trimestre 2015 paraît bien insuffisante.

 Des réponses gouvernementales aux faibles fondements économiques

La dégradation de la situation du marché du travail en France est encore plus préoccupante si on la compare avec les améliorations observées partout ailleurs en Europe, y compris dans des grands pays très affectés par la crise des dettes souveraines, comme l'Espagne et l'Italie, et qui ont dû mettre en place des programmes d'austérité sans commune mesure avec la France.

Face à cette dégradation du marché du travail, le Président et son gouvernement ont essayé plusieurs mesures présentées comme des réponses efficaces en dépit de leurs faibles fondements économiques. Instauré en 2013 comme composante majeure du Pacte de Responsabilité, le CICE était censé inciter les entreprises à embaucher via une réduction des impôts sur les sociétés proportionnelle à la masse salariale (soit 6% de celle-ci en 2014). Sans surprise, ce sont les salaires horaires qui ont augmenté, ce qui a affaibli un peu plus la compétitivité des entreprises au lieu de l'améliorer, avec des effets insignifiants sur les recrutements. Les habituels emplois aidés sont encore augmenté l'emploi dans la fonction publique déjà surdimensionnée, sans garantir ni la pérennité, ni l'utilité de ces emplois.

Deux questions simples

Aujourd'hui la mesure phare du nouveau plan de François Hollande consistant à former 500.000 chômeurs appelle deux questions simples. Qui va les former ? Probablement l'Association Nationale pour la Formation Professionnelle des Adultes (AFPA). A la lecture du rapport accablant de 2013 de la Cours des Comptes sur cette agence, sa capacité à proposer des formations adéquates est rien moins qu'assurée. La cause du chômage est-elle bien un problème de formation ? Lors de sa conversion à l'économie de l'offre, François Hollande avait identifié que le problème principal était le coût du travail. Dans cette optique, le SMIC à presque 10 euros de l'heure, le plus élevé de l'UE, semble être la cause principale du chômage des non-qualifiés et des plus jeunes. Sans remettre en cause le SMIC, celui-ci pourrait être modulé en fonction de l'expérience et de la qualification.

Une baisse technique des chiffres du chômage

La formation massive des chômeurs pourra cependant provoquer une baisse technique du chiffre du chômage. En effet, les personnes concernées sortiront des chiffres du chômage pendant tout le temps de leur formation.

Par ailleurs le Gouvernement va également lancer une n-ième prime à l'embauche, cette fois-ci de 2.000 euros dans les entreprises de moins de 250 employés. Comme pour le CICE, cette mesure témoigne d'une incompréhension profonde de l'économie de l'offre. Faire un cadeau financier ponctuel aux entreprises qui embauchent sans modifier l'ensemble du fonctionnement du marché du travail et les freins à l'embauche autres que le coût du travail ne sert à rien. Tant que le CDI sera aussi contraignant pour l'entreprise, aucune prime à l'embauche ne conduira à des vrais recrutements. L'objectif de baisse technique du chiffre du chômage a rendu le Gouvernement moins regardant sur la « qualité » des emplois ainsi crées. En effet la prime sera attribuée également aux embauches en CDD de plus de 6 mois.

L'abandon d'une réforme du marché du travail

La lecture du projet du Président révèle qu'au bout de 3 ans de hausse du chômage et 650 000 chômeurs supplémentaires, il a abandonné l'objectif de réforme du marché du travail visant la réduction pérenne du chômage. Cet objectif étant manifestement hors de portée, puisqu'il nécessiterait des mesures que ce gouvernement n'a ni l'intention, ni le courage de prendre, il ne lui reste plus que les veilles recettes d'achat d'emplois public ou privés avec à la clef une addition de 2 milliards d'euros de dépenses supplémentaires.

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Commentaires 9
à écrit le 20/01/2016 à 15:05
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Gouvernement en bois

à écrit le 19/01/2016 à 9:26
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le SMIC mensuel français est moins élevé qu'au Luxembourg, Belgique, Allemagne, Irlande, Pays-Bas (Eurostat). donner l'Italie et l'Espagne en exemple, faut le faire. 45% de chômage des jeunes, alors que la natalité est faible depuis au moins 25 ans....

le 20/01/2016 à 10:15
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Je ne sais pas d'où vous tenez vos chiffres, mais, en ce qui concerne l'Allemagne, ils sont erronés. L'Allemagne n'a instauré le SMIC que depuis un an, et son montant est de 8,50€/h, donc inférieur au SMIC français.

à écrit le 19/01/2016 à 8:40
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La TVA sociale est plus simple et plus efficace que la taxe sur l'énergie car elle fait payer les importations et exonère les exportations avec un prélèvement qui existe déjà. Il faut peut-être en effet faire évoluer le CDI en prenant les mesures sui...

le 20/01/2016 à 10:53
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La TVA sociale n'est pas suffisante. La fiscalité énergétique trouve une justification pour le climat en augmentant le prix de l'énergie selon notre prix Nobel d'économie. Le financement des charges sociales permet de favoriser l'économie en réduisan...

à écrit le 19/01/2016 à 8:27
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Les idées que j'exprime correspondent à celles de la fondation Nicolas Hulot et à celles exprimées par les rédacteurs de la note n°6 du conseil d'analyse économique. Il ne s'agit pas d'élucubrations.

à écrit le 19/01/2016 à 8:05
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Pourquoi les économistes refusent ils d'envisager l'idée de financer les retraites et le chomage par une taxe sur l'énergie?

à écrit le 19/01/2016 à 8:00
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Notre prix Nobel propose de mettre une taxe sur l'énergie pour tenir compte de ses effets pervers. Il faut utiliser cette taxe pour réduire le cout du travail à niveau constant.

à écrit le 19/01/2016 à 7:55
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Le chomage est en fait du temps de travail libéré par les gains de productivité liés à l'usage de l'énergie. L'énergie doit participer au financement de ce temps de travail libéré. Il faut basculer la fiscalité du travail sur la fiscalité énergétique...

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