Taxe carbone : ne nous trompons pas de débat

[OPINION] La taxe carbone n'est acceptable par les citoyens que si elle est perçue comme juste, et efficace d'un point de vue économique et environnemental. Or, en France, alors que l'augmentation de cette taxe commence à susciter nombre d'oppositions, l'indispensable effort de pédagogie sur l'usage des recettes n'est toujours pas fait. Par Bénédicte Peyrol (députée LREM), Benoît Leguet (I4CE), et Christophe Robert (FAP)*.
Bénédicte Peyrol, députée LREM, Benoît Leguet, directeur général d'I4CE (Institute for Climate Economics, le think tank sur l'économie de la transition), et Christophe Robert, de la Fondation Abbé-Pierre (FAP).
Bénédicte Peyrol, députée LREM, Benoît Leguet, directeur général d'I4CE (Institute for Climate Economics, le think tank sur l'économie de la transition), et Christophe Robert, de la Fondation Abbé-Pierre (FAP). (Crédits : DR)

Après plusieurs échecs, c'est sans grande polémique, sans grande communication gouvernementale que la France a adopté en 2014 une taxe carbone. Et jusqu'à aujourd'hui, cette taxe ne faisait pas débat, ou si peu.

C'était surprenant. Car l'expérience d'autres pays montre que, pour être acceptée, les citoyens doivent être bien informés de ce que le gouvernement fait des revenus issus de cette fiscalité d'un nouveau genre. Et pourtant, tel n'est pas le cas en France.

La taxe carbone n'est acceptable que si elle est perçue comme juste, et efficace d'un point de vue économique et bien entendu environnemental. Les études académiques montrent par exemple qu'utiliser les recettes pour investir dans des projets environnementaux permet d'augmenter l'acceptabilité d'une taxe dont le caractère incitatif est souvent mal compris.

Utilisation des recettes: à chaque pays de trouver le bon consensus

Mais une telle taxe peut également permettre de réduire les taxes sur le revenu ou le travail comme cela a été le cas en Suède dans le cadre d'une grande réforme fiscale. Les pays ou provinces qui ont réussi à instaurer une taxe carbone ambitieuse ont utilisé ses recettes de manières très différentes : la Colombie Britannique a panaché des baisses de taxe avec quelques transferts monétaires directs pour ses citoyens les plus modestes ; la Suisse a fait de même tout en dédiant un tiers des recettes à la réduction des émissions des bâtiments. Au niveau mondial, c'est près de la moitié des recettes carbone qui sont utilisées pour investir dans des infrastructures qui favorisent un développement sobre en carbone.

Les choix d'utilisation des recettes sont importants pour rendre une taxe carbone acceptable, mais c'est à chaque pays de trouver un consensus, un équilibre politique propre à sa situation. Il n'y a pas de solution miracle. Ce qui est clair, par contre, est que les citoyens doivent être consultés en amont sur l'utilisation de ses recettes, le gouvernement doit communiquer clairement ses choix et leur rendre régulièrement des comptes. A l'image de la Colombie-Britannique, dont le ministre des Finances avait conditionné 15% de sa rémunération au fait que l'ensemble de recettes soient redistribuées aux entreprises et aux citoyens.

En France, l'absence de débat laisse la place libre aux multiples craintes

A l'opposé, en France, la taxe carbone et l'usage fait de ses recettes - en grande partie pour baisser les prélèvements sur le travail et soutenir les énergies renouvelables - sortent rarement d'une niche d'experts et de parlementaires. Sans faire polémique. Mais la donne est en train de changer avec la hausse de cette taxe. Son impact n'est plus marginal dans le prix des carburants à la pompe. Et les revenus qu'elle génère sont conséquents : près de 7 milliards en 2017. Ce n'est que le début, la taxe devrait doubler d'ici la fin du quinquennat.

Il n'est donc pas surprenant de voir les oppositions se multiplier. Avec des craintes - compréhensibles - allant du « tout ça c'est pour augmenter les taxes sous couvert d'écologie » à « cela pénalise les territoires ruraux et les ménages modestes ». Le peu d'information sur la taxe carbone à sa création a facilité sa naissance, mais il met à présent en danger sa croissance.

Vers une taxe carbone qui ne punit pas, mais soutient

Il n'est pas trop tard pour changer cela, et nous devons le faire car nous avons besoin de la taxe carbone pour orienter les choix des ménages et des entreprises. Le gouvernement se doit de communiquer plus clairement et de rendre compte régulièrement de ce qu'il fait des recettes actuelles. Mais mieux communiquer sur l'existant ne serait pas suffisant. La responsabilité du gouvernement, celle des parlementaires, des responsables politiques, de la société civile, est de faire des propositions et de débattre ouvertement des différentes options pour utiliser les futurs milliards de la taxe carbone.

Notre conviction est qu'une partie de ces recettes doit permettre de mieux accompagner les territoires et les citoyens, en particulier les plus modestes, dans la transition énergétique, par exemple à travers le « chèque énergie » ou l'aide à la rénovation des passoires thermiques. Une taxe carbone qui ne punit pas mais soutient ceux qui en ont besoin. Mais - même entre nous - nous ne sommes pas nécessairement d'accord sur les montants et les modalités de cet accompagnement. C'est pourquoi nous souhaitons en débattre, c'est pourquoi nous espérons que le gouvernement ouvre un espace politique, organise une concertation large et transparente.

Osons parler d'un Grenelle des recettes carbone, qui nous permettrait de dépasser l'alternative « pour ou contre la taxe carbone », et de nous recentrer sur le débat qui compte vraiment : que faire de ses recettes ? Ce serait, à n'en pas douter, un débat plus utile pour la France et les Français. Ne nous trompons pas de débat.

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(*) Par Bénédicte Peyrol, députée LREM, Benoît Leguet, directeur général d'I4CE (Institute for Climate Economics, le think tank sur l'économie de la transition), et Christophe Robert, de la Fondation Abbé-Pierre (FAP).

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Commentaires 30
à écrit le 04/11/2018 à 20:36
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Cette taxe carbone explose en raison des subventions à des énergies dites renouvelables (éolien et solaire) qui ont été reportées de l'ancienne taxe CSPE vers cette nouvelle taxe carbone, sans pour autant réduire la CSPE qui plombe toujours nos factu...

à écrit le 03/11/2018 à 11:14
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C'est l'automobiliste français qui va sauver la planète entière en se faisant plumer, ben voyons. Ou alors le réchauffement climatique (s'il est du au co2, j'ai des doutes) s'arrêtera a nos frontières comme le nuage de tchernobyl. La france aura un c...

à écrit le 02/11/2018 à 15:28
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Député LREM ? Crédibilité du coup svp ? Zut je me suis fait avoir... Ce serait bien qu'avant d'ouvrir un article on sache qui l'a écrit, merci.

à écrit le 01/11/2018 à 16:45
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Je pense qu'une hausse de la TVA serait plus efficace,couplée a un diagnostic annuel pour l'immobilier.Les technologies changeant vite,le diagnostic immobilier annuel permettrait aux habitations de suivre de près la transition écologique.Le diagnosti...

le 01/11/2018 à 21:12
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Le diagnostic immobilier ne sert à rien des habitations de 2012 ( aux normes de toute manière ) Il faut arrêter de «  saigner » les propriétaires. Je pense à une autre solution : qui enrichirait tout le monde et qui boosterai des embauches ou con...

à écrit le 01/11/2018 à 15:54
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le modérateur a sanctionné ; il ne faut pas critiquer l'Allemagne qui pollue un max avec ses centrales à charbon , et non plus le gouvernement avec sa taxation imbécile du gasoil , carburant qui émet beaucoup plus de CO2 au km parcouru que l'essence...

à écrit le 01/11/2018 à 10:54
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Article très intéressant qui devrait servir de base de discussion sur l'énergie. A lire attentivement.

le 03/11/2018 à 8:42
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L'essentiel, c'est l'utilisation des recettes.

à écrit le 31/10/2018 à 11:28
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la taxe carbone prélevée en France est juste un moyen d'abonder facilement un budget de l'Etat déficitaire depuis plus de quarante ans . si l'objectif de réduction de CO2 était la préoccupation du Gouvernement , il développerait la production nuclé...

le 31/10/2018 à 16:43
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TOUT A FAIT D'ACCORD

à écrit le 31/10/2018 à 8:11
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Que faire des recettes d'une taxe carbone? Il faut raisonner "à niveau constant". Il faut utiliser cette taxe pour réduire le cout du travail, progressivement jusqu'à un point d'équilibre.

le 31/10/2018 à 9:43
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Comment réduire le coût du travail quand de l’autre côté tout augmente ( loyers , factures, impôts taxes ...)? Déjà le pouvoir d’achat baisse.

le 31/10/2018 à 9:43
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Comment réduire le coût du travail quand de l’autre côté tout augmente ( loyers , factures, impôts taxes ...)? Déjà le pouvoir d’achat baisse.

le 31/10/2018 à 9:43
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Comment réduire le coût du travail quand de l’autre côté tout augmente ( loyers , factures, impôts taxes ...)? Déjà le pouvoir d’achat baisse.

le 31/10/2018 à 9:43
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Comment réduire le coût du travail quand de l’autre côté tout augmente ( loyers , factures, impôts taxes ...)? Déjà le pouvoir d’achat baisse.

le 01/11/2018 à 10:50
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Réponse. Il faut s'attendre à une baisse du pouvoir d'achat pour d'autres raisons que le climat. C'est lié à la relation entre cout du travail et prix de l'énergie. L'économie est plus forte que nos désirs.

à écrit le 31/10/2018 à 8:02
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On peut taxer l'énergie pour plusieurs raisons. Pour protéger le climat; pour tenir compte de l'usage sur le plan économique; pour tenir compte de l'épuisement des ressources. Toutes ces raisons ont un objectif commun, en appliquer une revient à les ...

à écrit le 31/10/2018 à 7:49
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En fait, travail et énergie correspondent à une même grandeur physique. Il faut répartir les charges sociales sur le travail et sur l'énergie. Il faut appliquer la note n°6 du CAE, avec une allocation universelle pour respecter l'équité. Qui le compr...

le 31/10/2018 à 9:07
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l'énergie est déjà considérablement taxée. Et la bonne manière de faire payer équitablement la protection sociale par les différents facteurs de production, qu'il s'agisse d'énergie, de travail, de robots, c'est la TVA sociale.

le 31/10/2018 à 10:26
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@Bruno. je comptais sur votre réaction. Il faut répartir les charges sociales sur le travail et sur l'énergie jusqu'à un point d'équilibre. C'est une nécessité économique, qu'on le veuille ou non. JM Jancovici essaye de nous le faire comprendre. Il n...

le 01/11/2018 à 11:21
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@Gépé : je pense que l'énergie est une assiette trop étroite. Il y a d'autres choses que l'énergie qui peuvent se substituer au travail , les robots, les logiciels notamment l'IA, ... J'apprécie beaucoup certaines analyses de Jancovici, notamment cel...

le 02/11/2018 à 13:10
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Merci Bruno, pour votre réponse. Il doit y avoir une position d'équilibre entre cout du travail et prix de l'énergie. L'avenir nous le dira. Cela correspond à la note n°6 du CAE.

à écrit le 30/10/2018 à 23:04
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En France, du fait de la remontée des immatriculations de voitures à essence et des SUV de plus en plus répandus, les émissions de CO2 ont recommencé à augmenter l'an dernier, et ce malgré de fortes hausses de la fiscalité prétendument écologique en ...

à écrit le 30/10/2018 à 22:38
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En Europe, et notamment en France qui aura après le 1er janvier le triste privilège du gazole le plus cher car le plus taxé de l'UE, les carburants et l'énergie sont déjà très chers du fait d'une taxation très forte, à laquelle est venue se surajoute...

le 03/11/2018 à 8:31
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L'environnement ne doit pas être le prétexte mais une conséquence favorable. L'essentiel c'est l'économie; il faut trouver un point d'équilibre entre cout du travail et prix de l'énergie pour tenir compte de ce qu'on appelle le progrès technique lié ...

à écrit le 30/10/2018 à 21:45
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"Son impact n'est plus marginal dans le prix des carburants à la pompe." c'est relatif, avant que le pétrole ne voie son prix monter récemment, la taxe carbone, la TICPE ne paraissaient pas trop, mais une fois que les prix croissent, les gens pensen...

le 31/10/2018 à 0:09
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La TICPE n'est qu'une des taxes qui frappe les carburants et comme elle liée au volume, son poids relatif baisse en fait quand le prix augmente... sauf quand le gouvernement décrète deux hausses sensibles par an et qu'elle passe de 45 à 78 ct/l ga...

à écrit le 30/10/2018 à 18:11
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Il est inutile de «  créer une nouvelle taxe » Il faut prélever 1% sur les factures d’énergies , vignettes automobiles, assurance et avec ces recettes financer pour améliorer l’environnement. Cette solution est cohérente par rapport au pouvoir d’acha...

le 30/10/2018 à 21:51
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TVA à 21% donc. En Suède, Finlande, Danemark c'est 25%. L'Etat prélève déjà sur tout, il suffit d'en prélever un peu plus mais de ne pas s'en servir pour autre chose (comme d'hab, l'Etat fixe un plafond et prend tout ce qui dépasse). La taxe CO2, co...

à écrit le 30/10/2018 à 17:46
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Je pense que c'est vous qui vous vous trompez de débat. Les français ont tous compris l'intérêt immense qu'il y aurait pour eux et la survie de l'humanité à ne plus produire de pollution et son d'accord sur le but. Ce n'est pas le principe de l...

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