Tirer la leçon des régionales : pour un gouvernement d'ouverture

Au second tour des régionales, les électeurs n'ont pas soudainement approuvé les partis traditionnels, leur sursaut républicain tient à un respect pour eux mêmes et leur pays. L'heure est à de vrais changements, qui peuvent passer par un gouvernement profondément remanié, ouvert aux hommes et femmes de progrès

Les résultats du deuxième tour des élections régionales ne nous apportent pas le lot de consolation que nous attendions. Contenir institutionnellement la montée du Front National et l'élection de présidents frontistes en régions, le 13 décembre 2015, est un symbole. Mais ce n'est pas une de réponse de long terme aux questions que cet électorat nous pose, à nous tous, depuis les années 1980 dans les territoires. Nous avons au contraire besoin de réponses concrètes, de projets ambitieux et de nourrir l'espoir d'une société en mouvement, ouverte et plus juste. Quand en prendrons-nous le chemin ?

Un tour de chauffe avant la présidentielle

Les régionales n'ont pas eu leur débat mais une nationalisation des enjeux. Les vraies problématiques régionales: les lycées, les transports, la formation professionnelle, le financement de l'économie et des PME dans les territoires... sont passées à la trappe. On ne répond pas aux angoisses dans les régions, avec du parisianisme, en martelant qu'il faut « faire barrage » au Front National mais en s'intéressant à la vie des gens. Le « ni ni », le « harakiri citoyen » ne sont que des expédients. Le dérapage est aussi là car il se fonde sur une équivoque. D'autant que cette élection n'est qu'un tour de chauffe.

Depuis des mois tous les regards des politiques, ceux dont c'est le métier, sont tournés vers l'élection présidentielle de 2017 et le duel du second tour. Nous n'y trouvons donc pas notre compte, comme une grande partie des français. Pas étonnant qu'elle manifeste sa déception et son désarroi face au leurre de ceux qui, n'ayant jamais été aux affaires, font croire que, grâce à eux, tout ira beaucoup mieux.

Le respect des citoyens pour eux-mêmes, leur pays, leur histoire

Les programmes des partis pour ces élections, éclipsés par la médiatisation des têtes de listes, ont fait un flop. Les listes régionales sont déconnectées des gens pour assurer une place éligible, sur le tapis vert, aux « cumulards » aux « apparatchiks » de la politique, parité et diversité comprises. La rupture est aussi là. La majorité des français, salariés et entrepreneurs confondus veulent autre chose, une politique courageuse pour l'emploi, plus de libertés, moins de tracasseries administratives et fiscales. Pas étonnant que les électeurs se mobilisent pour que cela change (même pour le pire). Quant au sursaut républicain, ne nous en gargarisons pas. Ce n'est pas une validation des politiques menées ces dernières années mais un effet miroir: le respect des citoyens pour eux-mêmes, pour la France et pour notre Histoire.

 Une nouvelle génération des responsables

Cette élection est donc à la fois assez réconfortante et troublante. Réconfortante parce notre pays montre qu'il est attaché aux valeurs de la République. Troublante parce qu'elle invite nos politiques à réagir et à refondre un contrat politique et social. Le feront-ils ? On veut le croire même s'il les conduit à se remettre en question. En effet, il existe dans les partis, à droite et à gauche, une nouvelle génération de responsables politiques qui ont des idées, du courage et ne manient pas la langue de bois. Qu'ils s'expriment, acceptent de bousculer leurs appareils pour défendre leurs valeurs, et prendre en considération, sans attendre, les signes d'alarmes des électeurs.

Pour un gouvernement d'ouverture

Que le chef de l'État montre qu'il a entendu le message et demande au premier ministre de former un nouveau gouvernement. Ouvrons-le aux hommes et aux femmes de progrès qui sont représentatifs. Et faisons passer le message, aux porte-paroles de la droite comme de la gauche, qu'il faut mettre un terme à l'autosatisfaction partagée, au soir des débâcles électorales, alors que Marine le Pen intervient sur la République, les attentes du « peuple », la Laïcité, la Liberté, l'Egalité et la Fraternité. Parler de justice sociale et affirmer nos valeurs est devenu la marque de fabrique du Front National.

Arrêtons de nous effacer. Ayons le courage de défendre nos idées, de nourrir le débat de fond sur la liberté économique, l'emploi, la sécurité, le développement durable, le renouvellement de la vie politique, la représentation des syndicats et des organisations patronales. Au risque de perdre une élection présidentielle. Sortons du rang, pour décadenasser notre société. Et cela pour réveiller ceux qui dorment au sein de nos familles politiques ou de pensée. Notre pays aime les grands desseins et les projets ambitieux. Ne le décevons donc plus. Ce n'est pas le Front national qui les portera.

Renouveler les élites

Travaillons à encourager le renouvellement des élites, la promotion par le mérite, la qualité de l'école publique, la diversité des profils dans le respect de la laïcité. Et ne mettons pas nos idéaux en berne. Le verrouillage permanent des idées, des postes et des propositions va au rebours du sens de l'Histoire. Il est devenu une citadelle fissurée. Le politiquement correct un éteignoir. N'ayons donc pas peur des grandes querelles pour faire avancer notre société. C'est aujourd'hui l'un des chemins qui peut nous mener à retrouver la parole perdue. La liberté qui s'exprime sur le web et les réseaux sociaux montre que le bouillonnement est là. Et recréons un nouveau contrat politique est social en évitant le repli sur soi, le communautarisme et l'intégrisme. Encore faut-il que les élites politiques, économiques et culturelles fassent leur aggiornamento, et prennent part, aux côtés des citoyens, à cette refondation. Parler du changement alors qu'on ne l'aime pas et qu'on le freine à la moindre occasion ne fait qu'exacerber les rancœurs. Notre pays doit bouger.

Bernard COHEN-HADAD
Président du Think Tank Etienne Marcel

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Commentaire 1
à écrit le 18/12/2015 à 15:10
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Comment dire... Bernard Cohen Hadad a un train de retard.

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