Voiture autonome : une route encore semée d'embûches !

L'essor de la voiture autonome nécessite le déploiement d'infrastructures de communication considérables. Entre collectivités locales, exploitants autoroutiers (Cofiroute, APRR, Vinci, etc.), constructeurs automobiles, équipementiers, opérateurs d'infrastructures (SNCF, TDF, etc.) et de télécommunication... des synergies sont à trouver, la question principale restant la répartition de la valeur entre les différents acteurs. Par Raphaël Viné, directeur conseil, Niji.
Raphaël Viné.
Raphaël Viné. (Crédits : DR)

La voiture autonome, capable de circuler sans intervention humaine, n'appartient désormais plus au registre de la science-fiction. Tesla, Google, BMW, Volvo, Renault, PSA... les constructeurs sont tous en train de plancher sur la question. Des modèles test ont déjà pris la route et des dizaines de projets ont vu le jour. Conduite plus sûre et plus économique, anticipation des accidents, trafic fluidifié, respect du code de la route... nombreux sont les avantages de ce nouveau type de véhicules. Mais si les experts la prédisent disponible pour tous d'ici à 2030, il reste encore plusieurs défis de taille à relever afin de développer, puis de démocratiser l'automobile du futur.

Une nécessaire harmonisation des technologies

Afin de prendre connaissance de son environnement et de se positionner au sein du trafic, le véhicule autonome échange des informations avec les infrastructures routières et les autres véhicules (système V2X). Pour ce faire, deux technologies - faisant toutes deux l'objet de standardisation et poussées par la Commission européenne en matière de régulation des bandes de fréquences  - coexistent : un Wifi véhiculaire courte-portée émettant des ondes sur plusieurs centaines de mètres par l'intermédiaire d'un réseau dédié appelé C-ITS G5 (pour Cooperative Intelligence Transport System) ; et la future technologie mobile 5G portée par les opérateurs de télécommunications.

Or, pour tendre vers une démocratisation des usages, infrastructures et véhicules de tous constructeurs devront parler le même langage ! Résultat : même si les deux technologies peuvent tout à fait cohabiter et être complémentaires, la nécessaire optimisation des coûts pourraient, à terme, mener à n'en garder qu'une seule...

Et tout porte aujourd'hui à croire que les développements futurs seront centrés sur la 5G. Plus performante, ses capacités techniques sont parfaitement compatibles avec les besoins de communication des véhicules, notamment concernant les débits mais également les problématiques de délai de transmission (la latence de communication étant de l'ordre d'une milliseconde seulement). Des capacités locales de calcul au niveau des antennes 5G permettront d'accélérer les traitements et de prioriser les flux.

La technologie 5G permettra aussi de dédier des ressources logicielles aux applications critiques comme les échanges véhiculaires, fonctionnalité appelée Network Slicing, afin de garantir la disponibilité du réseau à tout moment. Reste également à garantir la sécurisation des infrastructures et des communications 5G pour assurer à la fois la sécurité des usagers de la route mais aussi le caractère privé des données remontées par les véhicules et les automobilistes. Et les enjeux ici sont immenses : il suffit d'imaginer les conséquences catastrophiques que pourraient avoir le détournement des messages émis par une infrastructure de bord de route...

Un déploiement graduel et homogène pour une autonomie partielle

Le déploiement de la voiture autonome devra par ailleurs être pensé à l'international - dans un premier temps a minima à l'échelle du territoire européen - aussi bien en termes de technologies que de réglementations, pour permettre des trajets inter-pays et le passage sans couture aux frontières.

Sur le territoire national, ce déploiement devra obligatoirement passer par plusieurs phases : d'abord les autoroutes, puis les grands axes urbains, avant de se consacrer aux voies rurales qui nécessiteront des investissements importants en raison de la superficie à couvrir. Du fait de ce déploiement par étapes et des investissements qu'il représente, les constructeurs automobiles en sont conscients, l'autonomie des véhicules ne pourra être totale.

Plus encore, lorsqu'une voiture sortira d'une zone couverte par le système V2X, le passage du mode automatique au mode semi-automatique, voire manuel, devra se faire de la manière la plus transparente et fluide possible.

Pour permettre ce déploiement progressif, un compromis entre l'humain et la technologie est nécessaire. Le conducteur devra, au moins dans un premier temps, rester l'ultime commandant de bord de son véhicule et pouvoir reprendre la main facilement dès qu'il le souhaite. On parle alors de conduite assistée. Si elle n'est pas autonome, ce type de conduite apporte toutefois de nombreux avantages : en déchargeant le conducteur de certaines de ces tâches, elle permet de diminuer sa fatigue et lui donne les moyens d'anticiper et de prévoir les accidents par les données reçues.

Convergence télécoms-automobile : des synergies à trouver


Collectivités locales, exploitants autoroutiers (Cofiroute, APRR, Vinci, etc.), constructeurs automobiles, équipementiers, opérateurs d'infrastructures (SNCF, TDF, etc.) et de télécommunication... tous ont un rôle à jouer dans le développement d'un environnement favorable aux voitures autonomes.

Si des synergies sont à trouver, la question principale reste la répartition de la valeur entre les différents acteurs. Quels sont les plus légitimes pour construire et exploiter les infrastructures de communication et, surtout, qui peut/doit avoir la maîtrise de la chaîne de bout-en-bout ? Les opérateurs de télécommunications seront-ils de simples fournisseurs de connectivité pour les constructeurs automobiles ?

A l'inverse, les voitures deviendront-elles le nouveau terminal de l'industrie des télécoms ? La résolution de l'équation réside sûrement quelque part entre ces deux extrêmes. De nombreux consortiums et groupes de travail, regroupant des acteurs des différents domaines, naissent d'ailleurs régulièrement. C'est le cas par exemple de l'EATA (European Automotive Telecom Alliance) ou de la 5GAA (5G Automotive Association) qui mettent en place des expérimentations et projets pilotes dans différents pays européens.

Si les transformations du véhicule de demain sont donc déjà en cours chez les constructeurs, plusieurs problématiques restent pourtant en suspens, aussi bien au niveau du choix de la technologie, que de sa sécurisation et de son déploiement, en passant par l'exploitation des infrastructures et des données qui en découleront.

Mais une fois ces points éclaircis, c'est une autre problématique (devenue récurrente dans les débats) qui se posera : celle de la responsabilité juridique en cas d'accident. Constructeur automobile ou conducteur ? Les assureurs devront apporter une réelle réflexion sur ce point, le flou en la matière n'étant ni souhaitable, ni acceptable.

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Par Raphaël Viné,
directeur conseil, Niji.

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Commentaires 2
à écrit le 13/03/2018 à 17:58
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...et le consommateur decidera de ce qu'il veut en termes d'autonomie pour sa voiture. Certains voudront encore avoir du plaisir à mener eux-mêmes leur voiture, sans assistances trop intrusives.

à écrit le 13/03/2018 à 17:58
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...et le consommateur decidera de ce qu'il veut en termes d'autonomie pour sa voiture. Certains voudront encore avoir du plaisir à mener eux-mêmes leur voiture, sans assistances trop intrusives.

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