![Le projet de fusion de l'audiovisuel public prévoit de rassembler France Télévisions, Radio France, France Médias Monde (RFI et France 24) et l'Institut national de l'audiovisuel (Ina) sous une même holding.](https://static.latribune.fr/full_width/877877/le-pdg-de-radio-france-pour-un-media-global-avec-france-tv.jpg)
L'annonce a fait l'effet d'une bombe. Le projet de fusion de l'audiovisuel public, sujet récurrent depuis l'élection d'Emmanuel Macron en 2017, est revenu d'actualité à la vitesse de l'éclair alors que personne ne s'y attendait vraiment. Porté par Rachida Dati, la ministre de la Culture, celui-ci prévoit de rassembler France Télévisions, Radio France, France Médias Monde (RFI et France 24) et l'Institut national de l'audiovisuel (Ina) sous une même holding, baptisée « France Médias ». Avec l'objectif, clair, d'accoucher d'une « BBC à la française » et défendre la « souveraineté audiovisuelle » du pays. L'idée est, selon les termes de la ministre de la Culture, de « rassembler les forces » des différentes entités face au « risque d'affaiblissement » de la concurrence des grandes plateformes comme Netflix.
Cette petite musique n'est pas sans rappeler celle jouée par TF1 et M6 lorsqu'ils ont tenté, il y a deux ans, de se marier... Leur projet retoqué par l'Autorité de la concurrence, les deux acteurs restaient après coup « convaincus » que cette fusion « aurait été une réponse appropriée aux défis découlant de la concurrence accélérée avec les plateformes internationales ».
Répondre à « de profondes transformations »
C'est donc ce même argumentaire qui sert aujourd'hui à justifier la volonté de l'exécutif de rassembler l'audiovisuel public sous un même toit. C'est ce que souligne le texte qui prévoit cette fusion, lequel a été validé en commission à l'Assemblée nationale ce mercredi, et qui n'est autre qu'un projet de loi adopté au Sénat il y a près d'un an. Dans l'exposé des motifs de cette réforme au Sénat, « trois profondes transformations » justifient cette opération.
Il y a primo « la création de nombreuses plateformes de vidéos à la demande par abonnement, qui a augmenté de manière exponentielle l'offre de programmes et concurrencé de manière frontale les chaînes gratuites hertziennes ». Secundo, il y a « le développement des réseaux sociaux » qui « a diversifié les sources d'information et a multiplié les infox ». Et tertio « l'augmentation des prix des droits de diffusion des compétitions sportives », qui a « réduit leur exposition sur les chaînes hertziennes pour les réserver aux chaînes et plateformes accessibles seulement par abonnement ».
Les syndicats dénoncent « une déstabilisation »
Mais les voix s'élèvent, désormais, contre cette fusion de l'audiovisuel public. Les syndicats de France Télévisions se sont fendus, ce mercredi, d'un préavis de grève les 23 et 24 mai prochain, lorsque le texte passera en première lecture à l'Assemblée nationale. La CFDT, la CGT, FO et le SNJ critiquent le gouvernement, accusé de vouloir « déstabiliser le secteur public ». « Au moment où l'audiovisuel public joue pleinement son rôle face à des médias contrôlés par une poignée de milliardaires, pourquoi l'engager dans une fusion qui s'annonce longue, complexe et anxiogène pour les salariés, et sans réel objectif éditorial ? », fustigent-ils. Les syndicats redoutent, en somme, que la finalité de l'opération soit moins de « renforcer » l'audiovisuel public que de faire des économies budgétaires.
Même son de cloche chez Radio France, dont les syndicats ont appelé à faire grève aux mêmes dates il y a trois semaines. « Non à la holding ! », s'écrient la CFDT, la CGT, FO, SUD, l'Unsa et le SNJ dans une missive conjointe. Les syndicats déplorent ce projet « qui, à terme, va aboutir à la disparition de la radio de service public, de ses financements et, au final, de ses emplois ».
La gauche monte au créneau
A gauche, l'opération suscite, également, des cris d'orfraie. « LFI-Nupes souhaite affirmer son opposition totale à la création de la holding France Médias », souligne un amendement du groupe politique rejeté en commission. « Sa mise en place serait l'aboutissement d'un processus de dénigrement et de fragilisation financière de l'audiovisuel public mené méthodiquement depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron au pouvoir en 2017 », précise-t-il. Même hostilité chez EELV. La députée écologiste Sophie Taillé-Polian considère que cette réforme n'a « pour unique but » que « de réduire les coûts de structure », et accouchera d'« une baisse de la qualité du service public ».
De son côté, Delphine Ernotte-Cunci, la présidente de France Télévisions, dont le mandat expirera l'an prochain, s'est montrée favorable à cette opération. Son homologue de Radio France, Sibyle Veil, s'est pour sa part dite favorable à une holding, mais contre une fusion. Le dossier est d'autant plus explosif que Rachida Dati veut aller vite, et mener cette réforme tambour battant. Son objectif est, concrètement, de fondre l'audiovisuel public dans une « entreprise unique » au 1er janvier 2026, après une « phase intermédiaire », sous un régime de holding, en 2025.
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