Les tensions montent autour de la fusion de l’audiovisuel public

Ce projet gouvernemental, porté par Rachida Dati, entend rassembler sous une même holding France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’Ina, afin de faire face à la concurrence des grandes plateformes comme Netflix. Mais l’opération suscite une forte opposition des syndicats, dont plusieurs appellent à la grève. La gauche est également remontée contre ce projet, dont le texte doit passer en première lecture à l’Assemblée nationale les 23 et 24 mai prochains.
Pierre Manière
Le projet de fusion de l'audiovisuel public prévoit de rassembler France Télévisions, Radio France, France Médias Monde (RFI et France 24) et l'Institut national de l'audiovisuel (Ina) sous une même holding.
Le projet de fusion de l'audiovisuel public prévoit de rassembler France Télévisions, Radio France, France Médias Monde (RFI et France 24) et l'Institut national de l'audiovisuel (Ina) sous une même holding. (Crédits : Eric Gaillard)

L'annonce a fait l'effet d'une bombe. Le projet de fusion de l'audiovisuel public, sujet récurrent depuis l'élection d'Emmanuel Macron en 2017, est revenu d'actualité à la vitesse de l'éclair alors que personne ne s'y attendait vraiment. Porté par Rachida Dati, la ministre de la Culture, celui-ci prévoit de rassembler France Télévisions, Radio France, France Médias Monde (RFI et France 24) et l'Institut national de l'audiovisuel (Ina) sous une même holding, baptisée « France Médias ». Avec l'objectif, clair, d'accoucher d'une « BBC à la française » et défendre la « souveraineté audiovisuelle » du pays. L'idée est, selon les termes de la ministre de la Culture, de « rassembler les forces » des différentes entités face au « risque d'affaiblissement » de la concurrence des grandes plateformes comme Netflix.

Cette petite musique n'est pas sans rappeler celle jouée par TF1 et M6 lorsqu'ils ont tenté, il y a deux ans, de se marier... Leur projet retoqué par l'Autorité de la concurrence, les deux acteurs restaient après coup « convaincus » que cette fusion « aurait été une réponse appropriée aux défis découlant de la concurrence accélérée avec les plateformes internationales ».

Répondre à « de profondes transformations »

C'est donc ce même argumentaire qui sert aujourd'hui à justifier la volonté de l'exécutif de rassembler l'audiovisuel public sous un même toit. C'est ce que souligne le texte qui prévoit cette fusion, lequel a été validé en commission à l'Assemblée nationale ce mercredi, et qui n'est autre qu'un projet de loi adopté au Sénat il y a près d'un an. Dans l'exposé des motifs de cette réforme au Sénat, « trois profondes transformations » justifient cette opération.

Il y a primo « la création de nombreuses plateformes de vidéos à la demande par abonnement, qui a augmenté de manière exponentielle l'offre de programmes et concurrencé de manière frontale les chaînes gratuites hertziennes ». Secundo, il y a « le développement des réseaux sociaux » qui « a diversifié les sources d'information et a multiplié les infox ». Et tertio « l'augmentation des prix des droits de diffusion des compétitions sportives », qui a « réduit leur exposition sur les chaînes hertziennes pour les réserver aux chaînes et plateformes accessibles seulement par abonnement ».

Les syndicats dénoncent « une déstabilisation »

Mais les voix s'élèvent, désormais, contre cette fusion de l'audiovisuel public. Les syndicats de France Télévisions se sont fendus, ce mercredi, d'un préavis de grève les 23 et 24 mai prochain, lorsque le texte passera en première lecture à l'Assemblée nationale. La CFDT, la CGT, FO et le SNJ critiquent le gouvernement, accusé de vouloir « déstabiliser le secteur public »« Au moment où l'audiovisuel public joue pleinement son rôle face à des médias contrôlés par une poignée de milliardaires, pourquoi l'engager dans une fusion qui s'annonce longue, complexe et anxiogène pour les salariés, et sans réel objectif éditorial ? », fustigent-ils. Les syndicats redoutent, en somme, que la finalité de l'opération soit moins de « renforcer » l'audiovisuel public que de faire des économies budgétaires.

Même son de cloche chez Radio France, dont les syndicats ont appelé à faire grève aux mêmes dates il y a trois semaines. « Non à la holding ! », s'écrient la CFDT, la CGT, FO, SUD, l'Unsa et le SNJ dans une missive conjointe. Les syndicats déplorent ce projet « qui, à terme, va aboutir à la disparition de la radio de service public, de ses financements et, au final, de ses emplois ».

La gauche monte au créneau

A gauche, l'opération suscite, également, des cris d'orfraie. « LFI-Nupes souhaite affirmer son opposition totale à la création de la holding France Médias », souligne un amendement du groupe politique rejeté en commission. « Sa mise en place serait l'aboutissement d'un processus de dénigrement et de fragilisation financière de l'audiovisuel public mené méthodiquement depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron au pouvoir en 2017 », précise-t-il. Même hostilité chez EELV. La députée écologiste Sophie Taillé-Polian considère que cette réforme n'a « pour unique but » que « de réduire les coûts de structure », et accouchera d'« une baisse de la qualité du service public ».

De son côté, Delphine Ernotte-Cunci, la présidente de France Télévisions, dont le mandat expirera l'an prochain, s'est montrée favorable à cette opération. Son homologue de Radio France, Sibyle Veil, s'est pour sa part dite favorable à une holding, mais contre une fusion. Le dossier est d'autant plus explosif que Rachida Dati veut aller vite, et mener cette réforme tambour battant. Son objectif est, concrètement, de fondre l'audiovisuel public dans une « entreprise unique » au 1er janvier 2026, après une « phase intermédiaire », sous un régime de holding, en 2025.

Pierre Manière

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Commentaires 9
à écrit le 16/05/2024 à 12:11
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La suppression est la meilleure solution La france qui se dit plus grande démocratie du monde.....avec un média d’état....

à écrit le 16/05/2024 à 9:06
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Mais quels sont les arguments pour cette fusion ? Faire une BBC à la Française ça n'est pas très concret. L'article ne donne que les oppositions

à écrit le 16/05/2024 à 8:28
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"porté par Rachida Dati" Ben vu l’actualité judiciaire de notre ministre il est normal de profondément douter des intentions hein, c'est bel et bien valider sans regarder qui ne serait pas sérieux. Parce que si c'est pour faire "Télé Sarkozy" c'est b...

le 16/05/2024 à 14:59
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la magouille c'est un métier, et cela permet du coup d'être ministre ! il y a quelques mois, c'était le ministre de la justice qui passe en procès ! Sinon, il s'agit simplement de comprendre que le média en particulier en France, doit servir un po...

le 17/05/2024 à 9:52
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"l'idéologie des milliardaires en fait ! " Je dirais plutôt leur encéphalogramme plat, ce respect tacite détourné ou en force que l'oligarchie nous a contraint d'avoir envers elle ne repose sur plus rien du tout. Leur argent, notre extinction. C'est ...

à écrit le 16/05/2024 à 8:21
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peut etre enfin auront nous des économies dans ce monde opaque ,,,,,,au moment de la reforme de l'assurance chomage il faut revoir aussi celle des intermittents du spectacle

le 16/05/2024 à 8:25
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La réforme de l'indemnisation du chômage a pour unique objectif d'accroître les excédents des Assedic, afin que l'Etat pioche dedans pour financer son tonneau des Danaïdes. Exactement comme le projet de hold-up sur les réserves de l'Agirc-Arrco. Aux ...

à écrit le 16/05/2024 à 0:23
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Le seul service public ou les grèves passent inaperçues...Plus grand monde regarde ces chaînes, vitrine d'une certaine gauche en voie de disparition..

à écrit le 15/05/2024 à 23:07
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Et ça changera quoi ? La baisse de l'audimat suit logiquement les décès des boomers. Les jeunes ne regardent plus la téloche - ils sont sur internet, et échappent à la propagande européiste et mensongère des chaînes publiques. Bref, que les syndics l...

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