Dossier Scribeo

La CCI, une procédure efficace pour les victimes d’accidents médicaux ?

Créées par la loi du 4 mars 2002, les Commissions de Conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux permettent aux victimes d’accidents médicaux d’accéder à une procédure à l’amiable. Faut-il choisir de passer par cette voie ? Les explications de Maître Véronique L’Hostis, (Cabinet VLH Avocats), membre de l’ANADAVI.
Maître Véronique L'Hostis
Maître Véronique L'Hostis (Crédits : Cabinet VLH Avocats)

Pouvez-vous nous rappeler ce qu'est une CCI en cas d'accident médical ?

Les Commissions de Conciliation et d'Indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ont été créées par la Loi du 4 mars 2002, dite Loi Kouchner, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. L'objectif de cette loi était notamment de créer une procédure d'indemnisation amiable, permettant de faciliter l'indemnisation des victimes d'accidents médicaux, comme cela avait été fait pour les victimes d'accidents de la circulation avec la loi Badinter du 5 juillet 1985.

La CCI est une commission administrative, présidée par un magistrat, composée de membres représentant les usagers, les professionnels de santé, les établissements de santé, les assureurs, l'ONIAM (Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux), ainsi que de personnalités qualifiées. Il en existe une par région. Elle est saisie par la victime ou ses ayants droit et met en œuvre la procédure d'indemnisation amiable.

Précisons qu'elle rend un avis, lequel est une décision administrative, et non pas un jugement. Ainsi, la CCI ne condamne pas le professionnel de santé qu'elle désigne comme responsable de l'accident médical, ou l'ONIAM, à indemniser la victime, contrairement à un tribunal. Elle invite son assureur à adresser à la victime une offre d'indemnisation portant sur les préjudices qu'elle a listés dans son avis et ce, dans un délai de quatre mois à compter de la notification de son avis.

La Loi a par ailleurs prévu que les avis rendus par la CCI n'ont pas de force obligatoire, ni pour l'assureur, ni pour l'ONIAM. Ceux-ci peuvent donc refuser de faire une offre ou garder tout simplement le silence, ce qui contraint alors la victime à saisir le tribunal compétent.

L'accès aux CCI est-il ouvert à toutes les victimes d'accidents médicaux ?

Non, l'accès à la CCI est limité. Elle n'est compétente qu'en cas d'accident médical, d'affection iatrogène ou d'infection nosocomiale survenus à l'occasion d'un acte de prévention, de diagnostic ou de soins.

Cela exclut les dommages résultant d'autres accidents sanitaires, pour lesquels des dispositifs spécifiques ont été mis en place (vaccinations obligatoires, Mediator, Depakine, VIH, VHC...).

De plus, la CCI ne peut connaître que des accidents médicaux survenus après le 5 septembre 2001, date d'entrée en vigueur de la Loi du 4 mars 2002.

Enfin, les préjudices de la victime directe doivent répondre à des critères de gravité précis : déficit fonctionnel permanent d'au moins 24%, interruption de travail d'au moins six mois, déficit fonctionnel temporaire d'au moins 50% durant au moins six mois ou, à titre exceptionnel, des troubles particulièrement graves dans les conditions d'existence ou une inaptitude à l'activité professionnelle antérieure.

Pour les accidents survenus avant le 05 septembre 2001 ou dont les préjudices sont inférieurs aux seuils de gravité, seule la voie judiciaire est donc envisageable, c'est-à-dire la saisine du tribunal judiciaire lorsque la responsabilité de professionnels de santé de droit privé est recherchée (médecins libéraux, cliniques...), et du tribunal administratif lorsqu'il s'agit de centres hospitaliers publics.

Comment effectuer le bon choix entre la CCI et le recours au tribunal ?

Plusieurs critères entrent en ligne de compte.

Il y a ainsi lieu de tenir compte de la durée de la procédure. La voie amiable est réputée plus rapide que la voie judiciaire. Tel est effectivement le cas si la procédure se déroule sans la moindre difficulté et si les assureurs des professionnels de santé ou l'ONIAM jouent le jeu à l'issue de la procédure en formulant des offres satisfaisantes, ce qui n'est malheureusement pas toujours le cas.

Le coût de la procédure est également un critère de choix primordial pour les victimes, l'objectif étant de faire en sorte qu'elles puissent exercer leurs droits sans que cela représente un coût trop lourd. Devant la CCI, l'expertise est toujours gratuite, quel que soit le sens des conclusions de l'expertise, alors que devant les tribunaux, il faut généralement avancer les frais de l'expertise judiciaire, sauf en cas d'aide juridictionnelle ou si la garantie protection juridique d'un contrat d'assurance peut être mobilisée.

La qualité de l'expertise médicale est également un aspect majeur. En effet, je ne peux qu'insister sur l'importance de l'expertise médicale, dont nous savons qu'elle est déterminante pour la suite de la procédure. Dès lors, je choisis également la voie d'action en fonction de l'expert ou du collège d'experts susceptible d'être désigné par la CCI ou le juge, ce qui est rendu possible par ma pratique et mon expérience, lesquelles me permettent de connaître les experts susceptibles d'être désignés par la CCI ou le juge en fonction des spécialités concernées.

Enfin, il faut préciser que la Loi a prévu la possibilité de passer de l'une à l'autre des procédures, ce qui constitue un avantage en matière de stratégie de procédure.

Evidemment, chaque dossier est unique et la procédure choisie au cas par cas, non seulement en fonction du dossier lui-même, mais également en fonction des attentes de nos clients.

Le recours à un avocat est-il recommandé même en cas de choix de la CCI ?

L'une des particularités de la CCI est que les victimes peuvent la saisir seules, le ministère d'avocat n'étant pas obligatoire. Les victimes le voient évidemment comme un avantage, car elles pensent que cela leur permet de faire l'économie des honoraires d'un avocat.

Il s'agit toutefois d'une fausse bonne idée, car la procédure devant la CCI, quand bien même elle est dite amiable, comporte en réalité beaucoup d'adversité.

Au stade de la préparation du dossier, il est important de produire un dossier complet et de bien orienter la procédure, s'agissant notamment des professionnels de santé à mettre en cause. Ensuite, durant les opérations d'expertise, la victime risque de se retrouver seule face à des professionnels de santé assistés de leurs avocats et médecins-conseils. Or, une réunion d'expertise est régie selon des règles précises et une victime n'est non seulement pas apte à savoir si le déroulement de l'expertise est normal, mais ne peut non plus participer utilement à la discussion médico-légale, particulièrement technique.

Enfin, à l'issue de la procédure devant la CCI, quand bien même une offre indemnitaire lui est faite par l'assureur du responsable ou l'ONIAM, la victime ne peut déterminer si les montants de l'indemnisation sont acceptables et ne dispose pas des outils pour négocier celle-ci. Les victimes se retrouvent également parfois avec un avis d'incompétence rendu par la CCI, notamment car les critères de gravité des préjudices ne sont pas atteints. Certaines abandonnent alors toute procédure, ne sachant quelle suite y donner.

Notre cabinet assiste également bon nombre de victimes ayant saisi seules la CCI, ayant un mauvais vécu de l'expertise médicale, et se retrouvant avec un rapport d'expertise défavorable.

Enfin, l'articulation entre procédure judiciaire et procédure amiable engendre certains pièges procéduraux, lesquels peuvent priver une victime de toute indemnisation alors que la survenue d'un accident médical n'est pas contestable.

Personnellement, j'estime que la CCI peut être un très bon outil dont doivent se saisir les victimes, à condition toutefois de le faire en étant bien assistées, c'est-à-dire d'un avocat spécialiste en la matière et maîtrisant parfaitement ce type de procédure, et d'un médecin-conseil, partenaire indispensable de l'avocat.

La consultation du présent article est notamment soumise aux CGU de Scribeo

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