Les bons plans et les pièges de l'expatriation

Vivre à l'étranger ne constitue pas seulement un tournant dans une carrière. Cela change aussi la donne en matière de placements, de fiscalité et de retraite. Des aspects trop souvent négligés.
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Dans l'univers du conseil financier aux expatriés, on fait grise mine. Le projet de loi de finances rectificative pour 2011 réserve en effet quelques mesures au goût amer pour les candidats au départ, mais aussi pour tous ceux qui sont déjà partis. Bien que les mesures annoncées soient encore floues et objet d'interprétations chez les spécialistes, on en connaît déjà les contours, avec l'« exit tax » (taxe de sortie) et la taxe sur les résidences secondaires.

L'« exit tax », destinée à imposer les dirigeants d'entreprise qui s'expatrient avant de vendre leurs actions, pourrait frapper tous ceux qui détiennent des participations d'au moins 1 % dans le capital d'une entreprise et de 1,3 million d'euros, sans toucher les détenteurs de fonds. « C'est une mesure qui cible les exilés fiscaux, mais il n'est pas toujours évident de savoir si les gens partent pour des raisons fiscales ou pour d'autres motivations, regrette ainsi Olivier Grenon-Andrieu, président de la société Equance. En outre, ces dispositions font passer les expatriés pour des nantis, alors que beaucoup d'entre eux sont loin de cette situation. » Avec un taux de 31,3 % appliqué sur la plus-value latente, prélèvements sociaux compris, c'est une pilule qui risque d'être dure à avaler, « d'autant que les non-résidents ne sont habituellement pas soumis aux prélèvements sociaux », s'étonne Stéphane de Lassus, avocat fiscaliste (lire l'interview, page suivante).

« Rien n'est encore joué »

La taxation de la résidence « secondaire » en France - souvent le point de chute de la famille pour ses séjours dans l'Hexagone - est tout aussi mal vue et laisse sceptiques les spécialistes. « Elle se traduira par une augmentation de la pression fiscale pour les personnes expatriées dans des pays ayant une convention fiscale avec la France, mais par un allégement pour les autres », note Olivier Grenon-Andrieu.

En plus de la taxe foncière et de la taxe d'habitation, il faudra s'acquitter de cette nouvelle taxe, qui correspond à 20 % de la valeur cadastrale des biens. Pour donner un ordre d'idée, cette dernière représente environ le double de la taxe foncière. À ce rythme-là, les expatriés auront intérêt à s'interroger sur l'opportunité de garder un tel bien en France s'ils l'utilisent peu ; une location temporaire pouvant en fin de compte s'avérer moins onéreuse.

« Rien n'est encore joué, prévient toutefois Bruno Narchal, président de Crystal Finance. Nous allons certainement voir apparaître des aménagements et disparaître certaines dispositions, qui pourraient n'être que des ballons d'essai. » C'est en juillet que les dés devraient être vraiment jetés, avec le vote de la loi au Parlement.

Malgré ces dispositions, le statut d'expatrié demeurera « extrêmement favorable », juge Bruno Narchal, notamment dans les pays ayant signé une convention fiscale avec la France. Entre l'assurance-vie qui échappe aux impôts et droits de succession, les plus-values de placements qui passent entre les mailles du filet fiscal et les prélèvements sociaux qui ne sont plus dus, bien des formules d'épargne reprennent des couleurs.

Il faut juste savoir s'en servir au bon moment et à bon escient. Car certaines décisions doivent être prises avant le départ, d'autres durant l'expatriation, et d'autres, enfin, au moment de revenir en France.

 

4 étapes à respecter

1 - Avant de partir, clôturez vos comptes et livrets, mais pas le PEL

Prêt pour le départ ? Avant de quitter le territoire national, il faut penser à clôturer les livrets de développement durable (LDD, ex-Codevi) et livrets A de la famille, les livrets Jeunes des enfants, les plans d'épargne en actions (PEA) des parents et, lorsque c'est le cas, les livrets d'épargne populaire (LEP), réservés aux foyers peu imposables. En effet, tous ces placements réglementés (et défiscalisés) sont strictement réservés aux résidents en France et ne peuvent suivre l'épargnant à l'étranger. En revanche, l'expatrié peut conserver dans l'Hexagone un compte bancaire - c'est même fortement conseillé - et son plan d'épargne logement (PEL).

« Il faut également s'acquitter de quelques formalités fiscales, rappelle Bruno Narchal, et communiquer à son centre des impôts en France sa nouvelle adresse à l'étranger », notamment pour recevoir ses avis d'imposition.

Autre détail, souvent oublié par les expatriés : penser à déclarer, l'année suivante, les revenus encaissés pendant que l'on était encore en France. Pour cela, utiliser la classique déclaration 2042 pour les revenus reçus en France, et la 2042 NR (pour Non-Résident) pour les revenus reçus en France après le départ. En revanche, il faut la retourner au centre des impôts des non-résidents.

Pour les biens immobiliers directs, mieux vaut ne pas décider aujourd'hui de les vendre ou non pour des raisons fiscales : il est préférable d'attendre le vote de la loi de finances rectificative pour savoir exactement à quoi s'en tenir. Le pire n'est jamais certain...

2 - Pendant l'expatriation, misez sur les contrats d'assurance-vie

Une fois qu'on est expatrié, l'assurance-vie réserve des avantages extraordinaires. Beaucoup de gens l'ignorent mais, lorsqu'on souscrit un contrat durant son expatriation et avant 70 ans, il sera totalement exonéré de droits de succession, même pour les sommes versées après le retour avant 70 ans ! Il ne faut donc pas oublier d'en ouvrir un, au moins pour prendre date, car cet avantage est dans le collimateur de députés...

Les gains éventuellement retirés sont en général taxés à 15 % pour les non-résidents, mais on peut choisir le barème français s'il est plus avantageux, notamment au-delà de huit ans. L'assuré échappera dans tous les cas aux prélèvements sociaux annuels, à condition de justifier chaque année auprès de l'assureur la qualité de non-résident. Les assureurs luxembourgeois, avec leurs contrats multidevises qui permettent d'investir dans la monnaie du pays d'élection ou dans les grandes monnaies internationales, disposent dans ce domaine d'un atout de poids : l'absence de retenues à la source. Il faudra tout de même déclarer les gains à l'administration.

L'immobilier d'investissement doit être également envisagé car il est a priori épargné par la réforme actuelle. Avec des revenus taxés en moyenne à 20 %, il reste attractif.

En revanche, attention aux montages avec SCI et apports conséquents en compte courant : « La réforme de l'ISF prévoit d'intégrer dans l'assiette de l'impôt la valeur de ces apports en compte courant », prévient Bruno Narchal.

3 - Avant de revenir, empochez vos éventuelles plus-values boursières

Juste avant de quitter votre pays d'expatriation pour rejoindre la France, il reste plusieurs avantages dont les expatriés peuvent profiter. Pour commencer, les valeurs mobilières détenues dans l'Hexagone (autres que celles visées par l'« exit tax ») peuvent être vendues sans que la plus-value soit imposable. Il ne faut donc pas forcément les liquider avant de quitter la France, mais sans oublier non plus de purger ses gains avant de revenir. Autrement, il faut empocher ses éventuelles plus-values boursières tant que l'on réside à l'étranger. Un moyen d'échapper également aux prélèvements sociaux.

Attention : mieux vaut, malgré tout, vérifier avec un spécialiste les conventions fiscales qui régissent votre situation car elles peuvent prévoir des répercussions plus ou moins favorables selon les pays.

Lors du retour, rien n'oblige à fermer ses comptes bancaires, assurances-vie et valeurs mobilières souscrits à l'étranger. À condition, toutefois, de déclarer leur existence à l'administration française.

Ceux qui sont susceptibles d'obtenir le statut d'impatrié peuvent saisir une autre opportunité : une prime d'impatriation ou 30 % de la rémunération qui échapperont au fisc pendant cinq ans. Sans compter les avantages annexes, comme l'exonération d'impôt sur 50 % des revenus de valeurs mobilières perçus à l'étranger. Pour y avoir droit, il faut avoir été non-résident au moins cinq ans sur le territoire national et venir à la demande d'une entreprise établie en France.

4 - Anticipez les questions de retraite et de protection sociale

Si les questions patrimoniales sont importantes à traiter avant de partir ou de revenir, celles liées à la protection sociale le sont certainement encore plus. En matière de retraite, par exemple, le trou créé par une expatriation dans les régimes français peut s'avérer pénalisant et justifier de cotiser à une assurance volontaire pour les expatriés. L'adhésion à la Caisse des Français à l'étranger (CFE) et à l'Ircafex (complémentaire) peut donc être utile... mais coûteuse.

En réalité, travailler dans certains pays (Europe, États-Unis, Maroc...) donnent droit à des trimestres en France grâce à des accords bilatéraux avec la Sécurité sociale française. Mieux vaut donc, avant de se décider, demander un devis à la CFE pour déterminer s'il vaut mieux épargner de son côté ou bien cotiser.

Côté santé, il faut également préparer une couverture à la hauteur, ce qui n'est pas donné. « Beaucoup de retraités français aux revenus moyens qui étaient partis s'installer au Maroc reviennent, car ils n'ont pas la capacité financière à prendre une complémentaire santé adaptée. Et ne pas s'assurer, c'est suicidaire », tranche ainsi Olivier Grenon-Andrieu.

La poursuite du régime de Sécu auprès de la CFE (y compris pendant trois mois en France) coûte de 200 euros à plus de 500 euros par trimestre. Pour une couverture globale (base et complémentaire) mais plafonnée et sans extras, comptez au minimum 2.000 euros par an et par personne de moins de 70 ans...

 

Interview de Stéphane de Lassus, avocat associé chez SarrauThomasCouderc : « Pour parvenir à une optimisation fiscale, il faut s'y prendre longtemps à l'avance »

Les candidats à l'expatriation doivent-ils avoir peur de l'« exit tax » ?

Certainement pas ! Elle vise les personnes fortunées qui partent temporairement pour éluder l'impôt sur les plus-values, mais ne concerne pas ceux qui partent pour des raisons professionnelles. De plus, cette taxe ne serait pas due au départ de la France pour un pays de l'Union européenne, mais seulement dans le cas où la plus-value déclarée lors du départ serait réalisée ultérieurement. Ce texte est mieux ficelé que celui imposé en 1999. Il pèche cependant par des seuils très bas et un côté trop systématique. Le seuil de 1 % de participation ne correspond à aucune réalité économique dans le droit français, européen et international. Une personne ayant investi dans des petites entreprises pourrait être concernée si le total de ses participations atteint 1,3 million d'euros, alors que cela ne semble pas être l'objectif visé.

Cette taxe sera-t-elle imparable ?

Les personnes détenant des participations taxables dans les entreprises pourront toujours restructurer cette partie de leurs actifs et parvenir à une optimisation fiscale. Cela nécessite toutefois de s'y prendre longtemps à l'avance, et exclut de fait les personnes désirant partir vite pour échapper à l'impôt. La future loi sera d'ailleurs rétroactive au 3 mars 2011 : tous les contribuables partis depuis cette date sont concernés par ce texte.

Pour ceux qui sont déjà expatriés avant le 3 mars, y aura-t-il des conséquences ?

Non, hormis la nouvelle taxe sur les résidences secondaires en France. Beaucoup de non-résidents qui achètent aujourd'hui en France, notamment des biens de très belle qualité, vont être pénalisés par ce nouvel impôt. On peut penser que ce sujet va soulever des contentieux qui devront être tranchés par les plus hautes instances.

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