Strasbourg et Mulhouse, candidates au deuxième tour pour le label French Tech

Les collectivités territoriales ont pris leur temps pour fédérer les acteurs dispersés de l'économie numérique en Alsace. Faute de taille critique, l'écosystème ira chercher sa croissance dans la fertilisation croisée avec d'autres secteurs d'activités.
La cigogne, animal emblématique de la région, devient également le symbole de la french tech alsacienne

Deux mois et demi après la reconnaissance par la mission French Tech des performances collectives de neuf métropoles de premier rang*, Strasbourg et Mulhouse présentent enfin leur candidature pour ce sésame dont le secrétariat d'Etat au Numérique promet de faire « un accélérateur de start-ups ».

« Nous souhaitons faire de l'Alsace la première région française qui verra éclore une entreprise numérique du même type que Facebook ou Google », a déclaré, enthousiaste, le maire (UMP) de Mulhouse Jean Rottner, venu à Strasbourg le 27 janvier. Au terme du comité de pilotage de l'équipe porteuse de la candidature alsacienne au label French Tech, les élus venaient de valider l'envoi de leur dossier au terme d'une année de maturation.

La longue gestation est à la mesure des ambitions des Alsaciens : Robert Herrmann, président (PS) de l'Eurométropole de Strasbourg, propose de créer « 10 000 emplois » d'ici 2025 dans ce secteur, l'économie numérique, qui recense actuellement 13 000 salariés dans la région. Et dans lequel ce territoire, qui vise l'excellence dans les technologies médicales, la mobilité, l'industrie 4.0 ou la performance énergétique des bâtiments, n'apparaît pas spécialement en pointe.

« La fertilisation croisée entre la filière numérique et nos domaines d'excellence constituera un élément différenciant par rapport aux métropoles déjà labellisées », reconnaît Robert Herrmann. « Le caractère transfrontalier de notre dossier de candidature et ses liens avec l'université et la recherche seront facteurs de succès », promet l'élu strasbourgeois.

Les liens économiques entre les start-ups alsaciennes et allemandes se trouvent au stade du balbutiement : les strasbourgeois et leurs homologues du Bade-Wurtemberg ont engagé leurs premiers échanges au printemps 2014. Ils se sont retrouvés dans une ferme, au nord de Fribourg-en-Brisgau, pour un week-end « Geeks on a Farm » dédié à l'échange de bonnes pratiques. Entre Mulhouse et la Suisse, les bonnes volontés entrepreneuriales ont permis la participation croisée à des salons professionnels. C'est un début.

Manque d'homogénéité

Le dépôt tardif de la candidature alsacienne s'explique aussi par la volonté des élus de faire porter la French Tech par le pôle métropolitain Strasbourg-Mulhouse. Né en 2011 par la volonté des élus des deux agglomérations, orienté vers le développement économique, les transports et la promotion du territoire, le pôle n'a jamais porté aucune initiative de cette ampleur.

L'arrêt en 2012 du cluster Iconoval, grappe d'entreprises orientée vers l'image numérique et soutenue par les financements publics du Conseil régional d'Alsace, n'a pas facilité le dialogue entre les collectivités et les chefs d'entreprises. Ce secteur se caractérise par le morcellement des start-ups et PME : la plus grande d'entre elles, Divalto, est un éditeur de progiciels qui compte 180 salariés. En l'absence de locomotive économique, les autorités publiques ont engagé le dialogue avec deux groupements d'entreprises. Rhénatic, le plus ancien, compte une centaine de membres  et mène un lobbying efficace pour la formation et la dynamisation des affaires. Alsace Digitale, association strasbourgeoise de jeunes créateurs, est moins orientée business et s'illustre avant tout par l'animation d'une pépinière d'entreprises de 470 mètres carrés, « La Plage », et par ses concours joyeux et festifs de développeurs informatiques. Yann Klis, son vice-président, se qualifie volontiers de « pirate ».

"On est venu pour créer des entreprises"

Chaque écosystème, à Strasbourg et à Mulhouse, développe son propre lieu-totem pour la French Tech. Le premier, baptisé Shadok, ouvrira au mois de mars sous l'impulsion de l'administration territoriale strasbourgeoise. Il offrira 2000 mètres carrés à des étudiants, artistes et créateurs d'entreprises, autour d'une pépinière et d'un « fablab » (laboratoire de fabrication artisanale) ouvert aux inventeurs. Le second, appelé « KM0 », investira mi-2015 une friche industrielle de 15 000 mètres carrés à Mulhouse, réhabilitée pour 8 millions d'euros par quelques entrepreneurs locaux avec l'appui de la mairie. Deux lieux, deux esprits...

« A quoi sert le label French Tech ? » s'interroge le strasbourgeois Yann Klis, qui vient de créer la start-up Scalingo spécialisée dans le traitement de données sur le cloud.

« Les privés et les collectivités publiques ne se parlaient pas. Il ne se passait rien. Il y a un an, on a commencé à dialoguer. Au départ, c'était tendu. Les collectivités étaient persuadées d'avoir poussé leurs politiques de soutien des start-ups jusqu'au bout du monde. Les pôles de compétitivité, les clusters, je m'en moque un peu. Ce qu'on veut, c'est des contrats ».

Michel Lucas, président de la Confédération nationale du Crédit Mutel, a été choisi par les élus pour siéger parmi les patrons « mentors » de la candidature alsacienne. Sa présence est présentée comme un gage d'accès à des financements pour les meilleures start-ups régionales. Sandrine André, qui porte le dossier French Tech au sein de l'administration de l'Eurométropole de Strasbourg, reconnaît à demi-mot la naïveté d'une telle supposition. « Le dossier French Tech, pour l'instant, c'est du marketing », dit-elle... En cas de labellisation, l'accès au fonds public French Tech Accélération (200 millions d'euros), créé dans le cadre du Programme Investissements d'Avenir, ouvrira pourtant des perspectives pour le financement en haut de bilan pour les start-ups régionales.

La promesse de fertilisations croisées entre le numérique et le secteur d'excellence de l'innovation médicale, portée à Strasbourg par l'Institut de recherche contre le cancer de l'appareil digestif (Ircad) du chirurgien entrepreneur Jacques Marescaux, caresse les porteurs de projets dans le bon sens. « On n'est pas venus pour discuter, mais pour créer des entreprises », insiste Yann Klis.

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Commentaire 1
à écrit le 01/02/2015 à 21:43
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Je n'ai rien contre la labellisation de Strasbourg-Mulhouse sur le fond, mais quel intérêt de labelliser toutes les grandes villes françaises ? Cela revient au même que de ne labelliser personne en fait ! On nous refait le coup des pôles de compétiti...

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