Nancy rêve de redevenir une ville thermale

Le projet Grand Nancy Thermal, dans lequel la collectivité a investi près de 100 millions d'euros, a suscité un engouement local. Mais le marketing territorial reste à réinventer face à des stations thermales concurrentes dont la fréquentation touristique a souffert ces dernières années.
Nancy espère accueillir 15.000 curistes par an dans ses nouvelles installations thermales.
Nancy espère accueillir 15.000 curistes par an dans ses nouvelles installations thermales. (Crédits : Adeline Schumacker - Métropole du Grand Nancy)

Les seules notes dissonantes sont venues de l'opposante Françoise Hervé, férue de l'histoire et du patrimoine de sa ville. Depuis deux décennies, cette ancienne élue, adjointe jusqu'en 2017 au patrimoine à la mairie de Nancy, claironne son désaccord avec le projet de complexe thermal qui a ouvert ses portes le 1er avril, après vingt ans de réflexion et quatre ans de travaux.

Avec 20.000 mètres carrés dédiés aux loisirs aquatiques et aux cures, Grand Nancy Thermal incarne la renaissance d'une tradition esquissée avant la première guerre mondiale, stoppée par la mort en 1916 de l'architecte Louis Lanternier. C'est l'intervention contemporaine de l'architecte parisienne Anne Démians, auteur de l'extension et de la rénovation d'un ensemble de piscines et de bâtiments tombés en désuétude, qui cristallise la colère de Françoise Hervé.

« L'ancien maire André Rossinot, son successeur Laurent Hénart et le maire actuel Mathieu Klein ont réussi l'exploit d'engloutir, dans leur architecture industrielle noirâtre, un patrimoine Art Nouveau », déplore l'ancienne adjointe.

« L'idée d'André Rossinot de relancer le thermalisme a fait consensus », juge malgré tout Laurent Hénart, maire de Nancy lors du lancement des travaux en 2019. Dans l'entourage de Mathieu Klein, maire socialiste de Nancy depuis 2020 et président de la métropole, le projet fait aussi l'unanimité. Seule la proposition de conférer aux thermes le nom d'André Rossinot, maire centriste (1983-2014) de Nancy, a fait grincer quelques dents. La gauche au pouvoir assume l'héritage de celui qui, désormais retraité, se délecte de l'aboutissement de son projet.

« L'association de la santé et de l'économie va véhiculer une belle image et rapporter de l'argent », se réjouit André Rossinot. Médecin, il s'est porté garant des vertus thérapeutiques de l'eau nancéienne, attestées par les travaux « d'un noyau universitaire constitué d'amis, autour du laboratoire d'hydrologie de la faculté de médecine ». L'eau chaude à 35 degrés, puisée à 800 mètres de profondeur, possèderait donc les qualités requises : dès 1911, l'Académie nationale de médecine avait déjà donné son autorisation pour traiter les rhumatismes et les troubles de l'appareil digestif.

Le poids de 250 emplois

La curiosité suscitée par le chantier du Grand Nancy Thermal et sa situation privilégiée, jouxtant l'un des plus grands parcs municipaux dans un quartier emblématique de l'architecture Art Nouveau, attestent d'un engouement que la collectivité souhaite voir se développer au-delà de la Lorraine. L'investissement s'élève à 97 millions d'euros. Le projet est piloté par une société d'économie mixte locale (SEML) détenue à 85 % par la métropole du Grand Nancy. Le solde est réparti entre la Caisse des Dépôts (10 %) et l'exploitant désigné ValVital (5 %). Établi à Aix-les-Bains, ce dernier assure la gestion de quinze autres stations thermales en France.

« Avec 250 emplois directs et au moins 1.000 emplois indirects, Nancy Thermal est le fruit d'une ambition populaire. Nous renouons avec une part de notre histoire interrompue au début du vingtième siècle », se réjouit François Werner, premier vice-président de la métropole en charge de l'attractivité, du développement économique et du tourisme. Le centre thermal, qui comprend une résidence hôtelière de 76 chambres, a prévu d'accueillir 3.000 curistes la première année puis 15.000 visiteurs annuels en période de croisière, sur des séjours de trois semaines. La piscine traditionnelle ("centre Aquasport") ouverte au public sur 2.000 mètres carrés attenants aux espaces de cures et de soins vise 1.000.000 d'entrées par an, facturées au même tarif (4,75 euros) que les autres piscines publiques de l'agglomération.

Amnéville et Vittel en difficulté

Le pari du thermalisme nancéien peut-il être gagnant ? « C'est une vraie nouveauté dans notre marketing territorial. Quand on s'adressait aux touristes, on parlait jusqu'à présent de la Place Stanislas, de la ville du dix-huitième siècle et de l'Ecole de Nancy. Il faudra imaginer un nouveau discours », prévient François Werner. La concurrence d'Amnéville et de Vittel, situées à 75 kilomètres au nord et au sud de Nancy, risque de mettre en péril l'ensemble de la filière, dont la clientèle peine à retrouver ses habitudes en sortie de crise sanitaire.

En mars 2021, l'association du pôle thermal d'Amnéville n'a pas pu faire face à un passif cumulé d'1,239 million d'euros. Elle a dû céder ses installations au groupe dacquois Arenadour. Avec 16.123 curistes conventionnels accueillis en année pleine avant la crise du Covid, cette station mosellane revendiquait pourtant le premier rang des sites thermaux dans le Grand-Est.

A Vittel, les collectivités locales, la Banque des Territoires et le Crédit agricole ont dû coordonner leurs financements en octobre 2022 pour sauver les actifs de cette station thermale de l'ouest vosgien, et investir ensemble 60 millions d'euros dans l'acquisition et la rénovation de plusieurs ensembles immobiliers (hôtels, thermes, théâtre, casino).

« Il y a une vraie complémentarité avec Nancy », tranche François Werner. « Vittel s'adresse aux clients qui recherchent la tranquillité. Amnéville est orientée vers les jeux et les loisirs. Nancy déploie une offre culturelle qui justifie un séjour prolongé. En Auvergne-Rhône-Alpes, l'offre de thermalisme est beaucoup plus dense qu'en Lorraine. Les stations thermales chassent en meute et ça fonctionne ».

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