Formalités Brexit, fret décarboné, autoroutes ferroviaires... la grosse feuille de route du port de Calais

Nouveaux contrôles pour entrer en Grande-Bretagne, reconquête des voyageurs après le coup d'arrêt lié à l'épidémie de Covid-19, compagnies maritimes qui se décarbonent, nouvelles autoroutes ferroviaires : la feuille de route du nouveau directeur général du port de Calais, Benoît Rochet, est déjà bien remplie.
(Crédits : Port de Calais Boulogne)

C'était un moment historique. A la tête du port de Calais depuis mai 2000, Jean-Marc Puissesseau, concerné par la limite d'âge pour diriger l'infrastructure, a passé la main cet été à son successeur, Benoît Rochet, 40 ans. Ce dernier était déjà depuis cinq ans directeur général délégué de la Société d'exploitation des ports du Détroit (SEPD).

Sa feuille de route ne sera pas entièrement nouvelle, puisqu'elle devrait logiquement assurer la continuité. D'autant que l'objectif du port de Calais reste invariablement le même : faire sortir des navires le plus rapidement possible les poids lourds, remorques non accompagnées et autres passagers en voitures ou en bus. Pour faire jouer à plein le très court « transit time » (temps de traversée) de 90 minutes entre Calais et Douvres.

Sauf que le Brexit et le Covid-19 n'ont pas simplifié les choses ces dernières années. Cet été, les longues files d'attente des voitures des touristes ont un peu congestionné le trafic transmanche. « Cette congestion était liée typiquement au départ en vacances massif des Britanniques, dans un laps de temps très court », explique Benoît Rochet. Le retour des traversées estivales a pâti d'un effet « domino ». Dans cette mécanique bien huilée du Douvres-Calais, cantonnée de surcroît dans des espaces contraints, le moindre grain de sable peut enrayer le va-et-vient quotidien.

 Brexit phase 2

Surtout qu'il reste à gérer la « queue de comète du Brexit » avec la deuxième phase, appliquant cette fois des contrôles biométriques pour tous les passagers entrant au Royaume-Uni. « Les voyageurs devront présenter un passeport et les caractéristiques biométriques avec la prise d'une photo, à la manière du visa d'entrée aux Etats-Unis », poursuit Benoît Rochet. Le port s'est donc équipé en conséquence, notamment en dotant les opérateurs de tablettes afin que les voyageurs dans les voitures n'aient pas à descendre du véhicule pour des raisons de sécurité.

Quant aux nouvelles catégories de marchandises soumises aux contrôles vétérinaires et phytosanitaires, prévues au 1er janvier 2022, elles ont été reportées à fin 2023. « Cela a été présenté comme un geste à l'attention des industriels britanniques, le coût de ces nouvelles formalités d'import ayant été estimé à milliard de livres sterling par an », précise le nouveau directeur général.

Priorité au transport passagers

Outre le Brexit, la pandémie de Covid-19 avait donné un sérieux coup d'arrêt au transport de passagers et de voitures. En 2021, seuls 2,38 millions de passagers ont effectué la traversée contre 8,4 millions en 2019 et 8,9 millions en 2018 (et en recul de - 27% par rapport à 2020). Même tendance pour les véhicules, avec 250.000 véhicules et autocars, soit une baisse de - 42% par rapport à 2020. Contre 1,5 million en 2019.

« Notre priorité aujourd'hui, c'est de poursuivre le rétablissement de nos finances après la crise Covid et le Brexit, surtout du point de vue des passagers car le tourisme a quasiment été mis à l'arrêt pendant deux ans », rappelle le nouveau directeur général. En 2020, le chiffre d'affaires général du Port de Calais est tombé à 85 millions d'euros contre 109 millions en 2018 et 2017. Le résultat net est ainsi passé de 25,6 millions en 2018 à 8,8 millions en 2020.

Fret décarboné

Les bonnes nouvelles sont donc à aller chercher du côté du fret. Qui, sous la pression des chargeurs, se décarbone de plus en plus. En 2021, le port de Calais a vu arriver une troisième compagnie transmanche, l'Irish ferries. Cette compagnie maritime irlandaise y a lancé son premier service de trafic non-accompagné (transport de semi-remorques sans moteurs et sans chauffeurs) à destination de Sheerness au Nord du Kent en Angleterre.

« Les compagnies maritimes accompagnent aussi la transition écologique », souligne le directeur général du Port de Calais. La compagnie danoise DFDS a inauguré le Côte d'Opale : avec ses 214 mètres de long et sa capacité de 1000 passagers, il est le plus long ferry de la Manche. « Grâce à sa plus grande capacité, il consomme 25% de moins de diesel par remorque transportée ».

L'historique compagnie britannique P&O a, elle, mis à l'eau, le P&O Pionneer, son premier super ferry nouvelle génération, qui sera plus maniable (sa double tête supprime l'obligation du demi-tour) et aussi plus économique grâce à son moteur hybride, consommant 30 à 35% de moins que les précédents modèles. « Il n'y a plus une seule compagnie qui développe un nouveau navire avec une propulsion classique, sachant que les anciens bateaux pourront également être convertis », détaille Benoît Rochet, qui entrevoit un mix de solutions, entre le GNL, l'hydrogène vert, le e-méthanol de synthèse (avec du CO2 recyclé), de l'e-ammonique...

Autoroutes ferroviaires

A Calais, tout ne se passe pas qu'en mer. Les liaisons ferroviaires dédiées aux marchandises se multiplient. En 2015, un terminal d'autoroute ferroviaire a été inauguré, ce qui a encouragé la croissance du fret non accompagné. L'opérateur ferroviaire VIIA (Rail Logistics Europe) acheminera dès 2023 en moins de 24 heures des marchandises de Calais à Sète. Une liaison qui s'ajoute aux trois trajets existants, à savoir Calais-Le Boulou (Pyrénées orientales, à la frontière espagnole) et Calais-Turin (plus précisément Orbassano en Italie) et Calais-Mâcon.

Sur la zone de la Turquerie, à Calais, le logisticien allemand CargoBeamer a également réalisé un énorme investissement en créant son premier terminal français. Sur les 33 millions d'euros dépensés, ont été accordés 7 millions du FEDER, 3 millions de l'Etat, 3 millions du Conseil régional, 0,3 million de l'Agglomération calaisienne. Depuis Calais, CargoBeamer opère aujourd'hui des liaisons rapides vers Perpignan, près de la frontière espagnole, et Domodossola en Italie. Il devrait bientôt pouvoir desservir Leipzig et Francfort en Allemagne. Avec une technologie brevetée de transbordement automatisée ultra rapide (capable de décharger un train complet en une vingtaine de minutes). De quoi encourager le report modal vers le train.

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