Axe Seine : Paris donne son feu vert à la création d'une société commune dédiée aux renouvelables

En pleine campagne présidentielle, l'initiative des maires du Havre, Rouen et Paris de créer une société d'économie mixte (SEM) dédiée à la production d'énergies renouvelables a tourné à la bataille politique entre Rachida Dati et Anne Hidalgo. Dotée d'un capital de 8 million d'euros, la SEM est censée porter 50 projets d'ici à 2030.
César Armand
Situé à dix kilomètres de Paris intra-muros et au bord des autoroutes A1 et A86 comme du réseau ferré national, le port de Gennevilliers constitue un exemple emblématique de l'Axe Seine. Y transite 4 millions de tonnes de marchandises par an.
Situé à dix kilomètres de Paris intra-muros et au bord des autoroutes A1 et A86 comme du réseau ferré national, le port de Gennevilliers constitue un exemple emblématique de l'Axe Seine. Y transite 4 millions de tonnes de marchandises par an. (Crédits : C.A.)

C'est l'aboutissement d'un an de réunions, au Havre, à Paris et à Rouen. Le dernier vote restant pour valider le projet, après celui des élus de la métropole Rouen Normandie (MRN) et du Havre Seine Métropole la semaine dernière. La création d'une société d'économie mixte (SEM) "Axe Seine Energies Renouvelables" vient d'être adoptée par le Conseil de Paris ce 9 février 2022.

Cette concrétisation intervient treize ans après la volonté du président Sarkozy de faire "Le Grand Paris jusqu'au Havre". Un souhait dont s'étaient alors ensuite emparés l'ancien maire du Havre Antoine Rufenacht, le Rouennais Laurent Fabius et l'ex-maire de Paris Bertrand Delanoë. Un flambeau repris par leurs successeurs, avec cette première déclinaison écologique.

"Une tribune électorale" pour Dati ; du "cirque" pour Mayer-Rossignol

Dans l'hémicycle de l'Hôtel de Ville de la capitale, tout avait pourtant mal commencé ce mercredi. Face à la présence du Havrais Edouard Philippe et du Rouennais Nicolas Mayer-Rossignol, la présidente (Les Républicains) du premier groupe d'opposition, Rachida Dati a fustigé "une tribune électorale au mépris de l'intérêt des Parisiens" pour relancer "une campagne [présidentielle] qui ne décolle pas".

"Nous ne participerons pas à cette parodie de politique politicienne", a encore lâché la maire LR du VIIème arrondissement.
"Dommage, vous n'allez pas profiter de ce beau débat qui concerne de façon très concrète nos vies. Ce n'est pas de la politique politicienne", lui a rétorqué la maire-candidate (PS) Anne Hidalgo.

Suivie par le président (PS) de la métropole Rouen Métropole Nicolas Mayer-Rossignol, qui a dézingué le "cirque" de l'opposition de droite et rappelé qu'Anvers-Rotterdam-Hambourg restait le premier "port français" devant Paris-Rouen-Le Havre, "premier complexe industrialo-portuaire de Français".

Comme à son habitude, l'ex-Premier ministre Edouard Philippe a, lui, mêlé le sérieux et l'humour. "Nous nous trouvons face à un sujet d'intérêt national [la transition écologique, Ndlr] dans lequel les collectivités territoriales ont un rôle dans sa conception et sa conduite". Avant d'ironiser à l'adresse de Rachida Dati sur les "oppositions elles aussi très sonores" du Havre Seine Métropole.

Un capital de 8 millions d'euros

Sur le fond du dossier, la société d'économie mixte d'énergie (SEM) Axe Seine Energies Renouvelables vise à développer la production d'énergies renouvelables: l'éolien, la méthanisation, le photovoltaïque, l'hydrogène, le bois énergie, l'hydraulique, la géothermie, ou encore la valorisation de chaleur fatale c'est-à-dire dérivée d'un site de production qui n'est pas récupérée.

Le capital initial de la SEM sera précisément doté de 7,97 millions d'euros, - et à parts presque égales - dont 25,1% apportés par le Havre Seine Métropole, 25,1% par la métropole Rouen Normandie, 24,5% par la Caisse des Dépôts, 12,55% par la ville de Paris, 12,55% par la métropole du Grand Paris et... 0,2% par la coopérative Energie Partagée Investissements. Au conseil d'administration, les métropoles du Havre et Rouen ainsi que la Caisse des Dépôts auront chacune 2 sièges contre 1 pour Paris, sa métropole et la coopérative.

Sans attendre le premier conseil d'administration, la métropole de Rouen Normandie a déjà identifié un premier portefeuille de projets de renouvelables qui pourraient être développés dès 2022. De la même façon qu'il est déjà envisagé de lancer des appels à manifestation d'intérêt dès cette année. La Ville de Paris pourra, elle, confier à la société d'économie mixte du foncier, mais aussi des projets portés tant par ses opérateurs que par la coopérative carbone actuellement en cours de création.

50 projets d'ici à 2030

Concrètement, la SEM pourra prendre des participations directes dans des projets au travers d'apports de fonds propres ou d'avances au côté d'autres investisseurs. Ces sommes s'ajouteront à ceux d'autres actionnaires publics et privés au sein de sociétés de projet constituées ad hoc. Tant est si bien que cela devrait mobiliser des financements bancaires complémentaires et créer un effet de levier financier.

En contrepartie, la société d'économie mixte percevra des dividendes et des intérêts pour trouver un équilibre financier et une rentabilité de long-terme pour ses investissements, explique la Ville de Paris. Ce point a fait réagir l'écologiste Jérôme Gleize, membre de la majorité, qui a jugé le dispositif "pas assez" tourné vers la finance verte.

A horizon 2030, la SEM vise le développement d'une cinquantaine de projets, soit potentiellement 250 mégawatts de renouvelables... En comparaison, selon EDF, un réacteur nucléaire de 900 MW produit en moyenne chaque mois 500.000 MWh, ce qui correspond à la consommation de 400.000 foyers environ.

Un comité d'investissement au rôle consultatif

Si cette trajectoire est atteinte, il faudra toutefois porter le capital social de la société d'économie mixte à 28,5 millions d'euros dans les huit ans. En contrepartie, là encore, ce sont plusieurs centaines de millions d'euros d'investissement dans des projets d'énergie renouvelables qui seront générés d'ici à 2030, souligne-t-on à l'Hôtel de Ville.

Parallèlement, va être créé un comité d'investissement présidé par le ou la futur(e) directeur général de la SEM. Il aura un rôle consultatif et formulera des avis techniques, juridiques et financiers sur toutes les décisions d'investissement, de désinvestissement et de prises de participation ou cession dans toute société. Ce n'est qu'après avis de ce comité d'investissement que la société d'économie mixte sélectionnera les projets.

Des oppositions minoritaires au Conseil de Paris

Dans l'enceinte du Conseil de Paris, mis à part l'esclandre de Rachida Dati, les oppositions ont été minoritaires. L'insoumise Danielle Simonnet a appelé à ne prendre aucune décision "sans et pour les citoyens" et aurait préféré une société publique locale (SPL) plutôt qu'une société d'économie mixte (SEM). Autrement dit, une composition actionnariale 100% publique.

De son côté, le communiste Jean-Noël Aqua a regretté qu'il n'y ait "rien" sur les tarifs aux consommateurs, ni sur les emplois. Le maire-adjoint (EELV) chargé de la Transition écologique, du Plan climat, de l'Eau et de l'Energie, Dan Lert, a rétorqué que cela serait à l'ordre du jour du premier conseil d'administration et lui a demandé de retirer ses amendements. Des amendements finalement rejetés par le Conseil de Paris.

César Armand

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Commentaire 1
à écrit le 09/02/2022 à 15:50
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Bof, ça va être un guichet administratif de plus pour aider a chasser des subventions publiques et faire mousser quelques projets (et la structure elle même).On laisserai le droit d'eau aux communes ou communautés de communes (avec un contrôle enviro...

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