Dans le Cotentin, des emplois comme s’il en pleuvait

La pénurie de main d'œuvre n'est pas l'apanage des métropoles. Quasiment en situation de plein emploi, l’agglomération de Cherbourg croule sous les offres. Plusieurs milliers de postes y sont à pourvoir à la faveur d’un alignement des planètes économiques comme le Cotentin en a rarement connu.
Plus de 5.000 offres d'emplois sont à pourvoir dans cette péninsule surnommée  la presqu'île de Normandie.
Plus de 5.000 offres d'emplois sont à pourvoir dans cette péninsule surnommée la presqu'île de Normandie. (Crédits : DR)

« Pour la réintroduction des salariés en milieu naturel ». C'est le slogan de la campagne de promotion que lance, ces jours-ci à Paris, l'agglomération de Cherbourg -qui recouvre l'entièreté de la pointe du Cotentin- dans l'espoir d'attirer sur ses terres des citadins qu'on dit en mal d'embruns et de grands espaces. Son président, David Margueritte s'est rendu dans la capitale pour dérouler l'argumentaire.  « Cadre de vie incomparable, paysages à couper le souffle, littoral préservé »... Pour l'occasion, l'intéressé n'hésite pas à manier le superlatif. « La pluviométrie du Cotentin est inférieure à celle de l'Ile-de-France », rappelle t-il au passage aux journalistes.

La boutade n'est pas fortuite. Le territoire qui a donné son nom à un parapluie souffre d'un déficit d'image auquel la météo n'est sans doute pas étrangère. Force est pourtant de constater que ce qui pleut sur la péninsule, ces derniers temps, ce sont surtout des offres d'emploi. Les autorités locales en ont comptabilisé plus de 5.000 à pourvoir immédiatement dans tous les secteurs d'activité et à tous les niveaux de qualification : tuyauteurs, soudeurs, chaudronniers, techniciens de maintenance... mais aussi logisticiens, artisans ou commerçants. La liste a tout de l'inventaire à la la Prévert qui aimait tant ce coin de France. Mais le défi est presque cyclopéen pour cette agglomération de moins de 200.000 habitants en voie de réindustrialisation galopante comme en atteste son taux de chômage passé de 12 à 6% en moins d'une décennie : un des plus bas de France.

Le baromètre économique est au beau fixe

Depuis quelques années, le grand Cherbourg connaît en effet une embellie économique sans précédent qui n'a pas grand-chose à envier à celle de grandes métropoles comme Nantes ou Rennes que son maire cite volontiers en exemple. « Nos quarante zones d'activité sont pleines à 94% », précise Benoît Arrivé en guise de preuve. A l'origine de ce renouveau, la bonne santé de ses locomotives industrielles - qu'ici l'on aime à appeler les « grands donneurs d'ordre » - mais aussi l'émergence de nouvelles activités.

Portée historiquement par un secteur agro-alimentaire puissant incarné par la coopérative des Maîtres Laitiers du Cotentin, par la construction navale (CMN et Naval Group) et de l'industrie nucléaire (EDF et Orano), l'agglomération, qui se rêve  « en démonstrateur du mix énergétique » profite aussi à plein de la nouvelle dynamique des énergies marines. Installé sur un terrain de 40 hectares gagnés sur la mer, le fabricant de pâles d'éoliennes LM Wind (groupe GE) a ainsi recruté 400 personnes en trois ans et prévu de créer 300 postes de plus cette année. « Le site va s'agrandir » affirment les élus. Lesquels ont applaudi des deux mains à l'annonce par Jean Castex de la création (probable) d'un second parc éolien au large de Barfleur. « Même les projets hydroliens du raz Blanchard, qui avaient été lâchés en rase campagne par l'Etat, sont relancés », se félicite David Margueritte.

A quelques encablures de là, la construction de la nouvelle génération de sous-marins nucléaires ouvre aussi des perspectives engageantes à la "presqu'île" normande. L'usine Naval Group (3.400 collaborateurs), qui embauche 400 personnes par an depuis 2017 et en fait vivre 2.000 chez ses sous-traitants, affiche un plan de charges en acier trempé. « Nous nous projetons sur plusieurs décennies » s'enflamme son directeur adjoint, Ludovic Colin. Message subliminal : le soufflé n'est pas près de retomber.

Cherche main d'œuvre désespérément

Cette croissance rapide ne va pas sans donner quelques cheveux blancs aux responsables cherbourgeois. « Après avoir appris à gérer le déclin, nous devons apprendre à gérer le développement. C'est préférable mais cela pose d'autres types de problèmes », admet Benoît Arrivé. Les élus ne cachent pas que la question de la pénurie de main d'œuvre fait peser des incertitudes sur l'avenir. « Certaines entreprises abandonnent leurs projets de développement ou sont contraintes », déplore David Margueritte.

Les difficultés tendent à s'enkyster, confirme Laurence Gentil, responsable du recrutement au sein du réseau d'agences Cap Inter. « Là où nous arrivions encore à attirer des candidats du centre Manche, il y a deux ans, nous n'en trouvons quasiment plus parce ce secteur-ci est également en tension ». En réaction, les entreprises multiplient les forums emploi et autres job dating. Naval Group est même allé jusqu'à inviter des postulants pendant tout un week-end. De son côté, LM Wind affiche ses offres en 4 par 3 dans les rues de Cherbourg.

Une partie de la solution se trouvera, sans doute, dans le développement de l'offre de formation. A cet exercice, la jeune agglomération de Cherbourg-en-Cotentin née de la fusion en 2017 de onze intercommunalités, promet d'apporter des réponses. Elle soutient notamment, aux côtés d'EDF et de Naval Group, la création d'un pôle d'excellence sur le soudage « pour former l'élite de la soudure » et élabore un schéma de l'enseignement supérieur. Elle mise aussi sur le tourisme, lui aussi en croissance (de 20%), dans l'espoir de convaincre les visiteurs de s'enraciner. « Le nombre de trains entre Paris et Cherbourg est passé de 7 à 11 », signale son président à toutes fins utiles. Comme un appel du pied aux télétravailleurs.

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