Aléas climatiques : le courtier Bessé mise sur l'assurance paramétrique avec Axa Climate

Grâce au regard des satellites et des stations météorologiques, les contrats d’assurances dits paramétriques vont-ils sauver les récoltes ? Un an après avoir expérimenté cette solution assurantielle innovante auprès d’un industriel de l’agroalimentaire désireux de protéger ses producteurs de Colza des aléas du changement climatique, le courtier nantais Bessé vient de nouer un partenariat avec Axa Climate pour déployer la formule à grande échelle : vers d’autres cultures, sur de multiples secteurs et à l’international.
Pour la mise en oeuvre de contrats paramétriques, la tech (satellites, capteurs, stations météo...) devient un support des produits d’assurance
Pour la mise en oeuvre de contrats paramétriques, la tech (satellites, capteurs, stations météo...) devient un support des produits d’assurance (Crédits : ©luza studios AB-iStock)

Face aux rages et aux ravages de Dame Nature, les assureurs se gardent bien de ne jurer que par lui. Mais, depuis quatre à cinq ans, les contrats d'assurance paramétriques sont devenus le produit tendance du secteur, malmené par les caprices de la météo. Pour le cabinet nantais de courtage et de conseil en assurances, Bessé qui vient de coconstruire avec AXA Climate, une solution innovante dédiée à la filière agricole, les contrats d'assurance paramétriques sont même en passe de devenir le cœur de métier de l'assureur. « Au point d'être le premier professionnel de l'assurance à dédier une équipe entière à cette solution », assure Joran Chambolle, chargé de développement solutions paramétriques de Bessé avec trois personnes dans son équipe.

Le paramétrique ? « Plutôt que d'assurer une personne, un objet, un capital ou un actif... on ne s'intéresse, ici, qu'à l'indice représentatif d'un risque que l'on observe en temps réel. Ce peut-être une température, une hygrométrie, un rayonnement solaire, de la biomasse mesurée par satellite, le niveau sismique d'un tremblement de terre, la hauteur de vagues, la vitesse du vent ou la température de l'eau... Si, un jour, une valeur de déclenchement est atteinte, alors de manière automatique, et extrêmement rapidement, une indemnité forfaitaire est octroyée», détaille-t-il.

Pour l'assureur, la valeur de l'indice repose sur trois pré requis : Il doit être mesurable en temps réel, disposer d'un historique de dix ans ou avoir des alternatives et doit pouvoir être certifié par un tiers de confiance, comme les détenteurs de satellites (Nasa, Union Européenne...) ou les opérateurs de réseaux de stations et capteurs météorologiques (Weenat, Demeter...). A partir de là, tout est assurable...

Inexistants il y cinq ans, les « paramétriques » se présentent comme une vraie solution au regard des programmes dit traditionnels, plutôt concentrés sur les dommages matériels et peu sensibles aux problèmes du climat. Si bien que, selon Bessé, qui indique assurer un tiers du chiffre d'affaires de l'agroalimentaire français, seul un tiers des exploitants aurait souscrit un contrat multirisques climatiques.

Joran Chambolle, chargé de développement solutions paramétriques de Bessé,

Joran Chambolle, chargé de développement Solutions paramétriques chez Bessé

Les débuts du paramétrique

Huit ans après avoir initié le programme « Premium Semi » voulu pour couvrir les pertes de chiffre d'affaires de coopératives agricoles, et dont l'activité a été arrêtée en raison de déclenchements trop répétés, Bessé a finalement basculé l'équipe vers le paramétrique il y a deux ans. A l'époque, le groupe agroalimentaire Soufflet (6.585 collaborateurs et un chiffre d'affaires 2021 de 4,6 milliards d'euros, dans 23 pays) lui demande de trouver une solution pour couvrir de possibles pertes d'exploitation de ses producteurs de Colza. Un risque que l'industriel ne souhaitait pas porter. «Nous avons cherché des assurances traditionnelles indemnitaires. Aucun des acteurs de l'assurance ne voulait y aller... », se souvient Joran Chambolle.

Alors, le courtier nantais a fait son job. «On commençait à entendre parler d'assurances paramétriques. Nous sommes allés à la rencontre d'un ancien agriculteur, fan de données météo et de modélisation, spécialiste de la lecture des données satellite-air et fondateur de l'entreprise Visio-Crop avec qui nous avons pu établir des indices », dit-il. Bessé noue un partenariat avec l'expert Luc Lorin, qui établit un protocole, reconstitue un historique pour compenser les absences du satellite européen Sentinelle 2, en orbite depuis seulement quatre ans, enrichit le process de données climatiques. Un an plus tard, Bessé livre un dossier clé en main au marché des assureurs, capables d'assumer le risque financier. Axa Climate qui dispose déjà d'une expérience et des ressources dans l'univers de l'assurance paramétrique accepte de couvrir le risque. « Si chacun reste indépendant sur ces marchés, le sens de l'accord, c'est de mettre en commun notre R&D, nos équipes, nos technologiques et coconstruire des produits sur mesure pour les organismes stockeurs, les semenciers , les agrochimistes... qui n'existaient pas jusque-là sur le marché», affirme Joran Chambolle.

Durant sa phase expérimentale, la solution « Emergence Colza » a permis d'assurer 10.000 hectares de Colza la première année et 40.000 hectares l'an dernier. Pour quels résultats ? « Nous ne sommes pas encore en mesure de donner des chiffres. La première année ayant été particulièrement sèche, il faut reconnaitre qu'elle n'a pas été en faveur de l'assureur. D'un autre côté, elle nous a permis d'éprouver notre modèle, de mener des expertises et contre-expertises et d'apporter des corrections et pour rendre la solution plus fonctionnelle », indique l'expert de Bessé Parametrics, qui entend doubler les surfaces de Colza, avec 100.000 hectares supplémentaires l'an prochain et s'implanter dans un ou deux pays de l'Est. Un rythme qu'il compte maintenir chaque année en Europe.

Des applications de plus en plus diverses

Venu sur le paramétrique par le Colza, Bessé s'attaque désormais au maïs. Avec le même procédé. « L'an dernier, un client nous a informés de son intention de sécuriser ses levées de maïs confrontés aux ravageurs que sont les corbeaux et les pigeons.  Un sujet non couvert par les assurances aléas climatiques», indique Joran Chambolle. A défaut de pouvoir s'appuyer sur des données satellites, le courtier en assurance a déniché une application vidéo lui permettant d'établir un niveau de biomasse dans un champs et de reconstituer le nombre de pied à l'hectare, avec à la clé un seuil de déclenchement d'un forfait d'indemnisation, si les ravageurs s'y sont donnés à cœur joie. Un modèle de risques, une tarification et un protocole ont été établis. L'expérimentation va démarrer sur quelques milliers d'hectares, puis sur 10.000 ou 20.000 hectares pour un test en mode industrialisation, avant d'être potentiellement élargies à des étendues comme celle du Colza. Parallèlement, cette solution, complémentaire aux incontournables actions de protection sur le terrain, commence à être déployée chez certaines coopératives agricoles de fruits et légumes, des négociants viticoles et de grandes maisons françaises de vins confrontés au gel ou à la grêle.

Présent dans l'écosystème maritime, dans les grandes filières industrielles, de l'énergie, l'agroalimentaire, l'immobilier, distribution automobile...à travers cent-cinquante pays, le cabinet Bessé (chiffre d'affaires de 118,5 millions d'euros en 2020), implanté à Nantes, Paris et Londres prévoit le lancement d'un ou deux nouveaux produits paramétriques par an. Et sans doute très prochainement dans le secteur de la cybersécurité et de la cyber-assurance où l'entreprise a très récemment renforcé son expertise.

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