Zéro Artificialisation Nette : la région Pays de la Loire veut une loi Climat sur mesure, adaptée à sa démographie

Dans une région qui pourrait accueillir 800.000 habitants supplémentaires à l’horizon 2050, la majorité LR souhaite que la baisse de l’artificialisation soit ramenée à 34% au lieu de 50% jusqu’en 2030. Une annonce faite la veille de la remise du premier rapport du GIEC Pays de la Loire, qui pointait les risques d’étalement urbain sur le territoire de la quatrième région la plus artificialisée de France.
Les Pays de la Loire comptent 20.6% de surfaces naturelles, 68,2% de surfaces agricoles et 11,2% de surfaces artificialisées. Ces dernières ont doublé entre 1982 et 2018. Selon la croissance du taux d'artificialisation,  la région pourrait encore grignoter 55.000 hectares d'ici 2050 sur les espaces naturels et agricoles. Ici, à Saint-Nazaire, le territoire comprendrait 60% de terres naturelles dont la moitié seraient cultivées.
Les Pays de la Loire comptent 20.6% de surfaces naturelles, 68,2% de surfaces agricoles et 11,2% de surfaces artificialisées. Ces dernières ont doublé entre 1982 et 2018. Selon la croissance du taux d'artificialisation, la région pourrait encore grignoter 55.000 hectares d'ici 2050 sur les espaces naturels et agricoles. Ici, à Saint-Nazaire, le territoire comprendrait 60% de terres naturelles dont la moitié seraient cultivées. (Crédits : D.R)

Sur un territoire où, selon le Giec Pays de la Loire, « l'étalement urbain, au vu de ses impacts sur le climat et la biodiversité, constitue un enjeu critique pour l'avenir de la région », le Conseil régional des Pays de la Loire (majorité LR), a voté, à la surprise générale le 24 juin dernier, une délibération dans laquelle il demande à l'Etat, à l'Assemblée nationale et au Sénat de modifier la loi Climat et Résilience, afin qu'elle tienne compte des dynamiques démographiques de territoires.

Autrement dit, dans une région où les projections de l'Insee prévoient un surplus de populations de 800.000 personnes par rapport à 2013, (soit une hausse de 590.000 personnes à partir d'aujourd'hui, pour atteindre 4,6 millions d'habitants à l'horizon 2050), la collectivité souhaite que, dans ces conditions, le taux de réduction de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers soit ramené à 34% jusqu'en 2030 au lieu des 50% fixés uniformément au niveau national. Une prise de position restée en travers de la gorge des élus écologistes, qui n'ont pas tardé à réagir.

Le Ceser tacle la région

« Alors que la Loi Climat et Résilience octroie la possibilité, en Pays de la Loire, d'urbaniser plus de 10.845 hectares de terres agricoles ou naturelles d'ici à 2030, soit l'équivalent de 7,3 terrains de foot par jour, la présidente du Conseil régional Christelle Morançais voudrait pouvoir déroger à cette règle et détruire 3 436 hectares supplémentaires, soit l'équivalent de 2,3 terrains de foot détruits en plus chaque jour », fustigent-ils dans un communiqué.

« C'est hallucinant et pas honnête politiquement. Ils gardent l'objectif à 2050 mais ils veulent que la région fasse moins d'effort dès le début alors que l'on sait que les efforts sont à produire dès maintenant. C'est un leurre de vouloir adoucir la pente en disant conserver l'objectif final », dénonce Lucie Etonno présidente du groupe L'Ecologie Ensemble, soutenue en ce sens, par le Ceser (Conseil Economique et Social Environnemental Régional).

Cette instance a très rapidement fait savoir qu'elle « ne souscrivait pas à la demande de la Région de déroger à l'objectif intermédiaire de réduction de moitié des surfaces artificialisées d'ici à 2030 », regrettant d'autant plus « que cette demande ne s'accompagne pas d'une trajectoire ambitieuse, permettant d'assurer l'atteinte du zéro artificialisation nette en 2050 ». Le Ceser défend la nécessité de repenser les modèles d'aménagements, et de réfléchir à la pertinence de zone à urbaniser.

Une question de chemin...

Pour Antoine Chéreau, vice-président de la région, en charge des Territoires, de la ruralité, de l'environnement et de la transition écologique - qui se dit en phase avec l'objectif de réduction de 50% à 2050 - le débat porte, plutôt, selon lui, sur les dix prochaines années. «La région avait déjà fixé ce cadre ambitieux à 30 ans, mais sans spécifier le chemin pour y arriver. La loi, d'août 2021 a fixé une méthode, peu précise mais qui dit de diviser par deux l'étalement urbain à l'échelle nationale d'ici 2030. Or actuellement, ni les outils ni les concepts ne nous permettent d'atteindre cet objectif », déplore l'élu.

La position régionale peut-elle aller à l'encontre des recommandations du Giec Pays de la Loire, dans une région dont la proportion de surfaces artificialisées la place au quatrième rang des régions françaises ? « Non, nous n'allons pas à l'encontre du Giec, dont nous finançons les travaux, mais si les exigences conduisent à mettre tous les salariés sur les routes parce qu'on ne peut plus les loger à l'endroit où il travaille, ou bien on créera d'autres dégâts, en produisant plus de gaz à effet de serre avec les transports.»

Toutefois, le vice-président de la région dit refuser d'emprunter les chemins de la décroissance. « Cela consisterait à bloquer tous les projets industriels. Parce qu'en même temps, il faut ramener de la production locale dans une logique de circuits courts. Il est complètement naïf de penser que l'on peut ramener de la production locale, sans faire un minimum d'effort sur le foncier. On veut être réaliste, on dit même que c'est une protection de l'environnement que d'avoir des logements à côté des entreprises», explique Antoine Chéreau.

Le département le plus artificialisé de la région y croit

Un discours que le département de Loire-Atlantique, territoire le plus artificialisé de la région (15% contre 11,2% pour la région) ne partage absolument pas. « Pour nous, l'objectif est tenable. A condition de se saisir de tous les outils existants, de faire de la pédagogie », assure Chloé Girardot-Moitié, vice-présidente du Loire-Atlantique en charge des ressources et milieux naturels, de l'action foncière et de la biodiversité.

«Nous sommes le département le plus artificialisé de la région, elle-même au quatrième rang des régions les plus artificialisées. On est donc particulièrement concerné. Et c'est justement parce que l'on a cette pression démographique forte, et que l'on est encore plus à risque d'étalement urbain, que l'on a encore plus d'intérêt à mettre en œuvre cette loi », souligne-t-elle, alors que la population du département a été multipliée par deux en 70 ans, ce qui a conduit à multiplier par trois l'artificialisation des terres.

En désaccord avec la position de la région, le maire de Saint-Nazaire, David Samzun redoute que les « bons élèves » subissent une double peine, par rapport aux collectivités qui ont bétonné sans vergogne. De plus, à ses yeux, des zones de flous persistent sur l'application du ZAN (Zéro Artificialisation Nette), notamment tout ce qui est d'intérêt national. « Comment faisons-nous avec un propriétaire foncier qui est le grand port de Nantes-Saint-Nazaire, et donc l'Etat ? », interroge le maire de Saint-Nazaire, où la présence des Chantiers de l'Atlantique, d'Airbus, des EMR... risquent d'amener des impacts, voire des arbitrages douloureux. « Je ne voudrais pas que l'on construise demain des gilets jaunes, partis vivre et habiter très loin de leur lieu de travail et d'avoir demain matin des véhicules et des poids-lourds sur les routes... », ajoute l'édile.

Des citadins qui veulent construire en Mayenne

Pour le président du département de Mayenne, Olivier Richefou, qui est sur la même ligne que la région, « parvenir au ZAN demande un temps long, qui suppose des étapes intermédiaires. Qu'elles ne soient pas les mêmes pour tout le monde ne me choque pas», réagit-il.

« En Mayenne, j'ai forcément les mêmes interrogations, avec des territoires très ruraux qui n'auront aucune difficulté à remplir cet objectif et des secteurs plus dynamiques, comme à Laval où des infrastructures sont encore à mettre en place. Il faut respecter les rythmes de chacun», estime-t-il, alors que le département reçoit de nombreuses demandes de citadins parisiens, ravis de venir habiter en Mayenne, en quête d'espace et de nature. «Ce qui suppose quelquefois la construction d'habitat individuel...», souligne Olivier Richefou.

La balle dans le camp de l'ex-maire d'Angers devenu ministre des transitions

Face à ces dilemmes, la région se tourne donc vers l'Etat et lui demande de montrer «où les efforts doivent porter pour diviser par deux l'étalement urbain à l'horizon 2030. On ne peut pas faire 50% uniformément », estime Antoine Chéreau. Pour ce vice-président de région, « fixer les mêmes objectifs à des régions démographiquement dynamiques comme les Pays de la Loire ou l'Occitanie ou des régions dont la population stagne, comme le Grand Est, la Normandie et la Bourgogne est inadapté ».

« Cette position est simplement une forme d'égoïsme», tance pour sa part la conseillère régionale écologiste Lucie Etonno, pour qui le véritable enjeu passe par la façon de repenser l'aménagement du territoire, de mettre les moyens sur l'habitat et de mieux accompagner les maires ruraux.

La demande de la région sera-t-elle entendue ? C'est en tout cas l'un des dossiers sur lequel le nouveau ministre de la transition écologique, Christophe Béchu, ex-maire d'Angers, confronté à ce sujet et très au fait des problématiques des Pays de la Loire, sera amené à se prononcer.

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Commentaires 2
à écrit le 15/07/2022 à 15:20
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L'artificialisation est la voie de facilité pour ceux qui ne sont pas capables d'améliorer ou récuperer le foncier existant (friches etc...). Il faut au contraire passer à zero artificialisation dès 2030.

le 16/07/2022 à 12:07
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Une chose est sure c’est qu’en faisant du tout ou rien, on est pas près d’y arriver……. à moins de l’arrivée d’un État totalitaire inspiré par les Écolos !!

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