Nantes parie sur la monnaie complémentaire

Avec le lancement de sa monnaie locale SoNantes, Nantes veut favoriser les échanges et dynamiser le tissu économique local. Une innovation qui renoue avec une longue tradition nantaise pour "les monnaies de nécessité"...
Après une adhésion gratuite et l'ouverture d'un compte pour les particuliers, chaque Nantais reçoit une carte de paiement nominative lui permettant de régler jusqu'à 1.000 SoNantes (1.000 euros) par an chez les commerçants et entreprises adhérentes, via les terminaux de cartes bancaires classiques. Certains pourront même percevoir une partie de leur salaire en SoNantes.

Sans pièce et sans billet, Nantes vient de renouer avec les monnaies "de nécessité", selon l'appellation prisée par les numismates. Baptisée SoNantes, cette nouvelle monnaie dite aujourd'hui "complémentaire" vaut un euro. Dématérialisée pour satisfaire aux exigences de l'époque, elle se veut simple, pratique et utile... aux citoyens comme aux acteurs économiques. Aux Nantais de s'en emparer. C'est le pari que viennent de faire la mairie de Nantes, la Métropole nantaise et le Crédit Municipal, plus connu pour être le "mont de piété" ou "ma tante", rejoint par les chambres consulaires de commerces, des métiers et de l'économie sociale et solidaire. C'est lui - le Crédit Municipal - aujourd'hui, via sa filiale SoNao, société par actions simplifié unipersonnelle (Sasu), qui est en charge de l'exploitation technique, administratif et commercial de ce dispositif, validé par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution de la Banque de France.

Une pédagogie nécessaire

 "Ce n'est ni une alternative à l'euro ni un moyen de thésaurisation, mais un moyen de paiement complémentaire", explique Johanna Roland, maire de Nantes, qui revendique le droit à l'expérimentation.

"Dans un  modèle économique qui montre ses limites. Dans une crise économique et sociale qui n'est pas que conjoncturelle, et qui pose des questions structurelles, il y a de nouveaux chemins à inventer".

L'invention trainait les pieds depuis 2006. Jusqu'à ce que la ville relance la machine avec la mise en œuvre d'un atelier prospectif qui a réuni un panel de Nantais et de Nantaises d'octobre 2012 à mai 2013. Ce sont eux qui ont défini les ambitions de la future monnaie locale, à savoir : un soutien à l'économie locale, la promotion des circuits courts, la coopération et la solidarité, les facilités de trésorerie pour les entreprises, etc.

"Le pari, c'est l'échange, précise la maire de Nantes. Pour réussir, la monnaie doit circuler. D'où les choix de mettre dans la boucle les acteurs économiques et les citoyens."

D'où aussi, les nombreuses affiches publicitaires qui parsèment la ville pour accompagner le lancement de la SoNantes. Premiers pas d'une pédagogie plus que nécessaire pour convaincre et "en faire un projet partagé", alors que 4.000 collectivités européennes auraient déjà adopté des systèmes plus ou moins similaires. Inspirée du Wir déployé en Suisse, la SoNantes a pris son service le 28 avril dernier sur l'aire urbaine de Nantes, soit 114 communes.

Un investissement de 2 millions d'euros

Après une adhésion gratuite et l'ouverture d'un compte pour les particuliers, chaque Nantais reçoit une carte de paiement nominative lui permettant de régler jusqu'à 1.000 SoNantes (1.000 euros) par an chez les commerçants et entreprises adhérentes, via les terminaux de cartes bancaires classiques. Certains pourront même percevoir une partie de leur salaire en SoNantes. Impossible, en revanche, de les transformer en euros.  Interdiction aussi aux professionnels (artisans, commerçants et entreprises), dont une limite de crédit est préalablement fixé avec le Crédit municipal (de 1.000 à 10.000 SoNantes), de changer des euros contre des SoNantes. Pour ce nouveau système de paiement qui devrait rapidement passer au sans contact, il s'agit principalement de limiter les délais de paiements et les problèmes de trésorerie.

"L'objectif est d'atteindre, d'ici 3 à 4 ans, 3.000 entreprises adhérentes (10%)) et 9.000 à 10.000 particuliers", indique Jacques Stern, directeur du Crédit Municipal. Après 800.000 euros d'études en partie financées par le programme européen Interreg IV B NW,  2 millions d'euros ont été investis dans cette opération. Un investissement important qui voudrait être rentable d'ici deux à trois ans. Par la suite, la contribution des entreprises (droit d'entrée, frais de gestion, et contribution au fond de garantie en SoNantes) devraient couvrir les 600.000 euros annuels de frais de fonctionnement.

Un acte militant

Reste donc à mobiliser alors que beaucoup, plus ou moins sceptiques, ne comprennent pas à quoi cela sert vraiment. Pendant un an, cinq commerciaux vont aller à la rencontre des entreprises :

"Ca servira, si l'on s'en sert, rétorque Pascal Bollo, premier adjoint au maire de Nantes. C'est l'offre d'un nouveau moyen d'échange et de développement qui est faite au territoire. Mais une offre, c'est une proposition. Les citoyens et les acteurs du territoire la prendront si nous arrivons à les convaincre que l'utilisation du système d'échange SoNantes va leur permettre d'explorer de nouveaux marchés, de trouver de nouveaux clients et, au final, de favoriser l'économie locale et de l'emploi. Car, c'est bien là qu'est l'enjeu", plaide Pascal Bolo.

Complémentaire et militante, et sans intérêt pécuniaire immédiat, la SoNantes veut favoriser les circuits courts et constituer une forme de communauté qui pourrait bénéficier de services (carte de fidélité, ticket repas, chèques cadeaux...) spécifiques. La métropole réfléchit aux ticket de transport en commun en Sonantes, aux parkings  ou aux paiements des centres de loisirs, etc. "C'est un puissant moyen de développement économique qui fonctionne sur une logique de réseau et de spirale vertueuse. Alors, avec Internet, ce type de dispositif est appelé à se développer", témoigne Philippe Lukacs, enseignant en Management à l'école centrale de Paris.

Les vieilles recettes...

Depuis le démarrage, une dizaine d'entreprises s'inscriraient chaque semaine. "Le devoir d'expérimenter s'accompagne du devoir d'évaluer très concrètement la manière dont cela va fonctionner pour l'économie locale et le territoire", prévient néanmoins Johanna Rolland, maire d'une ville où les monnaies complémentaires sont presque devenues une tradition.  "Comme dans beaucoup d'autres villes françaises, les nantais ont vu apparaître les monnaies complémentaires durant la Révolution Française, éditées, ici, par la Caisse patriotique", explique Gildas Salaun, adjoint au maire chargé des collection de numismatiques au Conseil départemental de Loire-Atlantique. A l'exception de quelques pièces et billets de nécessité au tournant des XIXème et XXème siècles , aucune  monnaie ne sera émise pendant la longue période de stabilité monétaire favorisée par le « Franc Germinal ».

En revanche, raconte-t-il sur son blog très documenté ,  "la crise monétaire due à la Grande Guerre impose aux autorités locales d'intervenir directement dans le domaine monétaire".  La Compagnie des Tramways créé sa propre monnaie, la Chambre de Commerce de Nantes fait marcher la planche à billets (50 centimes, un et deux francs)  "pour pallier le manque de petit numéraire de cuivre, fondu pour participer à l'effort de guerre... Parallèlement, la Ville, par le biais de son Crédit municipal, édite des bons aux mêmes valeurs, ayant avant tout une fonction de solidarité. Tous ces billets ont pour fonction de soutenir l'économie locale en facilitant les transactions quotidiennes..." L'histoire repasse les plats.

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Commentaires 2
à écrit le 25/05/2015 à 10:18
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Quand une monnaie est inadapté a une économie on la remplace mais les dogmatiques, loin d'en faire une moyen, n'y voient qu'un but et l'ont appelé "euro"!

le 26/05/2015 à 7:16
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Bonjour, Vous prétendez vouloir favoriser les échanges et redynamiser l'économie locale ? alors cessez d'inventer n'importe quoi, réouvrez le centre ville, et proposer plutôt des incitations financières à qui fera de nouveau fleurir tous nos pas de ...

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