Ville intelligente : des freins plus juridiques que technologiques

Promoteurs d’une offre intégrée, les professionnels du bâtiment plaident pour une évolution de la réglementation et la réalisation de démonstrateurs de la ville durable.
(Crédits : : Schneider Electric)

L'offre intégrée, les industriels - notamment ceux du BTP - s'estiment légitimes pour y jouer les premiers rôles. Ils y voient la clé de la ville intelligente. Historiquement, les municipalités mettent les entreprises en concurrence de façon séquentielle, chacune délivrant une seule et unique fonction (chaleur, déchets, énergie...).

« L'objectif de la ville intelligente, c'est que les sous-­composants des activités des services régaliens de la ville puissent être plus systématiquement utilisés par d'autres acteurs économiques dans le cadre d'une économie circulaire, au lieu d'être gaspillés », affirme Fabrice Bonnifet, directeur du développement durable du groupe Bouygues.

Aussi louable soit-il, cet objectif se heurte à de solides obstacles juridiques. Cela coince aussi sur le modèle économique dès qu'il s'agit de mutualiser des infrastructures.

« Qu'on parle de récupérer la chaleur des réseaux d'eaux usées ou l'énergie de freinage des tramways, se pose la question de la propriété des données, des infrastructures intermédiaires, de la garantie des services rendus en cas de défaillance d'une des parties prenantes impliquées, souligne encore Fabrice Bonnifet. Même lorsqu'elles sont gérées par des entreprises privées, les limites de responsabilité entre les acteurs restent à définir. »

La technologie n'est plus un frein, mais l'environnement économique et juridique n'est plus adapté.

« Jurisprudence, principe de précaution, code des marchés publics... On est toujours bloqué à un moment ou un autre », déplore-t-il.

Pour Valérie David, directrice du développement durable ­d'Eiffage, « il y a malheureusement en France une barrière entre le public et le privé qui n'est pas seulement juridique, mais aussi culturelle ».

De ce côté du Rhin, la disette budgétaire oblige les collectivités à davantage travailler avec le privé, mais la méfiance demeure. À l'inverse, par exemple dans le land allemand de Hambourg (« soumis aux mêmes règles européennes que nous », remarque-t-elle), un processus de concertation industrielle prévoit que tous les participants à un appel d'offres décrivent leur projet publiquement, devant les fonctionnaires et même leurs concurrents...

« Plus transparent qu'en France, ce système permet d'informer les fonctionnaires sur l'état de l'art en termes d'innovation, et crée une saine émulation entre les industriels », affirme Valérie David.

Contourner le code des marchés publics

En France, les entreprises demandent donc à pouvoir agir par dérogation ou à obtenir que les réglementations soient modifiées. Pour s'attaquer au no man's land juridique, elles comptent notamment sur ­l'Institut de la ville durable qui doit être créé dans le cadre de la mission « Ville durable » confiée en janvier dernier au conseiller d'État Roland Peylet. Elles attendent aussi de pied ferme la confirmation de démonstrateurs des quartiers ou villes entières, probablement attribués à chacun des grands du secteur (Bouygues, Vinci et Eiffage), pour y faire la preuve de leurs solutions en jouissant d'un mode dérogatoire.

« La priorité n'est plus à l'exclusivité de la R & D. Seuls des démonstrateurs permettront de valider concrètement la pertinence économique des innombrables solutions hybrides qui, dès aujourd'hui, pourraient être expérimentées », insiste Fabrice Bonnifet.

Outre une gouvernance allégée du code des marchés publics « qui fait obstacle à la mise en œuvre d'une vision systémique », Valérie David voit dans les démonstrateurs « l'opportunité de créer un écosystème économique de la ville durable, un laboratoire de partenariats de compétences et de collaborations, comme nous le faisons déjà dans le cadre d'Astainable [contraction d'Astana, la capitale du Kazakhstan, et du terme sustainable, ndlr], qui regroupe plus de 2 .000 acteurs économiques français des différentes composantes de la ville durable ».

Le groupement Eiffage, Egis et GDF Suez a remporté un appel à projets du ministère du Commerce extérieur pour ce simulateur virtuel en 3D, qui doit aider à vendre à l'export les solutions françaises pour la ville durable, en prenant Astana pour laboratoire.

« En nous permettant de présenter une vision globale, un réseau de partenaires et de sous-traitants fiables, des démonstrateurs en France renforceraient notre crédibilité à l'international », ajoute Valérie David.

Malgré les gisements d'économies que promettent l'approche systémique et l'offre intégrée, « aujourd'hui, elles n'existent pas à grande échelle, déplore Fabrice Bonnifet. C'est le problème de la poule et de l'œuf, d'où l'intérêt des démonstrateurs... ».  

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Commentaire 1
à écrit le 20/11/2014 à 22:48
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Ce serait déjà un grand progrès pour les villes d'indiquer de façon lisible nuit et jour aux croisements, le nom des rues et le sens de progression des numéros. Temps gagné et accidents évités. Le concept marketing de ville intelligente est abusif e...

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