Si la France a temporairement perdu son étoile, le pays de Galles, lui, risque de renoncer définitivement à son « petit prodige ». Louis Rees-Zammit, 23 ans et 32 sélections, a traversé l'Atlantique, mais pas pour s'offrir une parenthèse olympique comme Antoine Dupont avec l'équipe de France de rugby à 7. Le jeune ailier a intégré le programme International Player Pathway (IPP) de la NFL, la passerelle destinée aux athlètes étrangers, mise en place par la ligue de football américain, avec pour objectif de décrocher un contrat dans une des 32 franchises. Il a officialisé son choix mi-janvier, juste avant que le sélectionneur Warren Gatland n'annonce sa liste pour le Tournoi des Six Nations, et ça a secoué le pays.
« Rees-Lightning » (Rees la Foudre) est ou était - on ne sait pas encore - le grand espoir d'un rugby gallois en crise. Un modèle de précocité et un aimant médiatique. La série Netflix Six Nations : au contact s'était incrustée au petit déjeuner dans la prospère demeure familiale l'an passé. La BBC lui a consacré un documentaire, Being Louis Rees-Zammit, avant la Coupe du monde en France, qu'il aura marquée de son empreinte avec cinq essais et une célébration à la Cristiano Ronaldo contre le Portugal. Le monde de l'Ovalie était sans doute trop étroit pour ce fan de CR7, bien né, bien peigné, bien hâlé, bien musclé, bien exploité (Adidas, boisson énergétique, SUV...), et qui aime s'afficher.
Mis à l'essai dans dix jours
Cela faisait quelque temps que la NFL, en quête de profils différents, lorgnait la fusée galloise, flashée à près de 39 km/h. La réciproque était vraie. « LRZ » a toujours été passionné de foot US. Virus paternel : Joe, originaire de Malte, a joué pour les Cardiff Tigers dans les années 1980. Il n'est pas le premier rugbyman à franchir le pas. Avant lui, l'ailier anglais Christian Wade, aujourd'hui au Racing 92, s'y est consacré pendant quatre ans, aux Buffalo Bills, sans disputer un seul match. Avec lui en Floride : Harry Mallinder, Darragh Leader et George Smith, trois autres joueurs britanniques. Mais le cas Louis Rees-Zammit raconte quelque chose de différent.
« Ce qui est nouveau [...], c'est qu'il a 23 ans et un sport à ses pieds, souligne le chef de l'IPP, James Cook, sur le site anglais de la NFL. Il peut faire ce qu'il veut dans le monde du rugby et choisit d'être ici. Le message envoyé est que l'IPP peut et devrait être une destination pour les meilleurs athlètes. » Certains, tel le double champion du monde sud-africain Handré Pollard, s'inquiètent de la « réaction en chaîne » que cet exil pourrait provoquer. Pour l'attrait financier ? Le salaire minimum annuel d'un rookie en NFL est de 690 000 euros. Et de 200 000 euros pour ceux qui incorporent une practice squad (équipe d'entraînement), soit moins que celui auquel LRZ a renoncé en quittant Gloucester (260 000 euros, selon The Telegraph).
Le Gallois veut être « une source d'inspiration », a-t-il confié à la BBC, et rêve de remporter le Super Bowl dans les cinq prochaines années. Si ses capacités athlétiques ont impressionné ses entraîneurs à l'IMG Academy de Bradenton, son adaptation tactique et technique reste incertaine. Dans dix jours, à l'université de South Florida, en clôture des dix semaines de camps, il sera mis à l'essai lors du « pro day » devant une flopée de scouts NFL. Depuis 2017 et le lancement de l'IPP, 37 joueurs ont signé avec des franchises, mais seuls cinq y ont intégré un effectif. « Si ça marche, j'ai dix ans pour essayer de pratiquer le sport que j'ai aimé regarder en grandissant, philosophe l'intéressé. Sinon, je peux revenir au rugby et jouer au sport que j'aime pratiquer. » ■
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