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Isabelle Mejean : « Diversifier les approvisionnements est la solution pour lutter contre la dépendance »

Professeure à l’École polytechnique, Isabelle Mejean a reçu le Prix meilleur(e) jeune économiste 2020 décerné par Le Monde et le Cercle des Économistes. Spécialiste du commerce international, elle explique les limites d’une politique de relocalisation des industries françaises. [Interview issue de « T » La Revue de La Tribune – N°2 Décembre 2020]
(Crédits : Marie-Amélie Journel)

On parle beaucoup de relocalisation en ce moment, mais vous dites que ce n'est pas forcément la bonne réponse. Pourquoi ?

Isabelle Mejean : On entend effectivement beaucoup parler de relocalisation, mise en avant comme un remède aux fragilités de la mondialisation. Mais on oublie souvent d'expliciter quels sont les maux de la mondialisation - et ils existent - que l'on souhaite traiter en relocalisant. On ne relocalise pas les mêmes activités pour traiter d'un manque de compétitivité, d'une trop forte dépendance à certains pays ou de problèmes environnementaux. Une fois l'objectif connu, il est plus facile de définir quels outils de politique économique sont les plus adaptés, la politique industrielle ciblée - ou relocalisation - en étant un parmi d'autres.

Mais la pandémie a montré la dépendance de la France, notamment dans le domaine de la santé...

Isabelle Mejean : Oui, à l'occasion de cette pandémie, les critiques ont d'abord porté sur le sentiment d'une trop forte dépendance de l'économie française à la production étrangère, pour les masques et autres. Tout d'abord, il est utile de bien spécifier la dépendance dont on parle. L'OMC a identifié environ 80 produits nécessaires à la lutte contre la pandémie, matériel de protection mais aussi matériel médical et médicaments. Quand on examine les chiffres du commerce mondial, on réalise que, pour environ la moitié de ces produits, l'Union européenne est le premier exportateur mondial, tandis que la dépendance vis-à-vis de l'Asie porte quasi exclusivement sur le matériel de protection - masques, gants, etc. En effet, l'Union européenne, et la France en son sein, a une spécialisation historique forte sur les produits pharmaceutiques et le matériel médical. Et de fait, un certain nombre de pays émergents ont émis des inquiétudes concernant l'accès aux médicaments et, quand il existera, au vaccin, dans un contexte de très forte dépendance de leurs économies aux produits pharmaceutiques européens et américains. Ces interdépendances sont une conséquence naturelle de la mondialisation, qui conduit les pays à se spécialiser. Cette spécialisation est une source de gains et de croissance pour les pays qui y participent. Elle peut aussi représenter un risque dans un contexte de tensions protectionnistes ou géostratégiques.

Mais que peut-on faire alors face à cette spécialisation induite par la mondialisation ?

Isabelle Mejean : Si cette spécialisation est inhérente à l'ouverture au commerce international, on observe depuis une vingtaine d'années une intensification du phénomène, à travers la « fragmentation des chaînes de valeur ». La plupart des produits complexes, comme les respirateurs ou même les masques FFP2, sont aujourd'hui réalisés via une succession d'étapes de production localisées dans différents pays. Cette fragmentation augmente beaucoup le phénomène d'interdépendances, car très peu de pays restent en capacité de disposer de toutes les étapes nécessaires à la production d'un bien. Cette fragmentation est une source de fragilité, on a pu le voir au début de la crise lorsqu'il y a eu des ruptures d'approvisionnement dans certaines chaînes de valeur du fait du confinement dès le mois de janvier en Chine. Mais c'est aussi un élément qui rend très compliquées les positions protectionnistes.

Quand les États-Unis menaçaient de ne plus exporter de masques FFP2 au Canada en pleine épidémie, ce dernier a fait valoir que les filtres de ces masques étaient fabriqués côté canadien et que le pays ne fournirait plus les États-Unis en cas de poussée protectionniste ! Dans ce contexte d'interdépendances fortes, récupérer de la souveraineté nationale peut s'avérer très compliqué puisqu'il faut relocaliser l'ensemble de la chaîne de valeur - ce qui implique un coût potentiellement élevé, à la fois pour les finances publiques et le consommateur qui paiera le surcoût de la production nationale. Par ailleurs, gagner en souveraineté dite « stratégique » nécessite de définir ce qu'est un produit stratégique, ce qui n'est évidemment pas chose facile et peut rapidement englober une part très substantielle de ce qu'on consomme aujourd'hui. Est-ce vraiment nécessaire ? En fait, le problème en matière de commerce international me paraît plutôt être la forte concentration de certaines productions au sein d'un très petit nombre d'entreprises. Cette concentration a augmenté et nous rend dépendants de décisions microéconomiques au sein de ces quelques entreprises. C'est évidemment une source de risque finalement assez similaire au risque dit « systémique » dont on a beaucoup parlé à la suite de la crise financière de 2008. Il suffit d'une défaillance au sein d'une de ces entreprises pour contaminer l'ensemble des chaînes de valeur auxquelles l'entreprise participe. On l'a vu, par exemple, lors de l'accident de Fukushima, qui a eu des effets bien au-delà de la zone du séisme. Quelle que soit la localisation de ces entreprises, en France ou en Chine, un tel niveau de concentration n'est pas une bonne idée. Il faut chercher des sources alternatives pour mieux diversifier nos réseaux d'approvisionnement. Souvent, l'offre existe pour diversifier, pas toujours en France, mais je ne pense pas que le sujet soit la localisation de la production.

Vous semblez privilégier la diversification des approvisionnements...

Isabelle Mejean : Oui, c'est la meilleure solution pour lutter contre la dépendance. Comme je le disais, dépendre d'un seul pays, voire d'une seule entreprise, pour l'approvisionnement d'un produit est clairement une source de risques. D'où l'idée d'au moins diversifier les sources d'approvisionnement. Cela vaut sans doute mieux, dans certains cas au moins, que de vouloir tout produire sur place en France. Par ailleurs, si le critère n'est plus celui de la dépendance à l'étranger mais du degré de concentration des approvisionnements, les zones de fragilité apparaissent plus limitées. Il y a beaucoup de produits sur lesquels la dépendance à l'étranger est élevée, mais finalement assez peu pour lesquels cette dépendance est très concentrée géographiquement. Cibler ces produits plus spécifiquement est un objectif politique atteignable. Le gouvernement français semble vouloir mettre en oeuvre une politique volontariste en matière de relocalisations.

Y croyez-vous ? Quels devraient être les principaux ingrédients d'une telle politique ?

Isabelle Mejean : Le plan de relance contient environ 1 milliard d'euros destiné à des politiques de relocalisation. C'est un montant très élevé. Est-ce que j'y crois ? Difficile de répondre, car l'efficacité de cette politique dépendra du ciblage, qui lui-même doit être adapté aux objectifs poursuivis. Si l'on ne spécifie pas clairement les objectifs et que l'on cherche à atteindre à la fois plus de souveraineté mais aussi plus de résilience, une plus grande compétitivité, une meilleure répartition des activités entre territoires, etc., on risque le saupoudrage, malgré l'effort financier. Parmi les objectifs annoncés, on a finalement assez peu parlé d'un problème préexistant à la crise pandémique : le manque de compétitivité de l'économie française, en particulier vis-à-vis de ses partenaires européens. Cette question n'a finalement pas grand-chose à voir avec les difficultés d'approvisionnement de ce printemps, mais c'est un problème beaucoup plus structurel et plus difficile à résoudre, car il nécessite à la fois des efforts de la France mais aussi une forte coordination avec le reste de la zone euro. Les politiques de soutien à l'offre, aides aux relocalisations mais aussi baisse des impôts de production font partie des ingrédients d'une politique visant à soutenir la compétitivité sur les marchés internationaux. Est-ce que ces ingrédients seront efficaces ? Peut-être, mais c'est difficile à dire, car il n'y a finalement pas beaucoup d'évidences empiriques sur ce sujet et, parmi les résultats empiriques, il y a plus d'exemples de choses qui ne marchent pas que de politiques qui fonctionnent bien... Sur les politiques de relocalisation, le risque est toujours celui des effets d'aubaine. On ne veut pas que les subventions bénéficient uniquement à des entreprises qui se seraient implantées de toute façon ou à des entreprises qui sont en capacité d'ajuster très facilement la localisation de leur activité de sorte qu'elles peuvent bénéficier de subventions puis relocaliser ailleurs une fois que les bénéfices des subventions sont consommés. Pour maximiser l'efficacité, il me semble que l'on peut miser sur les externalités territoriales, les « clusters d'activité ». Naturellement, les entreprises ont tendance à se regrouper géographiquement autour de pôles de compétence sectoriels, la plasturgie en Auvergne-Rhône-Alpes, l'aéronautique en Occitanie et en Nouvelle-Aquitaine. Ces effets dits « d'agglomération » traduisent un intérêt, pour les entreprises, à se localiser à proximité de fournisseurs, sur un bassin d'emploi avec des compétences proches des compétences recherchées. Encourager, par la politique industrielle, de tels effets d'agglomération peut être efficace à long terme. Mais cela implique également de renoncer à utiliser la politique industrielle pour faire de l'aménagement du territoire. Il est très difficile de créer de l'activité pérenne dans des territoires où il n'y a pas d'activité industrielle préexistante.

On parle aussi beaucoup de souveraineté stratégique, comment entendez-vous ce concept ?

Isabelle Mejean : Le concept est un peu plus clair que la simple idée de relocalisation. Il s'agit d'être moins dépendant de l'étranger sur certains produits stratégiques. Et donc de s'assurer que les compétences existent bien dans le pays afin d'augmenter la production nationale si nécessaire. Mais reste encore, comme je le soulignais auparavant, à définir ce qu'est un produit stratégique. De ce point de vue, le plan de relance est intéressant car il ébauche une liste de priorités : produits de santé, intrants critiques pour l'industrie, électronique, agroalimentaire, télécommunications. Ici, la question de la pertinence des produits ciblés relève plus de critères géopolitiques et géostratégiques qu'économiques. C'est intéressant de constater que dans la liste figurent un certain nombre de produits pour lesquels la France a plutôt des avantages comparatifs. C'est important, car l'argument de souveraineté stratégique peut être perçu comme une forme de protectionnisme et donner lieu à des mesures de représailles. Prenez la pharmacie, par exemple. C'est un secteur qui est très concentré, la Chine et l'Inde produisant beaucoup d'antibiotiques, quand l'Union européenne est à l'origine de 85 % des exportations mondiales de médicaments à base d'insuline et les États-Unis de 58 % des exportations d'hormones peptidiques.

Dans un monde marqué par une forme de protectionnisme stratégique sur ces secteurs, les pays à fort avantage comparatif vont perdre des parts de marché. Ce sont des exportations européennes qui manqueront à l'appel. Par ailleurs, les productions « relocalisées » sur des critères stratégiques ne seront pas nécessairement génératrices d'emploi. Les productions qui sont aujourd'hui effectuées dans des pays à coût du travail faible seront probablement faites en Europe avec des processus productifs plus capitalistiques, plus robotisés, sans forte création d'emplois manufacturiers.

Certains parlent de nationalisation en ce qui concerne des entreprises stratégiques, qu'en pensez-vous ?

Isabelle Mejean : Je n'ai pas d'avis tranché sur la question. Tant qu'à intervenir dans les choix de production sur le territoire national, pourquoi ne pas prendre une participation au capital d'entreprises dites « stratégiques », quitte à revendre ces participations plus tard, comme a pu le faire l'Allemagne ? La question est toujours celle de la capacité de l'État à cibler les « bons » secteurs, les « bons » investissements. En théorie, l'implication de l'État se justifie pour des activités susceptibles de générer des externalités positives, qui ne sont pas financées spontanément par le secteur privé parce que le bénéfice collectif dépasse les profits individuels ou parce que les risques sont élevés et difficiles à financer avec des apports privés. C'est sur ces critères que l'on va privilégier, par exemple, les investissements dans la Recherche et Développement, y compris des partenariats public-privé pour de la recherche appliquée. C'est aussi sur la base de tels arguments que l'on justifie la participation de l'État dans les efforts nécessaires à la transition écologique, à la fois sur les aspects technologiques et sur les investissements en infrastructures. Ici aussi, je pense qu'il ne faut pas que la crise que nous traversons remette complètement en cause les priorités préexistantes. Nous avons devant nous un défi majeur, celui de la transition écologique, qui nécessite un large effort budgétaire, en particulier de la puissance publique. Il est important que les débats sur la souveraineté économique ne fassent pas passer ces questions au second plan. Par ailleurs, il se trouve que ces investissements peuvent aussi servir la compétitivité française et européenne de demain. La transition écologique va créer de nouveaux marchés pour des produits plus économes en carbone. L'Europe est assez en avance sur ces questions. Développer ces marchés maintenant peut permettre aux entreprises qui se positionneront avec une avance technologique de dégager de la valeur ajoutée quand la demande européenne et mondiale s'intensifiera. Si les entreprises elles-mêmes ont du mal à investir dans ce domaine, du fait d'une rentabilité à court terme trop faible dans un contexte de fragilité financière liée à la crise économique, alors cela justifie encore plus un investissement public.

Comment faire émerger des champions français ou européens dans des secteurs qui en manquent cruellement, comme l'électronique ?

Isabelle Mejean : Difficile de répondre ! La seule façon pour qu'une entreprise se développe, c'est en bénéficiant d'un grand marché. C'est d'ailleurs ce qu'a apporté le marché unique en Europe. L'accès pour les entreprises européennes à un marché de 400 millions d'individus leur permet d'atteindre une taille critique qui les aide ensuite à se développer à l'international. On peut penser également aux partenariats, comme ceux qui ont été noués dans l'aéronautique européenne, très concurrentielle face au reste du monde. Au-delà du marché, les champions des pays riches se développent plutôt sur des niches technologiques, donc, ici encore, il faut miser sur les technologies du futur, grâce à l'investissement dans la recherche.

Faut-il non seulement produire plus localement, mais aussi produire mieux ?

Isabelle Mejean : Au-delà de la question d'échelle, soulignons d'abord que produire localement ne veut pas forcément dire produire de façon écologique, même si on économise en transport. La contribution des coûts de transport aux émissions agrégées reste relativement modeste, surtout quand on peut éviter les modes de transport les plus polluants que sont le transport routier et, surtout, le fret aérien. Par ailleurs, produire à grande échelle permet souvent des économies sur les émissions carbone, par rapport à la multiplication de sites de production de taille modeste. Toujours est-il que sur ce sujet, la bonne solution est en tout cas de produire de façon transparente, en prenant en compte les émissions de carbone et en informant les consommateurs. C'est pour cette raison que les économistes sont généralement partisans de ce système, qui permet aux prix de mieux refléter le contenu en carbone des biens de consommation, aux individus d'avoir une perception plus fine du coût écologique de leurs choix de consommation et aux entreprises d'internaliser les effets environnementaux de leurs choix technologiques. Sur ces sujets, il faut donc étendre le marché du carbone à d'autres secteurs de l'économie européenne, puis intégrer à la stratégie bas carbone les intrants importés d'un pays hors de l'Union européenne. Pour l'heure, c'est plutôt l'inverse que l'on observe. En moyenne, les produits importés les moins taxés se trouvent être les plus polluants, de sorte qu'on incite les entreprises à délocaliser leur pollution !

Quid de l'économie circulaire, des circuits courts, dont les emplois sont considérés comme non délocalisables ?

Isabelle Mejean : Pour l'instant, les emplois peu délocalisables sont les emplois de service, même si le poids des services a également tendance à augmenter dans le commerce international. L'économie circulaire, loin de mes domaines d'expertise, reste très marginale.

Si certaines entreprises relocalisent leur production en totalité ou en partie en France, le feront-elles en créant des emplois ou plutôt, pour déjouer le coût du travail, à l'aide de robots ? Dans ce cas, l'intérêt, pour un pays qui fait face depuis des années à un taux de chômage élevé, serait limité...

Isabelle Mejean : En effet, relocaliser la production textile en France, par exemple, se ferait largement dans des usines très robotisées, comme je l'ai déjà signalé. C'est vrai plus largement des productions qui ont été délocalisées dans des pays à faible coût du travail. Relocalisées en France, elles sont développées avec un niveau d'intensité en capital beaucoup plus élevé. Vous avez raison d'aborder la question du chômage, qui est un problème structurel majeur de l'économie française. Mais la solution à ce problème n'est probablement pas à chercher dans la relocalisation d'activités délocalisées dans des pays à bas salaires, qui ne contribuent que marginalement au déficit de la balance commerciale française. Le problème de compétitivité de la France, origine de son déficit commercial, vient principalement de ses relations avec ses partenaires européens, au premier rang desquels l'Allemagne, qui exporte beaucoup plus vers la France qu'elle n'importe de produits français. Et ici, l'argument du coût du travail n'est pas suffisant, puisque le coût du travail, au niveau du salaire minimum, est aujourd'hui légèrement plus faible en France qu'en Allemagne.

Dans tous les cas, des produits made in France risquent de coûter plus cher. Si certains citoyens sont d'accord pour payer plus, qu'en est-il des classes défavorisées ? Comment améliorer leur pouvoir d'achat ?

Isabelle Mejean : S'il y a aujourd'hui une demande citoyenne pour des produits de consommation made in France, il faut effectivement y répondre. Mais dans ce cas, le consommateur est en droit d'exiger une certaine forme de transparence, puisqu'il suffit parfois d'effectuer la dernière étape de production en France pour qu'une entreprise utilise cet argument marketing. Mais produire en France a effectivement un coût, qui se reflète nécessairement sur le prix pour le consommateur. Si certains peuvent se permettre de payer un peu plus pour une consommation jugée plus responsable, ce n'est pas le cas des ménages les moins aisés. La question du pouvoir d'achat est d'ailleurs directement liée à celle de la mondialisation, puisque les gains associés à l'ouverture au commerce se mesurent d'abord en pouvoir d'achat. L'augmentation du commerce avec la Chine entre le milieu des années 1990 et la fin des années 2000 aurait ainsi augmenté le pouvoir d'achat d'environ 1 000 euros par ménage. Renoncer à ces gains n'est pas possible pour un certain nombre de ménages les plus pauvres. Améliorer le pouvoir d'achat de ces ménages passe alors nécessairement par des outils fiscaux redistributifs.

Quel est, selon vous, l'avenir de la mondialisation et du commerce international ? Faut-il davantage réglementer ce commerce international?

Isabelle Mejean : Le risque aujourd'hui est celui de la montée des protectionnismes. En période de crise économique, les tentations de repli souverainiste sont souvent grandes et pourraient renforcer les tensions existant avant la crise du coronavirus, et qui se sont matérialisées à travers le vote sur le Brexit ou l'élection de Donald Trump avec le slogan de l'America First. Une montée des protectionnismes ne facilitera pas la sortie de crise et se révélera catastrophique pour un certain nombre de pays en développement dont les économies sont souvent très dépendantes des échanges internationaux. Je pense que l'Europe a un rôle important à jouer en continuant à s'appuyer sur l'échange comme un facteur de croissance. Les négociations sur le Brexit sont peut-être l'occasion de rappeler les bénéfices du marché unique et l'importance pour nos économies de participer à une union douanière intégrée et unie. Mais les économies européennes doivent aussi se coordonner pour résoudre les problèmes de déséquilibres macroéconomiques qui caractérisent la zone euro depuis une quinzaine d'années. Dans les débats sur le plan de relance européen, on a beaucoup parlé de solidarité européenne, et c'est une bonne chose. La construction européenne s'est également faite sur des valeurs de solidarité. Mais on a moins parlé de la persistance des déséquilibres des comptes courants en Europe, qui nécessitent un rééquilibrage de la demande des pays du Sud vers les pays du Nord.

Certains parlent de démondialisation. Quelle est votre position sur ce sujet ?

Isabelle Mejean : Je ne souhaite pas cette démondialisation. Mais il me semble également utile d'être réaliste sur certains travers du fonctionnement de nos économies mondialisées. La forte concentration de l'activité sur les marchés internationaux dont j'ai parlé est à mon avis un problème important. Elle rend nos économies plus vulnérables à des chocs microéconomiques. Et elle affecte également le partage des gains de la mondialisation quand une part substantielle des échanges se fait au sein d'entreprises multinationales qui peuvent exploiter la complexité des règles fiscales internationales pour échapper largement à l'impôt.

Cet article est extrait de "T" La Revue de La Tribune - N°2 - Fabriquer (tout) français ? Le nouveau rêve de l'Hexagone - Décembre 2020 - Découvrez la version papier

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Commentaire 1
à écrit le 09/04/2021 à 9:09
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Rien n'a été relocalisé si ce n'est les entreprises polluantes du fait de la volonté de la Chine de "ne plus être la poubelle du monde" mais surtout de sa population qui ose manifester contre la pollution massive, dans une dictature, c'est pour dire ...

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