De 47 milliards de dollars de valorisation début septembre à 8 milliards fin octobre. En deux petits mois, la licorne WeWork, champion mondial du coworking, a vécu une descente aux enfers spectaculaire. La pépite californienne allait s'introduire en Bourse, mais sa valorisation a fondu comme neige au soleil face à l'œil avisé des investisseurs. Après plusieurs réductions substantielles de son prix d'introduction, la bulle s'est dégonflée. Les failles d'un modèle économique bancal ont été exposées au grand jour, l'IPO est tombée aux oubliettes et l'entreprise s'est retrouvée tout d'un coup sans cash et dans le rouge : - 1,25 milliard de dollars de pertes au seul troisième trimestre.
Sauvé in extremis par son principal investisseur, le japonais SoftBank (qui a doublé sa mise avec 8 milliards de dollars réinvestis fin octobre pour éviter le crash), WeWork restera comme un cas d'école de la survalorisation de certaines pépites de la tech. Un symbole des limites du modèle startup, caractérisé par une course folle à la croissance au mépris de la rentabilité. N'est pas Google, Facebook ou Amazon qui veut !
"Le cas WeWork n'est pas systémique"
Le brutal retour sur terre de WeWork signifie-t-il pour autant que 2020 va voir exploser la fameuse « bulle de la tech » dont on parle depuis des années ? Rien n'est moins sûr. "Le cas WeWork n'est pas systémique. Toutes les licornes ne sont pas survalorisées et il ne faut pas oublier que l'ampleur de la bulle WeWork reste exceptionnelle", nuance Nicolas Celier, investisseur chez Ring Capital. Autrement dit : valoriser énormément des entreprises déficitaires n'est pas forcément un problème si leur capacité à scaler pour devenir un leader mondial est réelle.
C'était le problème de WeWork, qui, derrière ses allures de startup tech, est en fait une simple foncière. Avec trois désavantages : des coûts fixes énormes (des locaux dans plus de 110 villes), pas de barrières technologiques à l'entrée pour la protéger des autres startups, et une concurrence féroce des acteurs traditionnels de l'immobilier partout dans le monde. "Le modèle startup marche très bien pour les entreprises du logiciel, comme Google ou Facebook, car les coûts fixes évoluent peu, donc l'hypercroissance aboutit forcément au bout de quelques années à combler les pertes puis à dégager toujours plus de profits", ajoute l'investisseur.
Les investisseurs ont toujours les poches pleines
La baffe WeWork pourrait donc contribuer à davantage de rationalité, donc dégonfler la bulle autour de pépites qui n'entrent pas dans ce cas de figure, soit parce qu'elles peinent à croître autant qu'il faudrait pour dégager des profits (Uber, Snapchat...), soit parce que leurs coûts fixes sont énormes (Netflix qui doit dépenser toujours plus pour son catalogue...).
Longtemps placé dans cette liste noire des licornes survalorisées à gros risque de crasher, Airbnb, rentable depuis à peine un an, a fini par donner raison à la patience de ses investisseurs, même si ses positions demeurent fragiles. Plus que jamais, la confiance reste la clé dans l'économie numérique. Grâce aux taux bas et à l'afflux de liquidités pour financer l'innovation, et en attendant une hypothétique crise financière, les investisseurs ont toujours les poches pleines, aux États-Unis comme en France et en Europe, pour prendre des risques.
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