Au data center de Pantin, Equinix connecte le monde économique

Dans cet espace ultra-sécurisé de 16.000 m2, de plus en plus d’entreprises, des stars du digital comme Criteo aux mastodontes tels Engie, ne veulent plus simplement stocker et sécuriser leurs données. Elles cherchent aussi la proximité d’autres acteurs avec qui elles travaillent ou utilisent leurs applications.
Pierre Manière
Pour protéger leurs serveurs, certaines entreprises installent des caméras et des digicodes.

Au cœur de la ville de Pantin, en banlieue parisienne, l'énorme bâtisse blanche s'étend sur plusieurs dizaines de mètres. Juste en face, derrière un grillage, s'étendent de longues voies ferrées. Il faut dire que cet immense data center a été bâti sur un ancien centre de tri postal de la SNCF. Son propriétaire ? L'américain Equinix, qui opère une centaine de data centers dans le monde, pour un chiffre d'affaires de 2,44 milliards de dollars en 2014. Elevé il y a un peu plus de 3 ans, le « campus » de Pantin dispose d'une capacité totale de 16.000 m2 pour accueillir les « baies » de ses clients, c'est-à-dire les milliers de serveurs informatiques où sont stockés leurs monceaux de données.

L'endroit, presque dépourvu de fenêtres, est un véritable coffre-fort. Pour pénétrer dans ces lieux, la cinquantaine d'employés présents disposent tous d'un badge, et doivent se plier à un contrôle biométrique en posant la main sur une machine dédiée. « De l'entrée à l'accès aux serveurs, il y a sept points de contrôle », explique Fabien Gautier, directeur en charge du marketing et du développement d'Equinix France. Certains de ses clients vont même encore plus loin : ils rajoutent des digicodes et même des caméras qui détectent automatiquement les mouvements pour surveiller leurs précieux serveurs. Beaucoup se montrent discrets sur leur implantation et refusent d'indiquer leur nom devant leurs matériels.

Des allures de vaisseau spatial

A tous les étages, de longs corridors donnent accès aux salles où les entreprises louent des espaces, séparés par des grillages, pour stocker leurs données. Le ronronnement des machines est permanent. Au sol, des néons bleus et rouges bordent les armoires où sont empilés les équipements informatiques, d'où s'échappent des centaines de câbles et de fibres optiques. Ces couleurs - qui dans la pénombre ambiante donnent aux lieux des allures de vaisseau spatial - n'ont rien de décoratif. Le rouge marque les endroits où s'échappe la chaleur générée par les machines, et le bleu, ceux où un air réfrigéré est envoyé pour les refroidir. Un impératif pour préserver les équipements : sans cela, ils risqueraient de surchauffer, et donc de griller, occasionnant au passage d'importantes pertes de données.

A l'entrée des salles, figurent des espaces particulièrement protégés, où seuls les techniciens et ingénieurs d'Equinix ont droit d'accès. Il s'agit des « Meet Me Rooms ». Les entreprises présentes dans le data center peuvent y connecter physiquement leurs installations aux fournisseurs d'accès à Internet (FAI) et opérateurs télécoms de leur choix. Equinix en compte ici 160. Parmi eux, on retrouve tous les cadors français (Orange, Numericable-SFR, Free et Bouygues Telecom), internationaux (comme Deutsche Telekom, l'espagnol Telefonica ou le japonais NTT Docomo), ainsi que des dizaines d'autres acteurs plus petits.

Grande consommation électricité

Comme tous les data centers, entre l'alimentation des serveurs et les systèmes de climatisation, le bâtiment est (très) gourmand en électricité. Surtout, son alimentation doit être impérativement assurée en continu. Pour ce faire, la bâtisse dispose de batteries, et sur les toits, de plusieurs gros générateurs diesels.

« Si une coupure d'électricité survient, nos batteries prennent immédiatement le relais, explique Fabien Gautier. Elles permettent de subvenir à nos besoins pendant environ 15 minutes. C'est le temps nécessaire pour démarrer les générateurs diesels, qui prennent ensuite le relais. Ceux-ci sont alimentés grâce à des cuves de fioul enterrées à proximité du data center. S'il le faut, on a de quoi tenir trois jours. »

Au total, d'après Equinix, le coût total du data center (son quatrième en France) avoisinera les 230 millions d'euros. Ce montant n'a pas encore été totalement atteint, puisque pour l'heure, seuls un peu moins du tiers de l'espace disponible a été aménagé.

Le lieu où les entreprises s'interconnectent

Sur le site, Equinix dispose actuellement de 350 clients. Il y a d'abord, bien sûr, les FAI et opérateurs télécoms, qui relient le data center aux réseaux de l'Hexagone. Acteurs essentiels, beaucoup sont des clients historiques : ils se sont installés sur ce type de site à la fin des années 1990, lorsque le marché des télécoms, fait jusqu'alors de monopoles nationaux (avec France Telecom en France par exemple) s'est ouvert. A l'époque, les data centers constituaient des portes d'entrée de choix pour prendre pied à l'étranger, à moindre coût, dans des pays où ils n'avaient ni bâtiments et ni infrastructures. Cela leurs permettait de se raccorder aux réseaux existants, et ainsi d'accompagner leurs clients à l'international. Chez Equinix à Pantin, ils représentent un peu moins de la moitié des clients.

Les autres acteurs présents sont logiquement les sociétés de services informatiques, et les acteurs de l'économie du Net (comme Google ou Facebook), qui cherchent à se rapprocher au plus près de leurs clients. Confidentialité oblige, Equinix ne peut citer qu'un tout petit nombre de ses clients. Reste que depuis peu, la société accueille Criteo, le spécialiste français du ciblage publicitaire sur Internet.

« Criteo a besoin de ce type d'endroit hyper connecté, où se trouvent les annonceurs avec lesquels ils travaillent », nous expliquait Régis Castagné, le DG d'Equinix France, en mai dernier. Concrètement, cette proximité permet à Criteo de bénéficier d'une réactivité optimale au moment d'acheter la publicité qui s'affichera à l'écran de l'internaute, presque immédiatement après avoir cliqué sur une page.

Le cloud, le big data et l'IoT dopent la demande

A côté de ces acteurs du Net, de plus en plus d'entreprises traditionnelles fond leur nid dans le data center. « On en a environ 70 - dont 25% du CAC 40 -, contre seulement 10 il y a trois ans », constate Fabien Gautier, qui se félicite notamment de la présence d'Engie dans ses murs. D'après lui, ces entreprises sont de plus en plus en quête d'« un large écosystème » lorsqu'elles s'installent : comme Criteo, elles souhaitent tirer profit de la présence sur place d'autres acteurs avec qui elles travaillent. Pour Fabien Gautier, la tendance va crescendo, notamment avec l'essor du cloud, du big data, et de l'Internet des objets.

Pour illustrer son propos, il prend en exemple « un constructeur automobile » qui souhaite « connecter ses milliers de voitures » :

« Toutes les informations récoltées par les capteurs des automobiles transitent par le réseau mobile, et atterrissent sur des serveurs. En les implantant dans un data center, notre constructeur pourra, sans perdre de temps, faire analyser ces informations brutes par un spécialiste du big data également présent sur place. Avant de renvoyer les données vers ses voitures. »

Dans cet exemple, si les serveurs du constructeurs et ceux du spécialiste du big data n'étaient pas dans le même data center (et trop éloignés géographiquement), les échanges d'informations prendraient plus de temps. Et l'automobiliste, qui les réceptionnerait avec un certain retard, en pâtirait.

Pour Fabien Gautier, les entreprises vont donc avoir « de plus en plus besoin d'être interconnectées ». Ce qui, parie-t-il, devraient les pousser à toquer à sa porte ces prochaines années.

Pierre Manière

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Commentaire 1
à écrit le 25/01/2016 à 15:35
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Les entreprises se protègent bien sûr le fixe mais les mobiles sont de véritable passoire seul une entreprise de Suresnes propose une protection voix et data pour les mobiles ! J ai testé le produit Squareway by Vivaction 👍👏

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