Chez Amazon, un projet de réseau social interne où les employés ne pourraient rien dire de "fâcheux"

Selon la presse américaine, Amazon préparerait un projet de réseau social interne... totalement censuré. Ses concepteurs espèrent s'en servir pour améliorer la productivité des employés à travers un système de récompenses numériques, mais sans valeur financière. Et dans le cas où les employés souhaiteraient échanger sur leurs préoccupations, tous les mots renvoyant à des sujets fâcheux pour l'entreprise seraient censurés, comme "syndicat", "augmentation de salaire", "esclave" ou encore "je déteste". Amazon a démenti.
François Manens
(Crédits : Reuters)

Amazon a décidément une bien étrange conception de la liberté d'expression. Après avoir lutté pendant des années contre la création de syndicats -le premier a vu le jour en fin de semaine dernière, une victoire historique pour les salariés-, le géant de l'e-commerce se préparerait à lancer un réseau social interne totalement censuré, d'après le site The Intercept. Le site américain a obtenu des documents sur un projet en discussion depuis novembre 2021. L'idée : permettre aux travailleurs de valoriser les performances de leurs collègues à travers des "shout-outs", une forme de mise en avant sur le réseau. A cette mesure s'ajoute un système de récompenses sous forme de badges (mais sans valeur), à obtenir lors de la réalisation d'activités bénéfiques pour le business de l'entreprise.

La direction d'Amazon espère qu'un tel dispositif permettrait de booster le moral et la productivité des employés. Mais d'après les documents obtenus par The Intercept, les dirigeants anticipent déjà le potentiel retour de flamme de ce genre d'outil, au point d'envisager d'exclure par des filtres le moindre sujet fâcheux : insultes, harcèlement, mais aussi... syndicalisme.

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Une modération stricte pour garder la positive attitude

Concrètement, le site américain a obtenu une liste de mots et d'expressions potentiellement bannies, dans l'objectif de filtrer toute once de négativité. On y retrouve les expressions "je déteste", "j'en ai rien à faire", ou encore "cela m'inquiète". Mais surtout, elle contient tout un ensemble de termes liés à la lutte syndicale et à la critique des conditions de travail tels que "syndicat", "augmentation de salaire" et "esclave". Tout message contenant ces mots serait immédiatement bloqué, sans que le destinataire ne le voit. En résumé : les porteurs du projet préfèrent imposer une modération extrêmement stricte plutôt que de risquer que l'app soit utilisée contre leurs intérêts.

Suite à la publication par The Intercept de la liste de mots, une porte-parole d'Amazon a précisé qu'elle ne serait en aucun cas déployée telle quelle : "si cette application voit le jour à l'avenir, il n'a aucun plan pour que la plupart des mots que vous citez ne soient filtrés. Les seuls types de mots qui seraient filtrés, sont ceux insultants ou relevants du harcèlement, dans le but de protéger nos équipes." Elle rappelle également que le projet n'a pas encore été approuvé et pourrait drastiquement changer voire ne jamais être déployé.

Chez Amazon, la peur des syndicats

Reste que ces révélations affichent une fois de plus les inquiétudes d'Amazon face à la constitution de syndicats, notamment après que les conditions de travail dans ses entrepôts ont été vivement critiqués pendant la crise Covid.

Mais les employés continuent de gagner du terrain : vendredi 2 avril, l'entreprise de Jeff Bezos a concédé la première création d'un syndicat d'employés américains, dans un entrepôt de Staten Island à New York. Si la représentation syndicale est inscrite dans la loi en France, elle est encore dénigrée et combattue par une majorité de dirigeants aux Etats-Unis. Fin mars, un document émis par le ministère américain du travail révélait qu'Amazon avait ainsi payé plus de 4,3 millions de dollars de frais de consultants sur l'année 2021 pour mettre en place sa stratégie anti-syndicats.

Le géant américain envisage désormais de déposer un recours contre la création du syndicat. Mais la tendance semble déjà bien enclenchée dans d'autres entrepôts, et difficile d'imaginer qu'une application de mise en valeur du travail ralentisse le phénomène.

François Manens

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Commentaire 1
à écrit le 05/04/2022 à 13:21
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ET notez comme aucun membre de la classe dirigeante ne trouve à redire sur Amazon alors que s’acharnait sur Facebook,ben oui la liberté pour les actionnaires milliardaires d'humilier les oui oui tout va bien, mais la liberté d'expression non c'est le...

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