ChatGPT, Copilot : comment Microsoft a touché le jackpot avec OpenAI

Microsoft s'apprêterait à investir 10 milliards de dollars dans la startup d'intelligence artificielle OpenAI, créatrice des outils ChatGPT et Dalle-E, ce qui lui permettrait de détenir 49% de son capital à terme. Cette enveloppe renforcerait un partenariat débuté en 2019, poursuivi en 2021 avec Copilot pour les développeurs, et qui offre à Microsoft un accès prioritaire aux technologies de la startup afin de l'intégrer à ses logiciels. Le géant de la tech a donc la main sur une des startups les plus en vue du moment, capable de bouleverser le milieu de l'intelligence artificielle, et il ne compte pas lâcher cet avantage.
François Manens
Microsoft s'apprêterait à investir 10 milliards de dollars dans OpenAI.
Microsoft s'apprêterait à investir 10 milliards de dollars dans OpenAI. (Crédits : OpenAI)

En 2019, Microsoft faisait un pari en investissant un milliard de dollars dans OpenAI, une startup alors peu connue du grand public mais très prometteuse, spécialisée en intelligence artificielle. Le géant du logiciel n'entrait pas au capital, mais s'offrait un partenariat privilégié avec une pépite possiblement révolutionnaire grâce à ses technologies du traitement du langage naturel et ses chercheurs parmi les meilleurs de leurs domaines. Non seulement OpenAI entraînerait ses modèles d'intelligence artificielle très demandeurs en capacité de calcul sur Azure, l'infrastructure de Microsoft, mais elle lui donnerait aussi un accès commercial privilégié à ses technologies.

Trois ans plus tard, OpenAI a délivré au-delà de toutes les espérances de Microsoft en lançant coup sur coup trois outils impressionnants : Codex, une IA capable de traduire le langage naturel en code informatique ; DALL-E 2, un générateur d'image à partir d'une phrase donnée par l'utilisateur ; et ChatGPT, un chatbot capable de répondre à une immense variétés de questions, de suivre des consignes, ou encore de rédiger des textes entiers. Impressionnants technologiquement, les trois outils ont conquis le grand public en fin d'année d'année dernière, ouvrant de nouvelles perspectives à l'intelligence artificielle.

Ravi de ces résultats, Microsoft cherche maintenant à intégrer les outils d'OpenAI à ses logiciels. Il s'apprêterait donc à réinvestir pour renforcer le partenariat existant, cette fois à hauteur de 10 milliards de dollars, d'après Semafor. Au terme d'un accord financier complexe, le géant de la tech obtiendrait 49% du capital de la startup.

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Copilot, première réussite de l'alliance Microsoft OpenAI

Sans résultat visible pendant près de trois ans, le partenariat entre Microsoft et OpenAI a fait émerger en 2021 un premier produit, nommé Copilot, intégré à l'interface de GitHub (une des filiales de Microsoft, rachetée en 2018) un an plus tard. Cet assistant à destination des développeurs informatiques suggère des lignes de code à partir de commandes en langage naturel. Par exemple, si l'utilisateur écrit « trouve les images et colorie leurs bordures en vert », Copilot va proposer du code pour mettre la commande en œuvre, que l'utilisateur peut immédiatement intégrer. GithHub affirme que Copilot écrit jusqu'à 40% du code de ses clients -le pourcentage varie en fonction du langage de programmation employé. Mieux, l'entreprise prévoit que ses produits nourris à l'IA permettront de générer environ 80% du code des développeurs d'ici à 2027. Un véritable game-changer.

Derrière cette fonctionnalité essentielle au futur de GitHub se trouve OpenAI Codex, un modèle d'intelligence artificielle créé sur mesure. Entraîné sur un jeu de données constitué par plus de 54 millions de dépôts public hébergés par GitHub -c'est-à-dire des milliards de lignes de code accessibles publiquement-, Codex permet donc de traduire les commandes du langage naturel (en français ou en anglais, par exemple) en langage de programmation. Il peut ainsi le faire avec plus d'une douzaine d'entre eux, comme Python et JavaScript.

En partie grâce au million d'abonnés à Copilot, GitHub a dépassé cette année la barre du milliard de dollars de chiffre d'affaires récurrent. Son dirigeant, Thomas Dohmke, ambitionnait récemment dans La Tribune que la « nouvelle ère » de la programmation débloquée par l'intelligence artificielle, ferait de GitHub un pilier du groupe Microsoft, à la fois dans son fonctionnement et en termes de revenus.

ChatGPT peut-il donner une nouvelle vie au moteur de recherche Bing de Microsoft ?

D'après The Information et le Wall Street Journal, Microsoft voudrait réitérer ce succès dans ses autres logiciels, avec des IA intégrées à sa suite de bureautique Microsoft 365 (Word, Powerpoint, Excel, Outlook...). Sur la messagerie Outlook, l'intégration des outils d'OpenAI permettrait de retrouver plus facilement les emails lors d'une recherche, de proposer des modèles de réponse pour gagner du temps, ou encore de suggérer des tournures de phrases alternatives. Les possibilités sont nombreuses, et des professionnels s'approprient déjà ces usages de ChatGPT. OpenAI réfléchit déjà à sa monétisation, afin d'espérer dépasser son objectif d'un milliard de dollars de chiffre d'affaires à court terme.

En parallèle, Microsoft songe également à intégrer le puissant chatbot à son moteur de recherche Bing, qui peine à exister face au géant Google (3% de parts de marché contre 92,6%). ChatGPT fournirait des réponses en tête des recherches, plutôt que des liens accompagnés de quelques lignes. Mais cette intégration demanderait des ajustements : le modèle a été entraîné sur une base de données fixe -des milliards de lignes de textes aspirées sur le web entre 2020 et 2021-, et ne se met donc pas à jour. Ce manque de dynamisme a pour conséquence qu'il donne parfois des réponses incorrectes ou dépassées.

De plus, le chatbot ne fait que reproduire des tournures et des raisonnements qu'il a étudié : si le matériau de base est incorrect, la réponse de l'outil sera incorrecte, ce qui signifie que ChatGPT manque de fiabilité. Autrement dit, non seulement, une éventuelle intégration à Bing devrait comprendre une mise à jour continue de ChatGPT, mais aussi des précautions dans la présentation des résultats de recherche. Quoi qu'il en soit, cette possibilité inquiète suffisamment Google pour qu'il organise déjà sa riposte. La menace est d'autant plus grande que Microsoft a déjà commencé à intégrer DALL-E 2 dans un créateur d'image exclusif à Bing.

Microsoft, futur actionnaire à 49% de ChatGPT

Avant même la sortie de ChatGPT en décembre 2022, Microsoft et OpenAI avaient entamé les discussions sur un nouvel investissement. Le milliard de dollars injecté en 2019 ne devait servir de carburant que pour cinq ans. D'après le média Semafor, Microsoft serait donc prêt à mettre 10 milliards de dollars de plus sur la table, sous la forme d'un accord peu commun : le géant de la tech récupérerait 75% des bénéfices de OpenAI jusqu'à ce que la somme soit remboursée, puis la structure de la startup changerait. Microsoft obtiendrait alors 49% des parts de l'entreprise, les autres investisseurs 49% également, tandis que l'entreprise mère du bras commercial d'OpenAI, à but non lucratif, garderait 2% du capital. Comme le souligne Semafor, les contours de cette opération ne sont pas encore figés dans le marbre.

En parallèle, OpenAI cherche actuellement à vendre une partie de son capital (dont des parts détenus par ses employés), à hauteur de 300 millions de dollars, ce qui valoriserait l'entreprise à plus de 29 milliards de dollars d'après le Wall Street Journal, soit deux fois plus qu'en 2021. Cette performance serait exceptionnelle dans un contexte de réduction des investissements, alors même qu'elle ne génère que très peu de revenus. Parmi les acheteurs potentiels se trouveraient Founders Fund (AirBnB, Stripe, SpaceX...) et Thrive Capital (Robinhood...). Ces derniers mois, le CEO d'OpenAI Sam Altman a répété que sa société ne prévoit ni d'être rachetée, ni d'entrer en Bourse. Elle a d'ailleurs pris des mesures pour limiter les profits réalisés par les investisseurs à 20 fois leur mise de départ, dans l'espoir qu'ils s'engagent sur le long terme.

OpenAI s'éloigne-t-il de sa promesse initiale ?

Lancée en décembre 2015, OpenAI avait l'ambition de créer à terme une intelligence artificielle capable de reproduire le fonctionnement du cerveau humain -plus connu sous l'acronyme « A.G.I. »- dans le but d'adresser de grands enjeux comme la lutte contre le réchauffement climatique. Cette startup pas comme les autres était donc financée à hauteur de 1 milliard de dollars dès sa création par de grands investisseurs de la Silicon Valley, parmi lesquels Elon Musk (Tesla, SpaceX...), Peter Thiel (PayPal, Palantir...), Reid Hoffman (LinkedIn) ou encore Sam Altman (Y Combinator), ce dernier prenant la tête du projet. OpenAI comptait aussi sur le soutien de Yoshua Bengio, un des pères de l'intelligence artificielle, et recrutait les meilleurs talents du marché à coups de salaires mirobolants.

Pour encadrer ses recherches, la startup s'est dotée en 2018 d'une charte, qui contient ses grands principes éthiques. Elle s'engage notamment à s'assurer que ses recherches œuvrent pour le bien commun de l'humanité, à pousser à la coopération avec d'autres acteurs du milieu, et à publier les résultats de ses recherches en open source (accessibles gratuitement pour tous, ndlr). Afin de garantir l'application de ses principes, les fondateurs d'OpenAI avaient opté pour le statut d'organisation à but non lucratif.

Problème : l'absence de modèle économique a rapidement transformé OpenAI en machine à brûler des liquidités, malgré des résultats de recherche remarqués. C'est pourquoi en 2019, le CEO Sam Altman a créé une seconde société, OpenAI LP, cette fois à but lucratif. Cette nouvelle entité reste sous la coupe de la précédente organisation, mais elle vise à lever plus facilement des fonds, et à commercialiser ses technologies « pré-A.G.I. ». C'est donc dans cette branche lucrative que Microsoft investit, avec pour l'objectif de garder une avance sur ses concurrents grâce aux modèles d'intelligence artificielle de la pépite. Reste désormais à savoir si la quête de rentabilité ne conduira pas OpenAI à progressivement se détourner de son but initial.

François Manens

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