Google affirme avoir atteint la suprématie quantique mais IBM conteste toujours l'exploit

Fuitée un mois plus tôt, l'annonce de Google sur la suprématie quantique a été officiellement publiée dans la revue scientifique Nature, quasiment à l'identique. Le principal concurrent de Google, IBM, maintient lui aussi ses critiques sur la performance de son rival.
François Manens
L'annonce de Google confirme que les attentes autour de l'informatique quantique pourraient se réaliser.
L'annonce de Google confirme que les attentes autour de l'informatique quantique pourraient se réaliser. (Crédits : CHINA STRINGER NETWORK)

C'était un secret de polichinelle depuis la fuite d'une première version de l'article. Mais cette fois, c'est officiel, et publié dans la revue scientifique Nature : Google affirme avoir réalisé la suprématie quantique, pour un calcul très précis. Ce terme qualifie le moment où l'ordinateur quantique résout un calcul insolvable par un ordinateur classique. Dans l'article, l'entreprise californienne explique que selon ses simulations, il faudrait 10.000 ans au plus puissant ordinateur classique, propriété d'IBM, pour arriver au même résultat. La machine de Google, dotée de 53 qubits, l'a quant à elle démontré en 200 secondes. La suprématie quantique était très attendue avec l'augmentation de la puissance des ordinateurs quantiques, car elle prouverait que les espoirs placés dans la technologie depuis près de 40 ans sont justifiés.

Lire aussi : Google a-t-il oui ou non atteint la suprématie quantique ?

Résultat critiqué, mais avancée confirmée

Mais tout le monde n'est pas d'accord avec les résultats de Google, à commencer par son concurrent IBM. Les deux entreprises américaines tiennent la tête de la course des constructeurs d'ordinateurs quantiques. Elles utilisent en outre la même technologie - alors qu'il en existe près d'une dizaine, portées par Microsoft, IonQ ou encore le Centre de l'Énergie Atomique (CEA) - pour y parvenir. Elles sont donc frontalement opposées. IBM affirme que son concurrent a mésestimé certains paramètres dans sa simulation. D'après lui, le calcul de Google pourrait être réalisé par un calculateur classique, en deux jours et demi dans le pire des cas.

"La bagarre sur les benchmark [standards de référence, ndlr] est une habitude dans ce domaine, mais ça ne remet pas fondamentalement en cause les résultats. En revanche, je rejoindrais IBM dans le sens où le terme 'suprématie' est peut-être trop fort, mais le résultat de Google n'en reste pas moins une étape-clé de l'informatique quantique", éclaircit Christophe Jurczak, managing partner du fonds spécialisé Quantonation.

Lire aussi : Le pari fou du fonds français Quantonation, l'un des rares spécialistes au monde du quantique

Prouver la suprématie quantique est réalisable en théorie, mais s'avère extrêmement complexe. Les affirmations se basent donc sur des projections - soumises à des interprétations - plutôt que sur des calculs qui auraient été réalisés sur des super-ordinateurs aux calculs coûteux.

De son côté, le CEO de Google Sundar Pashai a balayé la critique, dans une interview accordée au MIT Technology Review : "les personnes qui participent à la communauté comprennent exactement ce que signifie le passage de cet étape." Un porte-parole de l'entreprise a ajouté que Google avait testé ses simulations sur un super-ordinateur, et que si leur estimation s'avérait fausse aujourd'hui, elle le serait demain avec quelques qubits de plus.

Lire aussi : Comment Google doit prouver la suprématie quantique

Comme le premier vol en avion

Pour expliquer le caractère rudimentaire de l'expérience de Google, sans application directe, Sundar Pashai compare son annonce avec le premier vol en avion.

"Le premier avion n'a volé que pendant douze secondes, donc il n'y avait pas d'application pratique à cette avancée. Mais il a démontré qu'il était possible de faire voler un avion", compare le CEO dans les colonnes du MIT Technology Review.

Tout comme l'avion, l'ordinateur quantique va devoir prouver que ses capacités de calcul augmentent au même rythme que sa puissance. Mais de l'avis des experts, plus d'une décennie nous sépare de l'ordinateur quantique parfait, capable de réaliser toutes les promesses de la technologie. En revanche, les ordinateurs des cinq prochaines années pourraient montrer les premiers avantages quantiques sur quelques applications, notamment dans la résolution de problèmes d'optimisation en chimie, finance, ou santé.

"Lorsque les ordinateurs auront entre 100 et 300 qubits et que nous aurons les premières applications concrètes, ce sera plus facile de démontrer la suprématie quantique, car nous n'aurons pas besoin de mobiliser des méga-ordinateurs", se projette Christophe Jurczak.

En tout cas, Google considère l'informatique quantique comme un enjeu essentiel. Le CEO compare sa portée à la révolution récente amorcée par l'intelligence artificielle (et plus particulièrement le deep learning). En revanche, il a refusé de communiquer sur les moyens humains et financiers déployés pour le projet.

Lire aussi : L'écosystème français de l'informatique quantique : ses atouts, ses faiblesses

François Manens

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Commentaires 7
à écrit le 25/10/2019 à 23:42
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Google a peut-être atteint la « suprématie quantique » avec un calcul réalisé en trois minutes au lieu de 10.000 ans mais il est toujours incapable de fournir, pour le 1,5 milliard d’utilisateurs de Gmail, la basique fonction « justifier le texte » q...

à écrit le 25/10/2019 à 10:09
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Bonjour, J’affirme et signe que Google n’a pas la suprématie quantique : Enfait ce qu’ils croient être la suprématie quantique c’est «  autre chose » La vrai suprématie quantique , ils n’ont pas les clés d’entrées pour l’atteindre et IBM aussi inc...

à écrit le 24/10/2019 à 10:30
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"ou encore le Centre de l'Énergie Atomique (CEA) " voire, depuis Mr Fillon Premier Ministre (voir le JO), Commissariat à l’Énergie Atomique et aux Énergies Alternatives.

à écrit le 24/10/2019 à 8:47
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Ici on cherche des fonds, la on cherche une médaille on cherche toujours des gens qui travaillent vraiment sur le quantique.

à écrit le 23/10/2019 à 22:08
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Google a peut-être atteint la « suprématie quantique » avec un calcul réalisé en trois minutes au lieu de 10.000 ans mais il est toujours incapable de fournir, pour le 1,5 milliard d’utilisateurs de Gmail, la basique fonction « justifier le texte » q...

à écrit le 23/10/2019 à 20:26
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Bon, intéressant. Si les faits sont la, nous le constaterons dans l’opérationnalité, et je ne crois pas qu'un seul player pourra faire fonctionner le "monstre". Donc si tel est le cas, la question peut avoir différentes dynamiques, car comme toute...

à écrit le 23/10/2019 à 18:11
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On a l'habitude des annonces tonitruantes de Google qui a un service presse très ( trop ) efficace, IBM, c'est pas des rigolos....! A suivre

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