Ordinateur quantique : la startup française Pasqal réussit une levée de fonds record de 100 millions d'euros

La startup parisienne a levé moitié moins qu'espéré et a dû recourir à un fonds étranger, le singapourien Temasek, qui vient d'ouvrir un bureau en France, pour lever l'argent nécessaire à son développement. Son objectif : construire à court terme un ordinateur quantique de 1.000 qubits, et à long terme des architectures logicielles permettant d'éviter les erreurs dans le calcul quantique.
Sylvain Rolland
(Crédits : Pasqal)

Nouveau record pour le secteur des technologies quantiques en Europe: la startup française Pasqal, l'un des pionniers mondiaux de l'ordinateur quantique, signe une levée de fonds de 100 millions d'euros, la plus grosse jamais enregistrée sur le Vieux Continent. C'est même un saut quantique par rapport au précédent record français, détenu par Alice & Bob et leurs 27 millions d'euros en mars 2022.

Fondée en 2019 par cinq physiciens-entrepreneurs dont le CEO Georges-Olivier Reymond ou encore le prix Nobel 2022 de physique Alain Aspect, Pasqal construit des ordinateurs quantiques à partir d'atomes neutres ordonnés en réseaux 2D et 3D. Sa technologie de rupture, fruit de la recherche académique, permettra à terme de réaliser un grand nombre de calculs de manière simultanée, dépassant les performances des meilleurs supercalculateurs actuels qui les font les uns à la suite des autres, pour un coût énergétique au moins divisé par dix.

Mais pour cela, il faudra un « vrai » ordinateur quantique, c'est-à-dire un processeur capable de tenir l'état quantique afin d'éviter les erreurs dans les calculs, ce qui nécessite de « stabiliser » le qubit. C'est l'un des enjeux de la course technologique mondiale actuelle dans le quantique, et c'est pour cela que Pasqal lève autant d'argent.

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Vers un ordinateur quantique de 1.000 qubits « à court terme »

Ces 100 millions d'euros permettront à Pasqal, basé à Massy (91), d'accélérer sa R&D pour construire « à court terme » (d'ici à 2024-2025) un ordinateur quantique de 1.000 qubits, ce qui permettrait de démultiplier les calculs simultanés. A long terme, la startup travaille à la construction d'architectures tolérantes aux erreurs, qui permettront enfin de libérer le potentiel de l'ordinateur quantique. La société prévoit également d'augmenter la production de ses ordinateurs quantiques et d'accélérer le développement d'algorithmes propriétaires, qu'elle commercialise déjà pour des clients dans des secteurs clés dont l'énergie, la chimie, l'automobile, la mobilité, la santé ou encore la finance.

« Les banques, les industriels dans l'énergie ou l'aéronautique sont très intéressés par l'informatique quantique car cela leur permet de faire des simulations inédites, avec de forts gains financiers et d'optimisation des process en perspective, par exemple pour gérer les portefeuilles financiers, maximiser l'efficacité énergétique ou améliorer le design des avions » nous racontait en novembre dernier Georges-Olivier Reymond, le CEO de Pasqal.

Ainsi, le Crédit Agricole utilise déjà la technologie de Pasqal pour calculer les risques associés à ses portefeuilles financiers. D'après la startup, la banque française estimerait que sa solution serait déjà au moins aussi efficace que les méthodes de simulation actuelles. Autre cas d'usage : le constructeur automobile BMW étudie la déformation des matériaux grâce à la technologie de Pasqal. Celle-ci lui permet de créer des jumeaux numériques pour tester virtuellement leur résistance aux chocs.

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Levée de fonds moins importante que prévu et avec un fonds étranger

Seule ombre au tableau : en novembre dernier, Pasqal espérait lever « au moins 200 millions d'euros » en 2023,  mais n'a réussi à en obtenir que la moitié. Le CEO Georges-Olivier Reymond estimait alors que plusieurs centaines de millions d'euros étaient nécessaires pour accélérer très vite, dans un contexte où la compétition mondiale s'intensifie pour être le premier à percer avec l'ordinateur quantique. Pour maintenir son avantage technologie, Pasqal a besoin de recruter les meilleurs talents et de multiplier les partenariats commerciaux afin de confronter sa technologie aux besoins réels du marché.

Si lever 100 millions d'euros en ces temps troubles pour la tech mondiale relève tout de même de la performance -Pasqal est la première méga-levée de 2023 en France-, la startup n'a pas réussi à trouver un fonds français ou européen pour mener son tour de table. C'est donc le fonds souverain singapourien Temasek qui a été choisi en tant que « lead », suivi par le Conseil européen de l'innovation (EIC), le fonds saoudien Wa'ed Ventures et le fonds Large Venture de Bpifrance. Les investisseurs historiques de Pasqal (Quantonation, le Fonds Innovation Défense, Daphni et Eni Next) remettent également au pot, mais de manière très minoritaire.

Si le capital de Pasqal reste largement français et européen, Pasqal a donc dû accepter de se diluer au profit d'acteurs étrangers non-européens, alors même que les technologies quantiques relèvent d'une importance stratégique majeure pour le Vieux Continent et l'économie de demain. « L'accès au financement est un vrai défi. Je rencontre de nombreux investisseurs français qui me disent "c'est super ce que vous faites, mais je ne sais pas le financer" », nous confiait le patron de Pasqal en fin d'année dernière, alors en plein « roadshow » pour sa levée de fonds.

L'entreprise espérait pourtant ne faire appel qu'à des investisseurs français et européens. « Ce serait idéal si je pouvais lever plus de 200 millions d'euros avec des investisseurs français, mais je crains de ne pas avoir le choix », lançait-t-il devant le ministre du Numérique, Jean-Noël Barrot.

Conscient du problème, le gouvernement prévoit d'amplifier le financement des deeptech françaises -les startups qui développent des technologies de rupture-, aujourd'hui sous-financées malgré un soutien important du gouvernement depuis 2018. Le secteur du quantique a été doté d'un plan de soutien d'1,8 milliard d'euros en 2021 -toujours pas entièrement déployé- et devrait également être à nouveau servi dans Tibi 2, le nouveau plan en préparation pour soutenir de financement de l'innovation technologique, qui devrait être lancé en 2023.

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Sylvain Rolland

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Commentaires 3
à écrit le 24/01/2023 à 16:25
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Une startup !!! Une de plus qui "lève" des fonds pour... pour.... pour... comme très souvent, pour rien !!! Encore un bide en perspective.... C'est hallucinant cette société du tout, tout de suite et rien à la fin.... Avant, on commençait petit. On ...

à écrit le 24/01/2023 à 12:08
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Bonjour, Deux questions, le l'argent contre quoi , des l'actions de cette entreprise.. ou contre vent ... Car malheureusement, souvent l'ons vends quelque chose très chère , pour le racheter pour rien quelques années avenir ... Ex,0 actions vendu...

à écrit le 24/01/2023 à 11:27
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À quand la vente de cette start-up aux Américains par notre président Macron?

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