French Tech : EcoVadis devient une licorne en levant 500 millions de dollars

Deux ans et demi après avoir récolté 200 millions de dollars, le champion français de l'évaluation de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) signe une levée de fonds de 500 millions d'euros -un record dans son secteur- et devient une licorne. Forte de 95.000 clients de toutes tailles dans 175 pays, et de plus de 1.300 salariés, la pépite tricolore vise l'immense marché international et des fusions/acquisitions pour consolider sa place de leader mondial.
Sylvain Rolland
(Crédits : DR)

Une crise, quelle crise ? Alors que les grosses levées de fonds se font plus rares sous l'effet de la crise historique qui frappe le secteur de la tech depuis le début de l'année, et que le compteur de licornes en France est resté bloqué depuis quatre mois, EcoVadis déjoue la morosité ambiante en annonçant, mardi 13 juin, le succès d'une levée de fonds spectaculaire de 500 millions de dollars (479,6 millions d'euros), menée notamment auprès du fonds européen Astorg et de BeyondNetZero, la société d'investissement climatique de l'américain General Atlantic. "Cela envoie un signal positif au reste de l'écosystème, ce n'est pas parce que le marché est difficile en ce moment qu'on ne peut plus lever beaucoup d'argent quand les fondamentaux sont solides", sourit Pierre-François Thaler, cofondateur et codirigeant d'EcoVadis avec Frédéric Trinel, même si La clôture de la transaction est prévue pour le deuxième trimestre 2022, après l'obtention des autorisations réglementaires.

La première plateforme globale de mesure de 21 critères RSE

Il faut dire qu'EcoVadis n'en est pas à sa première crise : la startup a été créée à Paris en 2007, juste avant la crise financière de 2008. Surtout, son activité est "une forme d'immunité" face aux turbulences actuelles de la tech mondiale. Très en amont du marché et de la régulation, les deux cofondateurs ont créé la première plateforme collaborative d'évaluation de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Concrètement, son logiciel nourri à l'intelligence artificielle permet aux donneurs d'ordres, notamment dans le monde de l'industrie, d'évaluer la conformité de leurs fournisseurs aux différents critères RSE.

Le but : réduire les risques pour eux-mêmes, et surtout faire changer l'ensemble de leur chaîne d'approvisionnement, pour la rendre plus responsable au niveau sociétal et environnemental, à l'heure où les réglementations se durcissent partout dans le monde pour faire face à la transition écologique, et notamment en France et en Europe avec la future directive européenne imposant une due diligence dans la supply chain. "La chaîne d'approvisionnement est le plus grand levier pour créer un vrai changement, profond et durable à l'échelle mondiale", confie Pierre-François Thaller à La Tribune. D'après l'entrepreneur, le marché est énorme : 5 millions d'entreprises dans le monde seraient concernées par des obligations RSE. Aujourd'hui, EcoVadis n'en adresse "que" 95.000, soit 2%, et ce malgré une croissance d'environ 50% par an.

Dans le détail, les fournisseurs doivent remplir en ligne un questionnaire sur leurs pratiques. Ces informations sont ensuite recoupées et vérifiées par les employés d'EcoVadis -plus de 1.300 dans le monde actuellement-, mais surtout à l'aide d'un logiciel d'analyse, qui compare les données avec une multitude de sources, comme des ONG, des rapports d'audit ou encore diverses bases de données. Le modèle économique est celui du SaaS (software-as-a-service) : les donneurs d'ordres comme les sous-traitants s'abonnent à la plateforme, pour un montant annuel qui dépend de leur taille.

21 indicateurs de notation pour une entreprise à mission

Au total, l'entreprise couvre 198 catégories d'achat et 21 indicateurs de RSE. "Au début, les fournisseurs s'inscrivent sur la plateforme car ils y sont forcés. Ensuite ils réalisent que c'est bon pour leur communication, puis que ça leur ouvre des marchés et des possibilités de business, et ils deviennent des abonnés enthousiastes", décline Pierre-François Thaller. En plus des cibles industrielles de la solution, le logiciel d'EcoVadis attire aussi de plus en plus de clients car il s'agit tout simplement d'une des plus grandes bases de données mondiales sur la RSE. "Des banques s'abonnent pour proposer des produits financiers avantageux aux entreprises bien notées, des fonds d'investissements utilisent l'outil pour regarder la performance RSE de leurs participations et de leurs cibles", précise l'entrepreneur.

Logiquement, l'argent de la levée de fonds servira à accélérer le déploiement commercial de la solution, notamment à l'international -donc aux Etats-Unis- qui pèse déjà 80% du chiffres d'affaires. "C'est un secteur porteur sur lequel nous avons une grosse avance mais qui va être pris d'assaut. Aucun concurrent n'est à notre niveau et c'est pour cela qu'il nous faut accélérer", explique le directeur général.

La startup compte également investir dans des fusions/acquisitions. "Nos concurrents sont surtout positionnés sur des verticales sectorielles ou sur certains indicateurs RSE. Il y a donc des opportunités de rachats pour nous pour améliorer nos outils et être à la fois un fournisseur de données et une plateforme d'engagements pour nos clients", ajoute le dirigeant.

Même si EcoVadis est depuis quelques semaines officiellement une entreprise à mission au sens de la loi Pacte, la startup espère, dans "deux ou trois ans" entrer en Bourse. "Nous pensons que l'entrée d'EcoVadis en Bourse serait intéressante pour donner de la visibilité au sujet RE et faire preuve de transparence", estiment les dirigeants.

Sylvain Rolland

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