CoopCycle : un logiciel libre comme alternative à Deliveroo et UberEats

Face aux startups de la FoodTech, régulièrement critiquées pour les conditions de travail imposées aux coursiers à vélo, CoopCycle veut favoriser le développement de coopératives. Opérationnel depuis 6 mois, ce logiciel libre est utilisé par une dizaine de coopératives en Europe et au Canada.
Anaïs Cherif
La coopérative Traboulotte, qui recourt au logiciel libre CoopCycle, s'est lancée début octobre à Lyon.
La coopérative Traboulotte, qui recourt au logiciel libre CoopCycle, s'est lancée début octobre à Lyon. (Crédits : Pierre Gouyou Beauchamps)

Et si les coopératives se mettaient aussi à la livraison de repas à vélo ? C'est l'idée à l'origine de CoopCycle, le logiciel libre qui rêve de s'imposer face aux startups de la FoodTech comme Deliveroo et UberEats. Le concept a germé en 2016, inspiré par le mouvement Nuit Debout et les mobilisations contre la loi travail. C'est aussi l'année où Take Eat Easy, jeune pousse belge spécialisée dans la livraison de repas à vélo, a mis la clé sous la porte - malgré un total de 16,4 millions d'euros levés. Un déclic pour Alexandre Segura, co-fondateur de CoopCycle. "Un membre de ma famille travaillait pour Take Eat Easy au moment où ils ont déposé le bilan en juillet 2016. Du jour au lendemain, tout s'est arrêté brutalement et il n'a pas été payé pour ses dernières missions effectuées", assure ce développeur. Avant de poursuivre :

"CoopCycle veut proposer une alternative aux modèles actuels des startups, basés sur une croissance rapide grâce à de l'injection de capitaux, sans forcément avoir de modèle économique pérenne."

Opérationnel depuis 6 mois, ce logiciel libre à une particularité : son usage commercial est uniquement réservé aux coopératives locales de coursiers. Une restriction qui va à contre-courant de la philosophie du libre sur Internet, supposée permettre l'utilisation d'un code informatique par n'importe qui, sans condition. "CoopCycle vise à promouvoir le modèle des coopératives. L'objectif est de développer des entreprises vertueuses, sans rechercher uniquement le profit, pour accroître le pouvoir de décision des travailleurs et redonner du sens au travail. Je n'avais pas envie que CoopCycle soit approprié par des startups", revendique Alexandre Segura. "Le mouvement doit se faire de bas en haut. Les coopératives doivent se former au niveau local et ensuite, CoopCycle peut fournir une assistance technique et des conseils pour se lancer. Nous recevons parfois des demandes isolées de coursiers, mais nous ne pouvons pas les aider individuellement."

Décider collectivement des rémunérations

"Entre 5 à 10 coopératives" utilisent CoopCycle en Europe et au Canada, comme La Pajara (Madrid), Rayon9 (Liège), les Coursiers bordelais ou encore Traboulotte (Lyon). Chaque coopérative est responsable de sa gouvernance. "A partir du moment où quelqu'un est actif chez Traboulotte, alors il peut voter sur tous les sujets", affirme Amélie Agaesse, co-fondatrice de la coopérative Traboulotte à Lyon et ancienne livreuse chez Foodora. "Tout le monde doit pouvoir donner son avis." Y compris sur les questions de rémunération.

C'est l'un des points sensibles pour les coursiers opérant pour les startups de la FoodTech. Ils dénoncent régulièrement le changement unilatéral des conditions de rémunération, comme cela avait été le cas par exemple chez Deliveroo durant l'été 2017. "Nous décidons nous-même de nos conditions de rémunération chez Traboulotte. Si elles sont amenées à changer, alors il y aura un vote. Actuellement, nous avons opté pour un partage des bénéfices lissé sur la semaine en fonction du nombre d'heures travaillées, et pas du nombre de courses effectuées", détaille Amélie Agaesse. Pour se financer, la coopérative prélève aux restaurants lyonnais 25% du prix de la commande.

Un idéal à atteindre : salarier les coursiers

Autre critique fréquente sur les startups de la FoodTech : le salariat déguisé. Ces jeunes pousses imposent aux coursiers un statut d'auto-entrepreneur. Selon l'argumentaire des startups comme Deliveroo, ce statut donne davantage de flexibilité aux livreurs en leur fournissant un "complément de revenu", et non un salaire. Imposer le statut d'auto-entrepreneur permet de ne pas avoir à payer les congés payés, les arrêts maladie ou encore de ne pas garantir de salaire minimum. D'un autre côté, ces plateformes imposent des conditions strictes à leurs livreurs comme par exemple une tenue obligatoire ou l'interdiction de travailler pour une plateforme concurrente sur le même créneau horaire.

Pour CoopCycle, l'idéal serait de pouvoir salarier les coursiers. "Le statut d'auto-entrepreneur ne confère pas assez de droits, contrairement aux coopératives, qui permettent d'accéder au salariat", affirme Alexandre Segura, avant de préciser qu'il est encore trop tôt pour les nouvelles coopératives de salarier les coursiers, faute de moyens. Chez Traboulotte, la dizaine de bénévoles réguliers sont des auto-entrepreneurs. "Le but est d'offrir un contrat pour ceux qui le souhaitent, et d'aider davantage ceux qui préfèrent le statut d'auto-entrepreneurs en négociant des tarifs de groupe pour les assurances par exemple", précise Amélie Agaesse.

Prochaine étape : le lancement de l'application pour les clients courant 2019. Une appli version bêta est actuellement disponible pour les restaurateurs et les coursiers. CoopCycle souhaite également se financer par le biais de cotisations de coopératives, indexées sur le chiffre d'affaires réalisé.

Anaïs Cherif

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