L'américain Lazard place ses pions dans la tech européenne en se rapprochant du français Elaia

Les deux groupes sont entrés en négociation exclusive pour lancer en 2024 une coentreprise qui gèrera un nouveau fonds de « late stage » et de « growth equity » pour les startups« deeptech », doté de centaines de millions d'euros. Le rapprochement vise aussi à organiser la montée au capital de la banque d'affaires américaine dans le fonds de capital-risque français. Jusqu'à l'intégration complète d'Elaia dans Lazard ?
Sylvain Rolland
(Crédits : BRENDAN MCDERMID)

La puissance financière de Lazard Frères, l'expertise dans la tech d'Elaia. Tel est le mariage qui se profile entre la banque d'affaires américaine désireuse de se renforcer dans la tech, et le fonds de capital-risque français désirant changer d'échelle. Les deux entreprises sont entrées jeudi 14 décembre en négociations exclusives en vue d'un partenariat qui s'annonce inédit.

Ce rapprochement prendra la forme de deux grandes initiatives. La première est la création, en 2024, d'un nouveau fonds pour financer l'hyper-croissance des startups jusqu'à la Bourse. Ce fonds late stage ou growth dans le jargon, dédié aux plus gros tours de table, sera doté de « plusieurs centaines de millions d'euros », d'après Xavier Lazarus, le cofondateur et managing partner d'Elaia. Il sera « le prolongement » de la thèse d'investissement d'Elaia dans la tech, c'est-à-dire qu'il financera des innovations destinées au marché professionnel (BtoB) à très forte valeur ajoutée technologique, y compris les innovations de rupture (deeptech) dans tous les domaines, de la santé à l'énergie en passant par l'intelligence artificielle, les transports ou encore le quantique.

Doté d'une équipe dédiée, ce nouveau fonds permettra à Elaia, spécialisé aujourd'hui dans l'amorçage et les premières phases de croissance, de suivre ses startups sur toute leur vie, jusqu'à la Bourse et même au-delà grâce à Lazard, qui les accompagne sur le marché coté.

Vers l'intégration complète d'Elaia dans Lazard ?

De son côté, la banque d'affaires américaine, qui se développe aussi dans l'asset management et la banque privée, perçoit la tech comme l'un de ses principaux leviers de croissance. « Nos clients nous font confiance pour le coté mais ils veulent aussi se développer dans le non coté. L'enjeu pour eux comme pour nous est de financer les innovations dont le monde a besoin pour faire face aux crises, notamment énergétique et climatique, et poursuivre la révolution numérique », détaille François-Marc Durand, le Pdg de Lazard Frères Gestion.

Et c'est pourquoi ce nouveau fonds est conçu sous la forme d'une coentreprise entre Lazard et Elaia, et non pas d'un énième véhicule d'investissement intégré à Elaia. « Nous ne voulons pas être juste un investisseur », revendique le dirigeant, mais mettre son expertise -Lazard Frères Gestion pilote 40 milliards de dollars d'actifs-, sa puissance dans toute l'Europe, son expérience du coté, et son ancrage aux Etats-Unis, au service des startups européennes, et notamment en France, Allemagne et Espagne dans un premier temps.

Pour ce faire, la banque d'affaires a récupéré, en 2022, Philippe Englebert, qui a conseillé Emmanuel Macron à l'Elysée pendant tout le premier quinquennat sur les questions économiques et d'innovation. C'est lui qui a établi le rapprochement entre Lazard et Elaia.

Le fonds de « growth » dans une coentreprise devrait d'ailleurs n'être qu'une étape. Les négociations exclusives visent également à organiser la montée au capital de Lazard dans Elaia. D'abord de manière minoritaire, puis, probablement, jusqu'à l'intégration complète d'Elaia au sein de Lazard.

Le géant américain ajoute ainsi son nom à la longue liste des fonds d'investissement et des grands groupes mondiaux qui placent leurs pions en Europe pour financer la tech et maîtriser les innovations de demain. Une conséquence logique de la faiblesse de l'écosystème du financement des phases pré-Bourse en Europe, qui se caractérise par la domination des Américains quand il s'agit de financer les plus gros tours de table des startups européennes. Et ce malgré des initiatives comme les plans Tibi et Tibi 2 en France -au total 13 milliards d'euros injectés par les bancassureurs dans la tech de 2019 à 2026-, ou encore les 3,75 milliards d'euros mobilisés par l'UE pour financer les fonds de growth européens, qui peinent encore à porter leurs fruits.

Sylvain Rolland

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