Opérer un patient à 2.800 kilomètres de distance : la prouesse du rouennais Robocath

Ce n’est plus de la science-fiction. Depuis son écran, un cardiologue a implanté un stent dans l’artère d’un patient situé à 2.800 kilomètres de distance. A l’origine de cette performance médicale, la plateforme robotique et connectée mise au point par la medtech rouennaise Robocath.
L’efficacité et la sécurité de R-One ont été démontrées avec un taux de succès technique supérieur à 95% et aucun événement cardiaque majeur
L’efficacité et la sécurité de R-One ont été démontrées avec un taux de succès technique supérieur à 95% et aucun événement cardiaque majeur (Crédits : DR)

Il s'en réalise une toutes les trente secondes à travers la planète. L'angioplastie coronarienne est l'une des opérations les plus courantes au monde. Elle consiste, grâce à un cathéter, à implanter un ou plusieurs stents dans l'une des artères qui irriguent le muscle cardiaque afin de le revasculariser. C'est pour sécuriser cette intervention pratiquée en routine dans tous les hôpitaux du globe qu'a été fondée en 2009 la société rouennaise Robocath : contraction de robotisation et de cathétérisme

Sa botte secrète ? Une plateforme robotique connectée (R-One de son nom) qui permet aux praticiens de réaliser l'intervention depuis une cabine de « pilotage » placée, en général, à quelques mètres de la salle d'opération derrière une vitre protectrice. Mais cette fois, la medtech et son partenaire chinois MicroPort sont allées plus loin en abolissant la distance. Installé à Pékin derrière l'écran du R-One, un cardiologue est parvenu  à implanter un stent dans l'artère d'un patient allongé sur une table d'opération à 2.800 kilomètres de là. Plus précisément à Uruqmi, capitale de la région autonome ouïgoure du Xinjiang.

Quand la robotique se conjugue à la 5G

Présentée comme une « révolution » par l'équipe médicale, cette première mondiale arrive à point nommé pour la société rouennaise dont la solution commence à se diffuser en Europe, en Chine et en Afrique. La performance vient valider, en vraie grandeur, la double promesse de sa plateforme. D'une part, protéger les cardiologues des effets des rayons X auxquels ils sont soumis, à haute dose, dans les salles d'opération. D'autre part, traiter plus rapidement les malades éloignés des grands centres hospitaliers à la faveur d'un mix entre la robotique et la cinquième génération des communications mobiles.

L'intervention chinoise a, en effet, été intégralement réalisée en connexion 5G. Pas exactement un point de détail. « La communication (entre le poste de « pilotage » et la salle d'opération ndlr) a pu être assurée tout au long de la procédure grâce à la stabilité et la fiabilité du réseau 5G, supprimant les possibles effets de latence du système d'imagerie et de son », détaille l'entreprise dans un communiqué.

La promesse d'une « égalité d'accès aux soins » ?

Dès lors, peut-on envisager que ce type d'opérations à grande distance devienne monnaie courante ?  Il est un peu tôt pour l'affirmer. Comme le rappelle Lucien Goffart, directeur de Robocath, il reste des obstacles à lever « notamment en termes d'organisation et de responsabilité juridique ». Pour  autant, la performance réalisée dans l'empire du milieu ouvre le champ des possibles. « Elle concrétise l'ambition que nous nous sommes fixée il y a quinze ans de garantir une égalité territoriale d'accès aux soins pour tous », se réjouit Philippe Bencteux, son président.

La balle est maintenant dans le camp des autorités sanitaires à qui il reviendra de permettre (ou non) la démocratisation de cette pratique. Pour Lucien Goffart,  il en va de la santé publique. « Les maladies cardiovasculaires sont la première cause de mortalité dans le monde. Mais ces urgences ne sont pas traitées dans un délai raisonnable en raison de l'éloignement géographique et du faible volume d'unités de soins dédiées », insiste t-il. Deux difficultés que la société normande, forte de 70 collaborateurs aujourd'hui, se promet d'aplanir.

Après le cœur, le cerveau

Robocath n'entend pas se limiter aux pathologies cardio-vasculaires. Elle a démontré, il y a quelques semaines avec le CHU Rennes, la faisabilité d'une transposition de sa solution robotique pour le traitement de l'AVC : deuxième cause de mortalité au monde après l'infarctus du myocarde. L'approche est plus complexe que celle adoptée pour les angioplasties coronariennes. Il s'agit en effet de traiter, à distance, des artères cervicales plus fines que celles qui irriguent le cœur et par le biais d'une plus grande diversité d'instruments. Les études cliniques se poursuivent mais les sept premières interventions de « stenting carotidien » réalisées en Bretagne sont porteuses d'espoir.

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Commentaires 3
à écrit le 14/12/2023 à 19:26
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Quand on a le bras long...

à écrit le 14/12/2023 à 16:07
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L'avenir de la médecine est dans la technologie, si on dérivait les centaine de milliards d'argent public direct et indirect injectés dans les laboratoires pharmaceutiques pour qu'ils ne trouvent rien mettant leur pognon dans les paradis fiscaux, on ...

à écrit le 14/12/2023 à 16:07
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cela rappelle l'opération Lindbergh (chirurgie à distance) de septembre 2001 réalisée par l'institut français IRCAD et France Télécom entre New York et Strasbourg.

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