Pourquoi Axel Springer investit dans l'anti-Google français Qwant

Le groupe de médias allemand vient d'acquérir 20% du capital du moteur de recherche français, qui veut se différencier par son respect de la vie privée. Le patron de Springer avait expliqué dans une lettre ouverte choc pourquoi son groupe avait « peur de Google » et de son pouvoir de marché.
Delphine Cuny

Se présentant comme une alternative « made in France » à Google, un moteur de recherche français « révolutionnaire », Qwant avait créé un énorme buzz à son lancement en mode bêta début 2013. Pas toujours à son avantage, du fait de son recours à certaines technologies qu'il n'avait pas développées lui-même, comme les résultats de recherche de Bing pour compléter ses propres indexes... Le positionnement du « premier moteur de recherche born in Europe » qui affirme se différencier par son respect de la vie privée et s'est lancé en Allemagne en mars dernier, a plu au groupe de presse allemand Axel Springer, l'éditeur de « Die Welt » et de « Bild » : sa filiale d'investissement dans les nouveaux médias Axel Springer Digital Ventures vient d'acquérir une participation de 20% dans le capital de Qwant, dans le cadre d'une augmentation de capital, représentant un montant de 5 à 8 millions d'euros selon nos informations. Le reste du capital est détenu essentiellement par les trois fondateurs, Jean-Manuel Rozan, Eric Leandri et Patrick Constant.

« Il y a un véritable besoin pour de nouvelles offres sur le marché de la recherche en ligne. Nous croyons dans le potentiel de croissance de Qwant » commente Ulrich Schmitz, le directeur technique d'Axel Springer et directeur général de la branche Digital Ventures dans un communiqué.

La startup parisienne, qui emploie 25 personnes et revendique plus de 500 millions de requêtes traitées en 2013 (contre plus de 100 milliards par mois sur Google !), aurait réalisé un bénéfice de 500.000 euros pour un chiffre d'affaires de 1,5 million d'euros l'an passé. Le groupe allemand n'en est pas à son premier investissement dans une société internet française : il a acquis Auféminin en 2007 et Seloger en 2010.

« Nous avons peur de Google » admet Springer

Surtout, Springer a des comptes à régler avec Google. En avril dernier, Mathias Döpfner, le patron du groupe Springer, avait écrit une lettre ouverte à Eric Schmidt, le président de Google, dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung (à lire ici en anglais, ou en français sur le Journal du Net). Le groupe de presse, qui s'est joint à la plainte antitrust contre Google auprès de la Commission européenne, expliquait qu'il n'avait tout simplement pas le choix que de coopérer commercialement avec le moteur de recherche, du fait du poids démesuré de ce dernier, avec ses 91,2% de parts de marché en Allemagne. Un aveu d'échec après le bras de fer ayant donné naissance à la « Lex Google » imposant une rémunération des éditeurs cités dans Google Actualités.

« La déclaration "si Google ne vous convient pas, vous pouvez vous désinscrire et aller ailleurs" est à peu près aussi réaliste que le conseil d'un adversaire du nucléaire à renoncer simplement à l'électricité. […] Google n'a pas besoin de nous. Mais nous ne pouvons-nous passer de Google. […] Nous avons peur de Google. Je dois le dire une bonne fois pour toutes et sincèrement, car presqu'aucun de mes collègues n'osent le faire publiquement » écrivait alors le directeur général d'Axel Springer.

Le dirigeant se demandait également si « la concurrence à l'ère du numérique peut encore fonctionner quand les données se trouvent concentrées dans les mains d'un tiers à un niveau si élevé. » Il confiait aussi son effroi à l'égard de déclarations glaçantes d'Eric Schmidt lui-même - « S'il y a des choses que vous ne voulez pas que d'autres apprennent, dans ce cas vous ne devriez pas les faire » - ou de Mark Zuckerberg sur le stockage des données « Qui n'a rien à cacher, n'a rien à craindre non plus. » Et le patron de presse, se qualifiant de « profiteur du trafic de Google, de la commercialisation publicitaire automatisée de Google et victime potentielle du pouvoir de marché de Google et de sa connaissance des données », de conclure son texte choc en prédisant le démantèlement du monopole Google, « une araignée aux commandes de la Toile » mais aussi « la banque la plus puissante du monde, car elle monnaie les comportements »… 

Delphine Cuny

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Commentaires 8
à écrit le 28/06/2014 à 9:27
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J'utilise Qwant depuis sa sortie. Avec fleur Pellerin, la France avait fait des progrès dans l'aide à ses start-up. Il y a tant d'innovations qui restent dans l'ombre. Dernièrement, qui a repéré la sortie de TimeGene? Cette start-up toulousaine propo...

à écrit le 20/06/2014 à 8:05
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C est bien de faire la pub de qwant. Ce moteur /est méconnu.

à écrit le 20/06/2014 à 0:12
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Toujours imité jamais égalé...

à écrit le 19/06/2014 à 22:31
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"La startup parisienne, qui emploie 25 personnes ..... aurait réalisé un bénéfice de 500.000 euros pour un chiffre d'affaires de 1,5 million d'euros" .... On ne peux pas payer 25 personnes, des locaux, la com, financer les investissements et dégage...

à écrit le 19/06/2014 à 21:04
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Axel a triplement raison, mais dans ce pays de gogos Google a de beaux jours devant elle ! et les moutons en redemandent !

le 19/06/2014 à 22:49
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@oups : Oui, c'est pas faux... mais en attendant, rien n'empêche d'utiliser Qwant et d'en parler autour de soi, pour faire gagner du poids à cette petite entreprise française! Je dois bien avouer qu'ils n'ont pas encore la puissance de Google pour ce...

à écrit le 19/06/2014 à 17:01
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comment peut-on avoir 25 employés, ne faire "que" 1.5M de CA, avec un benef de 500K?? même avec 10 employés, dans l'IT, ça passe ri-crac.

le 19/06/2014 à 22:33
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Carrément d'accord, ca sent le gars qui veut attirer des moutons pour investir dans Qwant et retirer ses billes pour faire la plus value. Au fait allez voir Qwant : ca donne pas envie, brouillon, meme si il y a des idées interessante comme la sous...

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