Le paradoxe Facebook : une amende, des enquêtes et... des résultats à la hausse

Un jour après avoir concédé cinq milliards d'euros d'amende et de nouveaux outils de contrôle, Facebook annonce qu'il se porte mieux que jamais. Son rapport trimestriel a étalé l'excellente santé de l'entreprise, et contraste avec la dégradation de l'image du groupe.
François Manens
Les cinq milliards de dollars d'amende ? Un caillou dans la chaussure de Facebook.
Les cinq milliards de dollars d'amende ? Un caillou dans la chaussure de Facebook. (Crédits : Stephen Lam)

"Nous avons eu un trimestre fort, notre business et notre communauté continue à grandir", déclare d'emblée Mark Zuckerberg, dans le rapport de Facebook sur ses résultats trimestriels. Banale, cette déclaration devrait pourtant surprendre compte tenu du climat ambiant autour du réseau social. La veille, le gendarme de la concurrence américain, la FTC, annonçait la fin des négociations avec le géant de la tech dans le cadre de son enquête sur l'affaire Cambridge Analytica. Bilan : cinq milliards de dollars d'amende, et de nouvelles contraintes pour l'entreprise afin de contrôler ses pratiques vis-à-vis du respect de la vie privée.

A peine cet épisode conclu que Facebook faisait part d'une autre enquête le visant, encore menée par la FTC. Cette fois, le gendarme soupçonne l'entreprise d'avoir des pratiques non concurrentielles. En parallèle, le ministère de la justice américain a également ouvert une enquête similaire, ciblée sur tous les géants de la tech. Malgré ces multiples déboires, tous les indicateurs sont à la hausse pour l'entreprise. Elle a réalisé 16,9 milliards de dollars de chiffre d'affaires, soit, 28% de plus que l'an dernier. Elle a également attiré 8% d'utilisateurs quotidiens en plus, portant son total à 1,59 milliards d'usagers. Ces mesures prouvent que Facebook excelle sur le marché publicitaire, et cela suffit aux investisseurs. Le cours de son action a augmenté de 56% depuis le début de l'année.

L'accord avec la FTC, une très légère piqûre pour Facebook

Si l'accord avec la FTC instaure des nouveaux gardes-fous, il ne va pas changer radicalement la façon dont Facebook collecte les données, et donc sa capacité à commercialiser de la publicités à partir de celles-ci. Le géant grandit encore deux fois plus vite que l'ensemble du secteur de la publicité sur internet, d'après l'analyste Mark Mahaney de RBC Capital Markets, interrogé par le Wall Street Journal.

Deux des cinq commissaires de la FTC considèrent que la sanction n'est pas suffisante pour éviter des débordements futurs. D'ailleurs, les contraintes de l'institution consiste surtout a rédiger des documents de suivi, qui seront soumis aux organes de surveillance. La FTC n'a pas clairement défini de limite dans les pratiques de Facebook. Mieux, l'accord a fait passer l'éponge non seulement sur l'affaire Cambridge Analytica, mais aussi sur les autres casseroles de Facebook entre 2012 et 2018, connues ou non.

Comme quasi-seule conséquence, l'accord pourrait opérer un léger ralentissement dans le développement de certains produits de Facebook. Et encore, il ne s'agit que de l'opinion du directeur financier David Wehner.

"Les efforts pour la vie privée requièrent des investissement significatifs dans la mise en place des procédures de conformités, que ce soit en coût humain ou en infrastructure technique", a-t-il averti, avant de préciser un peu plus tard : "Nous allons réallouer certaines ressources vers la protection de la vie privée, ce qui aura des effets sur notre développement produit."

Alors qu'il vient de payer une amende pour atteinte à la vie privée, Mark Zuckerberg se voit désormais en pionnier de l'industrie. "Nous allons faire notre part et promouvoir un bon cadre de régulation dans chaque domaine", a-t-il déclaré. En jeu, pour lui, la respectabilité de la tech dans son ensemble. "Si nous ne mettons pas des mesures en place, alors la frustration des personnes vis à vis de l'industrie va grandir". Dès mars, le jeune milliardaire avait annoncé en grande pompe un pivot stratégique de son entreprise vers une meilleure protection de la vie privée.

Lire aussi : Peut-on faire confiance à Facebook pour protéger notre vie privée ?

Pourtant Facebook a continué à accumuler les casseroles, après ces annonces, alors même qu'il négociait avec la FTC. En mars 2019, une enquête forçait le groupe à admettre que des centaines de millions de mots de passes étaient visibles par ses employés à cause d'une erreur d'encryptage. Deux semaines plus tard, un groupe de cybersécurité exposait la fuite des données de près d'un demi-milliard d'utilisateurs.

Malgré l'amende, 2,6 milliards de dollars de bénéfice

Au premier trimestre, le groupe de Mark Zuckerberg avait anticipé sur le montant de la sanction négociée avec la FTC, et mit trois milliards de dollars en provision. Ce trimestre, l'entreprise a dégagé un bénéfice de 5,7 milliards de dollars, 11,8% supérieur à celui de l'an dernier. Mais elle a dû retirer deux milliards de dollars pour régler le reste de l'amende, ainsi que 1,1 milliards de dollars pour compenser des changements comptables dans leurs déductions d'impôts. Malgré ces événements exceptionnels, Facebook dégage tout de même 2,6 milliards de dollars, ce qui représente plus de 15% de son chiffre d'affaires.

Le paiement d'amende pourrait-il devenir une habitude pour Facebook ? En tout cas, l'accord pourrait donner des idées à d'autres. En Europe, les instances de contrôle essaient également de sanctionner le groupe. En novembre, les dirigeants de Facebook ont fait appel après que le gendarme britannique les a condamnés à une amende de 500.000 livres sterling (soit 640.000 dollars). De leur côté, les institutions européennes estiment à 5 millions le nombre d'utilisateurs européens touchés par la faille de septembre dernier. Or, le RGPD  prévoit une amende jusqu'à 4% du chiffre d'affaire mondial réalisé l'année précédente, en cas de violation des droits sur les données de personnes physiques. L'amende potentielle pourrait donc atteindre 1,63 milliard de dollars.


François Manens

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Commentaire 1
à écrit le 25/07/2019 à 14:36
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"et contraste avec la dégradation de l'image du groupe" Au sein du milieu politico-artistico-affairiste puisque le fameux "delete facebook" initié par les enfants gâtés de l'industrie musicale et cinématographique américaine, vous savez la même q...

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