
Anticor le dénonçait depuis le mois de juin 2020, elle passe désormais à l'action (en justice). L'association de lutte contre la corruption a porté plainte en janvier dernier devant la Cour de la justice de la République (CJR) contre le ministre des Solidarités et de la Santé Olivier Véran pour "favoritisme" dans la gestion de l'application critiquée "Stop Covid" devenue TousAntiCovid, d'après l'AFP. Cette plainte datant du 11 janvier serait parvenue le 17 mars à la CJR, seul organe habilité à enquêter sur des ministres dans l'exercice de leurs fonctions. Elle doit désormais être examinée par la commission des requêtes de l'institution.
Pas d'appel d'offres pour la gestion de l'application
Annoncé le 8 avril, le développement de l'application StopCovid a été présenté comme fait à titre gratuit par différentes entreprises privées, parmi lesquelles Dassault Systèmes, Capgemini, Orange ou Withings. Mais l'Obs avait révélé en juin qu'une fois l'application lancée, son exploitation et sa maintenance feraient l'objet d'une facturation, ce que le secrétaire d'Etat à la Transition numérique, Cédric O, avait confirmé lors d'un point presse fin juin.
Dans sa plainte, l'association anti-corruption rappelle l'évaluation d'un rapport parlementaire de novembre, selon lequel le coût global de cette application destinée à lutter contre l'épidémie de coronavirus a été estimé à 6,5 millions d'euros de début juin à fin octobre.
Mais Anticor considère que la gestion de cette application aurait dû faire l'objet d'un marché public passé via un appel d'offres. En ne le faisant pas, l'organisation estime que l'Etat a contrevenu au code de la commande publique, qui rend une telle procédure impérative pour les marchés de fourniture et de services supérieurs à 139.000 euros hors taxes. L'association estime aussi que la liste des entreprises du secteur privé ayant développé l'application au côté d'acteurs publics tels que Santé publique France ou l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi), n'est pas précisément connue.
L'urgence du développement ? Pas une raison qui tienne pour Anticor
L'association, par ses avocats Me Jean-Baptiste Soufron et Patrick Rizzo, devance par ailleurs l'argument potentiel de l'urgence liée à la crise sanitaire qui aurait conduit à remiser ces appels d'offres. Elle estime qu'entre le lancement du projet et son aboutissement début juin, le gouvernement avait deux mois pour faire ces procédures jugées nécessaires.
Anticor avait déjà alerté, le 11 juin, le Parquet national financier (PNF) sur des "soupçons de favoritisme" dans l'attribution du contrat de maintenance de l'application StopCovid. Dans un document de signalement révélé par L'Obs, l'association observait que le choix de recourir à la société Outscale, filiale de Dassaut Systèmes -qui a contribué au développement de StopCovid-, "n'a fait l'objet d'aucune procédure de passation de marché public". Or, la maintenance et l'hébergement de l'application coûtaient davantage, de l'aveu même du secrétariat d'Etat au Numérique.
A l'époque, Anticor suspectait un renvoi d'ascenseur, destiné à une entreprise qui a contribué de manière gratuite au développement de l'application. Cédric O avait balayé d'un revers de main ces accusations.
Boudée pendant de longs mois par les Français qui s'inquiétaient pour leur vie privée, et même désinstallée plusieurs centaines de milliers de fois, l'application StopCovid est devenue TousAntiCovid mi-octobre et a connu un plus grand nombre de téléchargements.
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