Accord entre BeIN Sports et Canal+ : bataille de com' avant la décision de l'Autorité de la concurrence

Jeudi, le groupe Canal+ saura si l'Autorité de la concurrence autorise un rapprochement avec BeIN Sport, prévoyant une diffusion en exclusivité des chaînes du groupe qatarien. Mais l'accord pose de nombreux problèmes de concurrence.
Nicolas Raffin
Canal+ et BeIN Sports se partagent notamment les droits télés des matchs de Ligue 1 de football.

Pour Vincent Bolloré, l'accord entre Canal+ et BeIN Sports est une question de vie ou de mort. "Je pense non seulement que Canal+ est sauvable, mais qu'il sera sauvé, sous réserve des accords prévus et des économies à faire" avait expliqué le mois dernier le patron de Vivendi, la maison-mère de Canal, aux Echos.

Le message envoyé à l'Autorité de la concurrence est clair : sans accord avec BeIN Sports, et sans diffusion exclusive des chaînes du groupe qatarien, l'existence de la chaîne cryptée est menacée. Mais le scénario de l'homme d'affaire breton pourrait bien être contrarié jeudi à 14h30, heure à laquelle l'Autorité rendra sa décision.

Fuite d'un document confidentiel

En effet, vendredi dernier, BFM Business révélait un avis confidentiel du CSA transmis à l'Autorité de la concurrence. Les sages de l'audiovisuel y émettent de sérieuses réserves quant à l'accord entre les deux groupes. Selon eux, le deal pourrait "pourrait comporter un risque d'incitation à la collusion" : autrement dit, une fois le rapprochement entre Canal+ et BeIN Sport effectif, il y aurait des risques d'entente illégale sur le marché des droits sportifs, et donc un risque de baisses des offres.

Autre problème souligné par le CSA : le risque de fausser la concurrence. Car l'accord, qui devrait rapporter "près de 400 millions d'euros par an" à BeIN, l'inciterait à revendre moins de contenus aux chaînes gratuites (TF1, M6), au détriment des téléspectateurs non-abonnés. Dernier souci, la distribution exclusive de BeIN par Canal+ fragiliserait l'offre des autres distributeurs.

Par ailleurs, l'Autorité de la concurrence a interdit en 2012 à Canal+ de distribuer des chaînes premium en exclusivité, et ce jusqu'en 2017. La chaîne cryptée espère une levée anticipée de l'interdiction, une volonté contestée par le CSA.

Forcing auprès des députés

On le voit, les obstacles à l'accord rêvé par Vincent Bolloré sont nombreux. Canal+ a donc tenté de déminer le terrain la semaine dernière, avec l'audition du n°2 du groupe Maxime Saada à l'Assemblée nationale. Devant les députés, il a promis que BeIN Sports continuerait d'être proposé "en offre seule (...) sans obliger les gens à passer par Canal+".

Maxime Saada a rappelé que "BeIN, selon nos estimations, est en perte de 300 millions d'euros" par an, tandis que Canal+, de son côté, devrait perdre 408 millions d'euros en 2016. Selon le dirigeant de Canal, "le risque potentiel est que les deux [chaînes] disparaissent, le pire qui puisse arriver pour les consommateurs".

Canal+ dans le rouge...ou dans le vert ?

Un discours du pire contesté en interne par la CGT Canal qui dénonçait le 11 mai "des chiffres catastrophiques" et des dividendes "records" reversés aux actionnaires. Selon Les Jours (lien abonné) Les élus du CE ont d'ailleurs lancé le mois dernier une procédure de "droit d'alerte" pour avoir des explications sur les chiffres brandis par la direction.

Par ailleurs, la présentation des comptes de Canal pourrait avoir été volontairement noircie par Vincent Bolloré. Le journaliste Jamal Henni (BFM Business) explique ainsi, documents à l'appui, qu'en 2015 la Société d'édition de Canal Plus a dégagé "un bénéfice opérationnel ajusté (Ebita) de 100 millions d'euros, et un bénéfice d'exploitation de 64 millions d'euros".

Or selon Bolloré, l'Ebita 2015 était négatif, avec une perte de 264 millions millions d'euros. D'après Jamal Henni, "Vivendi a visiblement imputé des coûts supplémentaires à la chaîne cryptée", alors que ces coûts étaient auparavant ventilés entre Canal+ et CanalSat. L'objectif étant selon un analyste interrogé "d'émouvoir le régulateur", à savoir l'Autorité de la concurrence. Interrogée par La Tribune, l'Autorité s'est refusée à tout commentaire avant la conférence de presse de jeudi.

 (Avec AFP)

Nicolas Raffin

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