Après l’échec du deal avec TF1, la bataille pour le rachat de M6 débute

Bertelsmann, l’actionnaire allemand de M6, a demandé aux candidats intéressés par le numéro deux français de la télévision de sortir du bois. Ils ont jusqu’à ce vendredi pour proposer une offre. L’objectif est clair : ne pas perdre de temps. Un deal devra nécessairement être bouclé avant le 5 mai prochain. A cette date, M6 renouvellera sa licence de diffuseur, ce qui bloquera toute vente pour une période de cinq ans.
Pierre Manière
Thomas Rabe, le directeur général de Bertelsmann, affirme avoir été « inondé de manifestations d’intérêt » pour M6 depuis une semaine.
Thomas Rabe, le directeur général de Bertelsmann, affirme avoir été « inondé de manifestations d’intérêt » pour M6 depuis une semaine. (Crédits : Eric Gaillard)

Il y a tout juste une semaine, TF1 et M6 ont enterré leur projet de fusion. Leur ambition s'est heurtée à l'Autorité de la concurrence. Celle-ci n'a pas été sensible à leur projet de créer un géant français de la télévision capable de concurrencer sur leurs terres les géants du streaming comme Netflix, lesquels mettent leurs audiences - et donc leurs revenus publicitaires - sous pression. Au regard de l'institution de la rue de l'Echelle, cette union aurait accouché d'un mastodonte ultra-dominant sur le marché de la publicité à la télévision (avec une part de marché globale de plus de 70%). Elle a ainsi conditionné ce deal à la cession d'une grande chaîne - soit TF1, soit M6 -, ce qui constituait une ligne rouge pour les acteurs.

Il n'empêche que TF1 et M6 auraient pu abattre une dernière carte : convaincre le gouvernement de s'opposer à l'Autorité de la concurrence, qui ne devait rendre son avis définitif que le 17 octobre. Il n'y avait, cependant, aucune garantie de réussite. Si l'exécutif s'est montré largement favorable à ce deal, il n'a pas caché sa frilosité à batailler avec l'institution indépendante.

Mais un autre élément peut expliquer la volonté de TF1, et surtout de M6, de clore rapidement ce dossier. Bertelsmann, l'actionnaire allemand de M6 (à hauteur de 48,3%), envisage quoi qu'il en soit de se séparer du numéro deux français de la télévision. Mais il est contraint de boucler cette vente d'ici le 5 mai prochain. C'est-à-dire dans sept petits mois... Pourquoi ? Parce qu'à cette échéance, la licence TNT de M6, d'une durée de dix ans, arrivera à échéance. Or son renouvellement, s'il ne devrait pas poser de problème, interdira toute vente du groupe pour une durée de... cinq ans. Autant dire une éternité.

Une course contre la montre

Autrement dit, Bertelsmann est désormais engagé dans une course contre la montre. Le groupe allemand a demandé aux repreneurs potentiels de M6 de se manifester d'ici ce vendredi. Thomas Rabe, son directeur général, ne veut cependant pas laisser penser qu'il veut vendre coûte que coûte, et qu'il a le couteau sous la gorge. Cette manœuvre ne vise qu'à « tester le marché », a-t-il indiqué au Financial Times. Tout en assurant avoir été « inondé de manifestations d'intérêt » pour M6 depuis une semaine. Mieux, il assure que le « calendrier n'est pas une préoccupation », et que RTL, la maison-mère de Bertelsmann, « n'a aucune pression pour vendre M6 ». Cela dit, nul doute que ce « calendrier » serré, justement, constituera sans doute une belle opportunité, pour certains candidats, de revoir le prix de M6 à la baisse...

Il n'empêche que M6 attise les convoitises. Les repreneurs potentiels ne manquent pas. Après tout, ce n'est pas tous les jours qu'un aussi important et influent groupe de télévision se retrouve sur le marché. Le groupe M6 ne manque, il est vrai, pas d'atouts. Outre son navire amiral M6, il comprend les chaînes W9, 6Ter et Teva, mais aussi les radios RTL, RTL2 et Fun Radio. Le cador du petit écran peut aussi se prévaloir de très bons résultats. L'an dernier, et malgré la crise sanitaire, M6 a vu son chiffre d'affaires bondir de 9,2% à 1,4 milliard d'euros. Ses recettes publicitaires, en particulier, ont flambé. Celles-ci se sont élevées à 1,14 milliard d'euros, alors qu'elles étaient tombées sous la barre du milliard d'euros l'année précédente.

Quels sont alors les possibles candidats ? On trouve, selon Reuters, un groupe d'hommes d'affaires incluant Rodolphe Saadé, le chef de file du géant du transport maritime CMA-CGM, Marc Ladreit de Lacharrière, le propriétaire de Fimalac, et Stéphane Courbit, à la tête du champion de la production télévisée Banijay. Cette alliance inédite promet, possiblement, une grosse bagarre avec Xavier Niel, le fondateur d'Iliad (Free). Egalement propriétaire de nombreux journaux (dont Le Monde et L'Obs) et de la société de production Mediawan, ce dernier a récemment perdu un féroce bras de fer avec Rodolphe Saadé pour le contrôle de La Provence.

D'autres noms circulent. Il y a bien sûr Vincent Bolloré. « Similing Killer », comme on surnomme le milliardaire breton dans le tout-Paris des affaires, pourrait être intéressé par M6. La perspective d'un rapprochement avec le géant des médias Vivendi (Canal+), qui vient au passage de mettre la main sur Lagardère (Le JDD, Paris Match, et Europe 1), ferait sens. Daniel Kretinsky pourrait aussi se manifester. Le magnat tchèque de l'énergie a multiplié les emplettes dans les médias français ces dernières années. Il détient désormais 10% de TF1, Marianne, Elle, et vient de mettre un pied à Libération.

La valeur de la participation de Bertelsmann a chuté

Patrick Drahi, à la tête d'Altice, la maison-mère de SFR mais aussi de BFMTV et de RMC pourrait aussi se laisser tenter. Mais rien n'est certain. D'un côté, il ne fait pas mystère de son souhait de se renforcer dans les médias. Il s'était notamment positionné pour récupérer les chaînes TFX et 6Ter en cas de deal entre TF1 et M6. Mais d'un autre côté, et comme La Tribune l'avait indiqué en avril 2021, il n'avait pas fait d'offre directe pour M6 lors de la première mise en vente. Lui qui aime avoir complètement la main sur le capital n'apprécie guère la réglementation française, laquelle interdit à quiconque de posséder plus de 49% d'un groupe du calibre de TF1 ou de M6. D'autres acteurs européens sont évoqués, comme le milliardaire italien Silvio Berlusconi, via le groupe MediaForEurope.

Quel prix proposeront ces acteurs ? Difficile à dire. Au cours de Bourse actuel, la participation de Bertelsmann dans M6 est évaluée autour de 780 millions d'euros. C'est-à-dire moitié moins qu'en mars 2021, lorsque le groupe allemand avait confirmé son intention de vendre. On comprend, dès lors, pourquoi l'état-major de Bertelsmann cherche à faire jouer au maximum la concurrence pour faire grimper les prix.

Pierre Manière

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.