Droits voisins : Une amende record pour Google en France qui pourrait être suivie d'une autre

Le gendarme français de la concurrence a imposé mardi une amende de 500 millions d'euros à Google pour ne pas avoir négocié "de bonne foi" avec les éditeurs de presse sur l'application des droits voisins, la rémunération due aux éditeurs pour la reprise de leurs contenus. La question d'un abus ou non de position dominante fera l'objet d'une autre décision, qui pourrait intervenir avant la fin de 2021.
La question d'un abus ou non de position dominante fera l'objet d'une autre décision, qui pourrait intervenir avant la fin de 2021.
La question d'un abus ou non de position dominante fera l'objet d'une autre décision, qui pourrait intervenir avant la fin de 2021. (Crédits : Dado Ruvic)

Le gendarme français de la concurrence a rendu publique ce mardi une décision très importante pour l'avenir des droits voisins, cette rémunération que et les plateformes numériques sont censés mettre en place pour les éditeurs de presse en rétribution de la reprise de leurs contenus (extraits d'articles, photos, vidéos, infographies...) qui apparaissent dans les pages de résultats lors d'une recherche de l'internaute. L'Autorité de la concurrence a effet infligé au moteur de recherche américain une amende de 500 millions d'euros pour ne pas avoir négocié "de bonne foi" avec les éditeurs de presse sur l'application de ces droits voisins. Une amende record puisque "c'est la plus forte" jamais infligée par l'Autorité de la concurrence pour un non-respect d'une de ses décisions, a rappelé la présidente de l'Autorité, Isabelle De Silva. Celle-ci a par ailleurs ordonné à Google de "présenter une offre de rémunération pour les utilisations actuelles de leurs contenus protégés" aux éditeurs et agences de presse, sous peine "de se voir infliger des astreintes pouvant atteindre 900.000 euros par jour de retard".

Des décisions qui peuvent avoir une Influence mondiale

Des mesures très lourdes pour le géant américain. La décision de l'Autorité - et la manière dont elle est justifiée - sera observée à la loupe en France et au-delà des frontières, car c'est la première décision d'une autorité de régulation sur les droits voisins, une législation européenne mise en place en 2019 et que la France a été la première à transposer. Les décisions de l'Autorité de la concurrence française sont d'autant plus suivies qu'elles peuvent avoir une influence mondiale. Le 7 juin par exemple, une décision du gendarme français dans un autre domaine, la publicité en ligne - avec une amende de 220 millions d'euros à la clef - a amené Google à réformer à l'échelle mondiale un certain nombre de ses pratiques.

 "Nous avons voulu marquer la gravité" des manquements de Google à ses obligations, a justifié Isabelle De Silva. Google ne "semble toujours pas accepter la loi" créant les droits voisins, or "il n'appartient pas à un opérateur de refuser la loi", a-t-elle déclaré.

Pour rappel, hostile au début au principe de ces "droits voisins du droit d'auteur", Google a d'abord essayé d'imposer aux éditeurs de presse de lui accorder à titre gratuit le droit d'utiliser ces contenus. Le moteur de recherche justifiait sa demande en assurant que les éditeurs étaient bien assez rémunérés par le trafic qu'il envoyait sur leurs sites. Fin 2019, devant le refus de Google de négocier une rémunération, les éditeurs de presse (Syndicat des éditeurs de presse de la presse magazine, Alliance de la presse d'information générale, l'AFP) ont saisi l'Autorité de la Concurrence pour "abus de position dominante". Quelques mois plus tard, en avril 2020, le gendarme de la concurrence a imposé des "mesures d'urgence" au moteur de recherche américain. Autrement dit, il s'agissait d'une obligation de négocier "de bonne foi" une rémunération avec les éditeurs de presse. C'est sur le respect de cette obligation de négocier de "bonne foi" que l'Autorité de la concurrence s'est prononcée ce mardi. La question d'un abus ou non de position dominante fera l'objet d'une autre décision, qui pourrait intervenir avant la fin de 2021, selon Isabelle De Silva.

 Sur le fond, l'Autorité de la concurrence reproche en particulier à Google d'avoir tenté de placer les négociations sur le terrain de Google Showcase, un nouveau service proposé par Google, en refusant "d'avoir une discussion spécifique" sur les droits voisins.

"En outre, Google a restreint sans justification le champ de la négociation, en refusant d'y intégrer les contenus des agences de presse repris par des publications (images par exemple), et en écartant l'ensemble de la presse non-IPG (presse d'information politique et générale)" de la discussion, a indiqué Isabelle De Silva.

L'Autorité reproche également à Google de ne pas avoir communiqué aux éditeurs et agences de presse "les informations nécessaires à une évaluation transparente sur la rémunération due".

Google s'est limité à fournir des éléments sur les "revenus publicitaires directs générés" par le service de moteur de recherche "à l'exclusion de l'ensemble des revenus, notamment indirects, liés à l'utilisation de ces contenus", a indiqué l'Autorité.

Déception chez Google

Chez Google, on ne cachait pas sa déception. "Nous sommes très déçus par cette décision car nous avons agi de bonne foi pendant toute la période des négociations. Cette amende ne reflète pas les efforts mis en place, ni la réalité de l'utilisation des contenus d'actualité sur notre plateforme", a réagi un porte-parole de Google auprès de l'AFP.

"Cette décision porte principalement sur les négociations ayant eu lieu entre mai et septembre 2020. Depuis, nous avons continué à travailler avec les éditeurs et agences de presse pour trouver un terrain d'entente", affirme Google. Mi-janvier 2021, Google et l'Alliance de la presse d'information générale (Apig, qui représente notamment les quotidiens nationaux et régionaux) ont annoncé un accord-cadre qui ouvre la voie à une rémunération des journaux. Cet accord reste toutefois un accord-cadre qui ne concerne qu'une partie des éditeurs de presse et laisse sur la touche d'autres catégories d'éditeurs. C'est le cas par exemple de la presse magazine représentée par le SEPM (syndicat des éditeurs de la presse magazine) et des agences de presse, dont l'AFP)

Dans la foulée de la décision de l'Autorité de la concurrence, Google et l'Agence France-Presse ont annoncé être "proches d'aboutir à un accord" sur la question des droits voisins. Le directeur général de Google France, Sébastien Missoffe, a précisé que l'accord en gestation portait "sur une licence globale pour l'utilisation de différents contenus de l'AFP dans nos produits et services, ainsi que la rémunération au titre du droit voisin pour les publications de presse de l'AFP."

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Commentaires 5
à écrit le 15/07/2021 à 12:06
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Comment voulez-vous faire pression sur google ??? D'un claquement de doigt, ils ferment les services FR (gmail, analytics, résultats de recherche, cloud, ...) et des centaines (milliers ?) de boîtes françaises qui se sont inféodés au géant américain ...

à écrit le 14/07/2021 à 8:31
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Cette décision devrait faire jurisprudence, non ? Rêvons un peu. Le medef, le gouvernement et les syndicats de salariés devront négocier de bonne foi, les Allemands et les Français pour la guidance de l'UE et les programmes communs, les Anglais et l'...

à écrit le 13/07/2021 à 15:55
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Donc les éditeurs vont demander de l'argent pour des journaux qu'on n'a pas le droit de lire et qu'on subit des cookies encombrantes qui n'ont aucun rapport avec le journal c'est limite!

à écrit le 13/07/2021 à 13:30
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Et combien pour l'Etat français pour avoir mis nos données de santé sur internet sans les sécuriser un maximum ?

à écrit le 13/07/2021 à 12:13
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Est ce qu'à un moment, on va réellement prendre les mesures qui s'imposent ou va-t-on continuer à distiller des petites amendes sans réels effets ? Je constate que les USA ne sont pas frileux à balancer des amendes de plusieurs milliards à nos grou...

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