L’Autorité de la concurrence jette un froid sur le deal TF1-M6

D’après TF1 et M6, l’institution de la rue de l’Echelle s’est montrée défavorable à leur projet de fusion. Elle considère que l’opération soulève « des problèmes de concurrence significatifs », en particulier sur le marché de la publicité. Les deux mastodontes de la télévision ne rendent toutefois pas les armes, et entendent, pour l’heure, « maintenir leur projet ».
Pierre Manière
La tour TF1, à Boulogne-Billancourt.
La tour TF1, à Boulogne-Billancourt. (Crédits : Reuters)

C'est un signal particulièrement négatif que vient d'envoyer l'Autorité de la concurrence. L'institution de la rue de l'Echelle doit se prononcer sur le projet de mariage entre TF1 et M6. Son aval est crucial : sans lui, le deal s'envole. Cela fait des mois que les équipes de l'autorité planchent sur cet épineux dossier, qui pourraient chambouler tout le paysage audiovisuel français. Mais ce mardi, en marge de la présentation des résultats semestriels de M6, Nicolas de Tavernost, le président du directoire du groupe, a affirmé qu'un rapport fraichement remis par l'institution n'était guère favorable à cette union.

On comprend que l'autorité ne dit pas « non ». Qu'elle ne ferme pas complètement la porte. Mais que les « remèdes » qu'elle propose - c'est-à-dire des cessions d'actifs ou des systèmes de murailles de Chine entre différents services par exemple - sont beaucoup trop lourds au regard des états-majors de TF1 et de M6. Ces mesures « ne permettraient pas de bâtir un projet industriel cohérent », a lâché Nicolas de Tavernost, qui doit prendre la tête du nouvel ensemble si le deal aboutit.

Une part de marché de 70% à la télévision

Dans un communiqué envoyé dans la foulée de ces déclarations, TF1 et Bouygues, sa maison-mère, ne disent pas autre chose. Ils affirment qu'aux yeux des « services d'instruction » de l'autorité, « l'opération soulève des problèmes de concurrence significatifs »« La nature et l'étendue des remèdes requis dans le rapport d'instruction feraient perdre toute pertinence au projet des parties qui, dans ce cas, l'abandonneraient », poursuivent-ils. Le problème pour l'Autorité de la concurrence, indiquent Bouygues, TF1 et M6, concerne surtout « le marché de la publicité ». En clair: la part de marché cumulée des deux mastodontes de la télévision serait trop importante.

Ce n'est pas une surprise. TF1 et M6 savent depuis le début que c'est là « le » point qui suscite le plus de critiques, et qui peut faire tout capoter. Concrètement, l'ensemble TF1-M6 pèserait plus de 70% de la publicité à la télévision. Cela constitue forcément un problème. Mais TF1 et M6 ne cessent de répéter que leur part de marché serait bien moindre en incluant la publicité numérique, dominée par les grandes plateformes américaines. Ils martèlent depuis longtemps que l'autorité doit revoir son logiciel, et ne plus seulement se focaliser sur la publicité à la télévision... Après tout, arguent-ils, l'Autorité de la concurrence n'a-t-elle pas autorisé la fusion Fnac-Darty, en 2016, en considérant la concurrence d'Amazon et de PriceMinister dans la vente de l'électroménager en ligne ?

Des audiences décisives début septembre

TF1 et M6 ne comptent, à ce stade, pas rendre les armes. « Les parties, qui entendent maintenir leur projet tel qu'il a été présenté, vont répondre dans les trois semaines à l'autorité », affirment-t-ils dans leurs communiqués. Des audiences devant le collège de l'institution sont en particulier prévues les 5 et 6 septembre prochains. Il n'empêche que ce rapport constitue une sacrée douche froide. Même si le deal TF1-M6 a été particulièrement critiqué, en particulier par certains concurrents comme Xavier Niel, le patron d'Iliad (Free), celui-ci avait notamment les faveurs de l'exécutif. « Cette fusion ne m'inquiète pas, a déclaré Roselyne Bachelot, l'ancienne ministre de la Culture, en août dernier sur France Info. Nous avons besoin de groupes forts dans l'audiovisuel privé qui assurent des programmes gratuits de qualité. » Ajoutons cette déclaration plutôt positive de Roch-Olivier Maistre, le président de l'Arcom (ex-CSA), le régulateur de l'audiovisuel, qui a qualifié ce mariage de « naturel » en septembre dernier.

Jusqu'à présent, TF1 et M6 ont toujours défendu que leur union constituait un impératif pour ne pas, à terme, se retrouver dans l'impasse. Leur raisonnement est que la durée d'écoute de la télévision linéaire traditionnelle baisse progressivement au profit des champions américains de la vidéo à la demande, comme Netflix, Amazon Prime ou Disney Plus. Ensemble, ils disposeraient de davantage de forces pour se développer dans le streaming et le « non linéaire ». « C'est la seule carte à jouer », a affirmé Nicolas de Tavernost en janvier dernier, lors d'une audition par la commission d'enquête du Sénat sur la concentration dans les médias. Cela dit, beaucoup d'opposants à cette fusion soutiennent que l'objectif de TF1 et M6, dont les résultats restent très bons, n'a qu'un objectif finalement classique : grossir, faire des économies d'échelles, et engranger davantage de profits. Les deux géants vont, quoi qu'il en soit, devoir redoubler d'efforts pour convaincre l'Autorité de la concurrence. Cette bataille s'annonce pour le moins difficile.

Pierre Manière

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Commentaires 2
à écrit le 27/07/2022 à 11:09
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TF1 + m6 = oligarchie trustant toute lapub et les revenus ….quand on voit leurs programmes à mémère … on se passe de la télé …

à écrit le 27/07/2022 à 9:09
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Pourquoi se mettre a deux pour nous laver le cerveau? Surtout que maintenant il n'y a plus de redevance qui puisse freiner leur élan!;-)

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